Finale
Samedi 19 septembre – Théâtre musical
Canat de Chizy : Times
Mendelssohn : Concerto pour violon (deuxième et troisième mouvement)
David Grimal, violon
Berlioz : Symphonie fantastique (RĂŞveries-Passions)
BBC Symphony Orchestra
Deux jours d’interruption n’étaient sans doute pas de trop pour aborder le dernier round de la compétition avec un temps de repos et de préparation convenables. Pour cette ultime épreuve, la règle est tout simplement d’observer les conditions du concert, sans possibilité d’arrêter l’orchestre.
Deux dernières difficultés, l’accompagnement de soliste instrumental en concerto, et surtout, une pièce contemporaine donnée en création, impossible à connaître autrement que par la seule partition. Et si a priori, les jeux semblent faits, personne n’a jamais été à l’abri d’une défaillance, ce qui permet au concours de conserver un minimum de suspense.
C’est le très travailleur Rossen Gergov qui ouvre le bal, dans un Théâtre musical bondé où l’on entendrait une mouche voler. Mais d’emblée, on ressent comme un léger malaise. La battue est nette, volontaire, mais on peine à trouver son chemin dans la pièce contemporaine, qui semble monotone, et trop peu défrichée.
Dans Mendelssohn, le mouvement lent paraît interminable, et le Finale, trop accroché à la pulsation, sans vraie jubilation, manque réellement de fantaisie. De même, la Symphonie fantastique voit le Bulgare corseté, de battue trop uniforme, sans assez de caractérisation dans la diversité des états psychologiques invoqués par la partition.
La pièce d’Édith Canat de Chizy respire d’une tout autre lumière sous la baguette fuyante et réactive de Tomohiro Seyama. L’univers sonore est mieux défini, plus clair, la matière ô combien plus incandescente, et le Japonais donne tout simplement l’impression de savoir où il va, en inventant une véritable narration par le timbre, jusque dans des silences beaucoup plus éloquents.
Dans Mendelssohn, le mouvement lent respire, avec ce tangage nonchalant presque valsé, et toujours un beau cantabile. Dommage que le Finale, tellement plus pétillant, prenne le Japonais en défaut de synchronisation soliste-orchestre dans les figures sautillantes qui irriguent le mouvement ! Et quelle perte d’énergie dans ces flexions systématiques des genoux sur chaque mesure ! Enfin, dans Berlioz, après un épisode lent laborieux, Seyama déclenche quelques belles embardées, sans parvenir à les canaliser vraiment.
Kazuki Yamada, lui, creuse d’entrée de jeu l’écart au niveau de la gestique : la sienne est un art en soi. Son Times, très bien mené, sera toutefois beaucoup plus abstrait et conceptuel que celui de son compatriote, moins évocateur de timbres quoique bien aussi peaufiné.
Dans Mendelssohn, c’est au niveau musical que la différence se fait sentir. Yamada n’a pas besoin du tempo très allant de Seyama dans le mouvement lent pour donner de la fluidité au discours. On sent là une énergie vitale contrôlée, qui vient du ventre, dans ce geste qui fournit une magnifique régularité dans le calme. Quant au Finale, où un vrai dialogue s’instaure avec le violon solo de David Grimal, son pétillement et sa qualité de rebond maîtrisé déchaînent d’ores et déjà le public.
Pour finir en beauté, le Japonais donne un premier mouvement de Symphonie fantastique à se damner : d’une authentique qualité de sommeil, puis de rêve éveillé dans l’introduction, d’une pulsion vitale irrésistible dans l’idée fixe et d’une incroyable variété de climats dans le développement, avec ses tirés d’archet démentiels, ses accélérations folles, son apaisement religieux final qui disent à la perfection l’état constamment cyclothymique du compositeur.
Le suspense est mort, le public exulte. À la sortie de la salle, un spectateur hébété nous lance : « voilà une affaire pliée ! » On ne pouvait dire mieux. Kazuki Yamada remporte en effet à la fois le Prix du public et le Grand Prix du 51e Concours de Jeunes Chefs d’Orchestre de Besançon, cinquante ans tout rond après un certain… Seiji Ozawa !
Complément :
Vidéo ARTE Live Web de l’intégralité de la Finale
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