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ENTRETIENS 03 mai 2025

Nicolas Paul,
dans la cour des grands

© Icare

Sujet dans le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris, il a dansé de nombreux rôles et signé plusieurs pièces très appréciées pour des danseurs de la compagnie. Avec Répliques, commande de l’Opéra pour le Palais Garnier, Nicolas Paul entre dans la cour des grands, entre Benjamin Millepied et Wayne McGregor.
 

Le 21/10/2009
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Pourquoi ce titre de RĂ©pliques pour votre première pièce destinĂ©e Ă  la grande compagnie ?

    Je cherchais d’abord un titre qui ne brime pas l’imaginaire du public. Il fallait ensuite qu’il soit en phase avec la scénographie élaborée avec Paul Andreu et qu’il puisse évoquer à la fois la parole, le fait de répondre à quelqu’un, de dialoguer. Répliques m’a semblé correspondre à tout cela, sans trop orienter la lecture du spectateur. Coller une étiquette sur une pièce est toujours pour moi une étape compliquée.

    Ici, la thématique était relativement claire. Paul Andreu a fait un travail important sur le thème de la mémoire. Nous l’avons fait converger avec mes thèmes de prédilection comme le double, l’introspection, une approche générale teintée de psychanalyse. La musique est également entrée en ligne de compte. Ligeti a une écriture très variée, libre de toute école, mais avec la récurrence de structures allant vers un nœud qui se dénoue sans vraiment se résoudre. Tout cela a donc orienté le choix du titre.

     

    Qu’avez-vous choisi dans l’œuvre de Ligeti ?

    J’ai pris la première et la dernière des Trois pièces pour deux pianos : Monument et Mouvement. On voit bien le passage de l’immobilité au mouvement. Au milieu, le dernier mouvement pour piano seul de Musica ricercata, un hommage à Frescobaldi, et le dernier mouvement du Trio pour violon, cor et piano. Ce sera sur bande, par choix, pour plusieurs raisons.

    Je veux avoir une synchronisation parfaite entre le geste et la musique, sans que cette dernière risque de se dissocier du mouvement, ce qui peut toujours se produire avec des interprètes en direct, d’autant que c’est une musique peu évidente pour les danseurs. Il fallait aussi qu’ils n’aient aucune perte de repère par rapport à ce qu’ils ont l’habitude d’entendre.

     

    Vous êtes très musicien vous-même, bon pianiste, même si votre modestie refuse de l’admettre. Ligeti fait-il partie des musiciens que vous pratiquez ?

    J’ai pris goût à sa musique depuis quelques années. J’ai beaucoup écouté les Études pour piano que je considère comme les plus belles écrites récemment, pour leur variété, leur rapport au rythme. Les choix musicaux de Répliques sont pour certains, comme le trio, des découvertes plus récentes. Je ne prétends pas pour autant connaître très bien tout l’œuvre de Ligeti.

     

    Dans votre processus créateur, quel est justement votre rapport à la musique ?

    Tout commence par une écoute aussi attentive que possible de la musique, dans la mesure de mes compétences. Même si je ne peux pas tout analyser dans le détail, surtout pour des œuvres aussi complexes que celles de Ligeti, je parviens quand même à pénétrer l’essentiel de la structure. Cela commence toujours là, même si le choix du thème peut précéder celui de la musique. Mais dès qu’elle est définie, tout commence par son écoute.

    Ensuite, comme j’aime toutes les formes de dialogues, j’aime celui de la chorégraphie et de la musique et je ne m’interdis donc pas à l’occasion de prendre le contre-pied d’un passage, d’être a contrario avec ce qu’elle semblerait imposer de prime abord. Mais je peux aussi suivre la partition à la croche près si je pense que cela sert la pièce. Dès que l’on a pris conscience de ce qu’est la musique choisie, la danse doit conserver toute sa liberté.

     

    Comment travaillez-vous avec les danseurs ?

    En dialogue. J’arrive toujours, et ici encore plus que d’habitude, avec un travail préparé en amont, ne serait-ce que pour la scénographie et les costumes. J’ai aussi la chance de travailler avec des danseurs que je connais bien, ce qui ne veut pas dire que je me contenterai de leur demander ce qu’ils savent déjà. Peut-être pourrai-je leur apporter autant qu’ils m’apportent ? Sur des passages plus personnels, comme certains solos, le travail de préparation est assez précis mais remanié en studio avec l’interprète, en tous domaines, y compris celui de la musicalité. J’aime ce que les danseurs me donnent.

     

    Avez-vous choisi vous-mĂŞme vos danseurs ?

    Il y a deux distributions de huit danseurs chacune, et je les ai choisies en accord avec Brigitte Lefèvre. Mais cette pièce n’est pas vraiment un travail sur l’individualité. Je laisse intervenir des différences, la chorégraphie cherchant plutôt à suggérer des rapprochements. Les différences sont parfois gommées, parfois accentuées, à l’image des costumes où il y a à la fois similitudes et différences.

    Sans quoi, traiter la problématique du double peut être complètement linéaire. De toutes manières, c’est le climat général de travail du groupe qui importe, beaucoup plus que les similitudes ou les différences de physiques ou de caractères. Si les danseurs ont envie de ce travail, il n’est pas difficile d’intervenir.

     

    N’est-il pas difficile de passer de la situation de membre très apprécié du Corps de ballet à celle de chorégraphe à qui la maison commande l’un des deux seules créations de la saison, l’autre étant celle d’Angelin Preljocaj ?

    C’est un peu effrayant en amont… mais maintenant qu’on y est, cela se passe avec grand naturel. Je sens que les danseurs me font confiance. Mais c’est vrai que j’appréhendais ce changement de casquette, même si j’en avais déjà un peu fait l’expérience comme assistant de Robin Orlyn. Et puis, il y a dans le groupe des gens avec qui j’ai déjà travaillé et ils ont tous envie de collaborer à ce projet, ce qui implique leur adhésion à la place que j’occupe face à eux. On n’a forcé personne, mais je reconnais qu’au début, c’était quand même intimidant.

    Aujourd’hui, j’ai trouvé mes marques, ce qui n’exclut pas quelques crises de panique car je suis très émotif, mais cela m’arrive aussi par rapport à mes rôles ! Je sais également que je dois me débrouiller avec le temps dont je dispose, comme je dois tenir compte de la disposition des lieux, avec une scène en pente et une salle à l’italienne qui ne permettent pas n’importe quoi. C’est vrai que je suis très perfectionniste et que je pourrais travailler deux ans sans être jamais totalement satisfait du résultat. Mais il faut bien se fixer des limites !

     

    Selon vous, est-ce que l’on naît chorégraphe ou est-ce que l’on peut le devenir, même sur le tard ?

    En ce qui me concerne, j’ai toujours eu le désir de faire de la chorégraphie. Dès mes premières émotions musicales, j’ai eu envie de pallier mes incompétences musicales en bougeant, pour que cette émotion passe par moi, par tout mon corps au lieu de ne passer que par ce que je pouvais tenter de faire avec mes doigts. Ce qui est particulier pour nous est qu’il n’y a pas d’études particulières pour être chorégraphe.

    Un compositeur peut apprendre l’harmonie, le contrepoint, la composition. Nous, nous n’avons que notre travail d’interprète, enrichi il est vrai de tous les contacts dont nous bénéficions dans une maison comme l’Opéra de Paris, professeurs, danseurs et créateurs invités. C’est sans doute une forme d’études, mais très informelle.

    Il faut naturellement une envie au départ, mais on n’arrive pas toujours au bout de ses envies. Il y a finalement une vraie différence entre l’envie de faire quelque chose et le besoin de la faire. La création relève très nettement davantage du besoin, de la nécessité qui s’impose.

     

    Le fait que votre création soit présentée entre Amoveo de Benjamin Millepied et Genus de Wayne McGregor a-t-il influencé votre travail ?

    Pas pour les choix musicaux, mais pour d’autres, comme celui de la vidéo, pour trouver une cohérence. Le choix de Brigitte Lefèvre n’était pas non plus un hasard car nous sommes tous les trois, Millepied, McGregor et moi à des croisées de chemins, pas les mêmes, pas sous les mêmes influences, mais cela nous rapproche quand même.

    En outre, je connaissais les deux pièces et cela m’a forcément influencé, même inconsciemment. Si l’on m’avait demandé de m’intégrer dans une autre soirée, comme ce fut par exemple le cas de Millepied dans un Hommage à Robbins, je n’aurais sûrement pas fait la même proposition. Il faut avoir le souci de l’intégrité d’une soirée. Brigitte Lefèvre savait très bien ce qu’elle faisait en me proposant d’intégrer ce programme.

     

    Avez-vous encore le temps de travailler le piano ?

    Je m’astreins à essayer de travailler l’Aria des Variations Goldberg, même si c’est au-dessus de mes possibilités. Je ne me lasse pas de découvrir sans cesse une note, un détail que je n’avais pas remarqué. Je ne peux pas me passer de ça !




    À voir :
    Répliques, de Nicolas Paul au Palais Garnier, du 7 au 22 novembre.

     

    Le 21/10/2009
    Gérard MANNONI


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