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ENTRETIENS 13 juillet 2025

David Robertson, chef expresso
© J. Henry Fair

Depuis septembre dernier, l'Américain David Robertson préside aux destinées de l'Orchestre national de Lyon. L'ex-pape parisien de la musique contemporaine est bien décidé à faire évoluer l'ex-formation d'Emmanuel Krivine sans pour autant contrarier les habitudes du public local. Un seul mot d'ordre : la démocratisation de la musique.
 

Le 01/12/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • En quoi consiste le cycle Concerts expresso que vous avez initié dès votre arrivée à la tête de l'Orchestre national de Lyon il y a quelques semaines à peine ?

    C'est une formule nouvelle de concerts symphoniques qui tend à contourner les principaux obstacles mis sur la route du néophyte. Premier écueil, le répertoire : j'ai choisi de privilégier la musique symphonique dite populaire, celle qui parle naturellement au coeur des gens. Cela me semble préférable que de vouloir faire ingurgiter à un public non mélomane des partitions pour lesquelles il n'est pas préparé. Deuxième point, la durée et l'horaire du concert : pas plus d'une petite quarantaine de minutes à la mi-journée, les vendredis, sous la forme de rendez-vous thématiques, à intervalle régulier dans la saison. Le dernier aspect, et non des moindres, était d'opérer une rupture avec l'ambiance sérieuse du concert traditionnel : avec les Concerts expresso, les gens ne sont pas tenus de rester cloués à leur siège sans pouvoir manifester leur enthousiasme ; ils peuvent tout au contraire applaudir quand bon leur semble. En d'autres termes, j'ai voulu renouer avec l'idée qu'un concert n'était pas un musée, mais bel et bien un lieu de vie à part entière.

     
    En somme, Lyon est en train d'expérimenter, à son échelle, la formule des Proms de Londres


    En quelque sorte. Un modèle, en tout cas. Car la musique y est toujours reine, quelle que soit la présentation qu'elle revêt.

     
    Démocratiser la musique est donc un objectif absolu, quels que soient les moyens pour l'atteindre ?

    Je ne vois qu'une seule condition sine qua non : ne jamais sacrifier la musique sur l'autel de la vulgarisation. La qualité d'une interprétation doit toujours être une priorité. Si l'on veut intéresser un public nouveau, il est impératif de lui offrir le nec plus ultra auditif. À partir de ce postulat, toutes les voies, en effet, peuvent être explorées pour drainer de nouveaux auditeurs. Avec le choix des oeuvres, il s'agit aussi de détruire les barrières strictement psychologiques qui peuvent se dresser artificiellement devant eux. D'autre part, les Concerts expresso ont pour vocation de remettre au goût du jour tout un pan du répertoire, cette musique à la facture souvent simple, pétillante, d'un intérêt évident, qui pourtant ne trouve que difficilement sa place dans les concerts d'abonnement. Pour donner quelques exemples, je pense au Capriccio italien de Tchaikovsky, à l'Ouverture du Barbier de Séville de Rossini, au Capriccio espagnol de Rimski-Korsakov ou à la Première Suite du Tricorne de de Falla. Les Concerts expresso, par l'originalité de leur formule, cherchent donc à pallier cette situation.

     
    Cette relative mise à l'écart est-elle propre à la vie musicale française ?

    Je ne le pense pas, vraiment. La marginalisation de ce répertoire, je peux l'observer un peu partout aux quatre coins du monde. Une différence de taille, tout de même : les pays à la culture musicale bien ancrée ont depuis longtemps inventé des cycles de concerts aux règles nouvelles, où ces partitions ont droit de cité, sans que leur légitimité ne soit jamais contestée. Dans ce domaine, la France est un véritable désert. Espérons que les Concerts expresso fassent avancer les choses.

     
    Au terme de votre mandat lyonnais, quels résultats aimeriez-vous obtenir dans ce domaine ?

    Je souhaiterais tout simplement que les gens comprennent que la musique est un "droit" auquel il est possible d'accéder indépendamment de la couche sociale à laquelle on appartient. On ne peut pas non plus continuer à considérer qu'il y a une bonne et une mauvaise musique, car tout est, une fois encore, affaire de contexte. Par exemple, une musique écrite pour être dansée ne peut revêtir le même intérêt si le corps de celui qui l'écoute ne peut se mouvoir. Tout est donc un problème d'adaptation d'une musique à un environnement idoine.

     
    Depuis de longues années déjà, les orchestres de Lyon – celui de l'Opéra, comme l'Orchestre national – ont estimé que la musique devait être promue par l'audiovisuel. D'ambitieuses politiques ont été développées dans ce sens. Quels prolongements nouveaux comptez-vous donner à ces projets ?

    Je veux rester prudent quant aux perspectives de développement audiovisuel. Comme tout orchestre, l'Orchestre national de Lyon est dans l'obligation de respecter les droits de ses musiciens, et l'on peut toujours craindre qu'une trop grande diversification des moyens de diffusion, en particulier sur Internet, n'engendre qu'une plus grande surveillance du respect de ces droits. Et puis, je ne souhaiterais pas me lancer dans cette aventure sans que de solides projets artistiques n'aient été arrêtés. Il en va de la vidéo comme du disque compact : trop de "produits" sans réel intérêt envahissent le marché. Je dois prendre le temps d'y réfléchir. En tout état de cause, cette première saison, je préfère la passer à rencontrer le public lyonnais, plutôt que de travailler à la promotion internationale de l'orchestre via une politique audiovisuelle.

     
    En matière de répertoire, votre présence à Lyon marque-t-elle une rupture ?

    Disons que je vais défendre une position ouverte, sans œillères. Car je crois sincèrement que l'avenir des grandes formations symphoniques passe par la multiplicité des répertoires joués, non par une volonté de spécialisation. L'Orchestre national de Lyon peut montrer ainsi sa capacité à moduler sa pâte sonore en fonction d'un répertoire donné, qu'il s'agisse de Daphnis et Chloé de Ravel ou de La Nuit transfigurée de Schoenberg.

     
    On ne peut tout de même pas oublier que vous avez été pendant de longues années le patron de l'Ensemble Intercontemporain


    La musique de notre temps sera bien sûr présente à Lyon, mais je dois tenir compte de la spécificité du public. Pour qu'un auditoire accepte des oeuvres nouvelles, il est impératif d'inscrire celles-ci dans la continuité de l'histoire de la musique. Or, les Lyonnais découvrent aujourd'hui certaines partitions essentielles du XXe siècle ! Des pièces de Bartók, Szymanowski et Janácek avaient été ainsi absentes des programmes. Le retard est important. Il faut le rattraper.

     
    On parle beaucoup de vos années à la direction de l'Ensemble Intercontemporain, peu de celles passées à la tête de l'Orchestre symphonique de Jérusalem


    C'est pourtant avec l'Orchestre symphonique de Jérusalem que j'ai fait mes premières armes, entre 1985 et 1987. Ces deux années ont été capitales : c'est au cours de cette période que j'ai appris à devenir un véritable chef d'orchestre, à explorer un répertoire des plus vastes, allant de Bach aux compositeurs contemporains.

     
    On vient d'introduire la musique de Wagner en Israël, avec Siegfried Idyll. Cela vous semble-t-il opportun ?

    Les émotions liées à tout un peuple sont d'une telle complexité que toute réponse hâtive serait une erreur. Je ne crois pas que cette initiative soit mauvaise ou indécente, mais il eût été nécessaire de faire préalablement un travail de fond capable de sonder une conscience collective, de faire surgir en elle une acceptation naturelle. Autant d'éléments qui dépassent de loin les simples paramètres de la musique.

     


    Discographie sélective :

    -Pièces de Pascal Dusapin – Orchestre national de Lyon – Auvidis Montaigne (Naïve)

    Clarinette américaine - Concerto pour clarinette d'Elliott Carter – Ensemble Intercontemporain – Virgin Classics

    Namouna de Lalo – Orchestre philharmonique de Monte Carlo – Auvidis Valois (Naïve)

     

    Le 01/12/2000
    Stéphane HAIK


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