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ENTRETIENS 20 avril 2024

Emmanuelle Haïm,
née des lumières

© Eric Sebbag

© Eric Sebbag

Elle est demandée par des chefs aussi réputés que William Christie, Simon Rattle ou Claudio Abbado pour les assister, tant son talent pour accompagner les voix est accompli. Avant de diriger seule l'Orchestre of The Age of Enlightenment l'an prochain, on pourra l'entendre lundi 14 à Paris avec son ensemble le Concert d'Astrée.
 

Le 10/05/2001
Propos recueillis par Isabelle APOSTOLOS
 



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  • Votre jeune carrière est jalonnée de rencontres avec de grands musiciens...

    Il se trouve que je suis issue d'une famille assez musicienne dont une tante pianiste qui était l'assistante d'Yvonne Lefébure. J'ai donc eu rapidement la chance de travailler avec cette grande pianiste. Or elle avait un goût assez prononcé pour la musique baroque - Bach surtout, et aussi Couperin ou Rameau - que j'ai donc rapidement travaillée au piano.

    Par la suite, au conservatoire, j'ai aussi reçu les cours d'André Isoir à l'orgue, juste pour jouer Bach en fait. Dans le même temps, Kenneth Gilbert a été mon professeur de clavecin et Laurence Boulay m'a enseigné la basse continue. J'ai ensuite beaucoup travaillé l'accompagnement avec Christophe Rousset, et comme j'avais beaucoup de goût pour cela, William Christie m'a d'abord invitée dans sa classe de chanteurs, puis à rejoindre les Arts Florissants.

     
    Après avoir assisté Christophe Rousset et William Christie, vous avez également travaillé avec d'autres chefs moins habitués du baroque, comme Simon Rattle ou Claudio Abbado que l'on ne savait pas trop attiré par le répertoire baroque


    En fait, j'ai seulement travaillé sur des partitions de Mozart avec Abbado, mais il n'est absolument pas fermé à des répertoires de type monteverdien, qui font partie du patrimoine italien, et donc qui l'intéressent déjà à ce titre. Dans ce cas, il aime s'adjoindre l'aide de spécialistes variés.

     
    Dont vous


    Oui, le cas échéant, si le projet est viable. Avec Claudio, nous avons travaillé avec le Mahler Chamber Orchestra, qui a monté le Don Giovannià Aix-en-Provence il y a deux ans. J'étais la continuiste. Or, ce sont des musiciens qui ont une démarche très ouverte, qui ont joué avec archet classique, petites timbales, cuivres naturels, etc. Ils ont fait aussi des recherches sur le phrasé. Une sorte d'entre-deux-mondes.

    Ce sont aussi des instrumentistes très jeunes, qui ont aujourd'hui la possibilité de travailler dans ce cadre-là. Ce fut très intéressant de faire cette rencontre. Et Abbado a été très intéressé par cela, de même que Daniel Harding, l'autre chef de ce projet. Du coup, notre collaboration s'est prolongée, c'est intéressant de voir des gens de la valeur musicale d'Abbado aborder ce genre de répertoire sans être fermé aux apports des " baroqueux ".

     
    Simon Rattle a, lui, plus l'expérience de la direction d'ensembles de musique ancienne, n'est-ce pas ?

    Absolument. Il dirige The Age of Enlightenment. D'ailleurs, quand il leur parle du Philharmonique de Berlin, il dit " mon autre orchestre"! Il a la curiosité de ce répertoire depuis très longtemps, il fait simplement les choses au rythme où elles s'imposent. Il a demandé ma participation à plusieurs de ses projets, dont Idomeneo à Glyndebourne, ou La Passion selon Saint Jean qu'on fera d'une part avec The Age of Enlightenment, orchestre spécialisé, mais aussi avec des orchestres modernes.

    Quand quelqu'un de sa stature musicale et humaine brise un peu des tabous qui séparent les orchestres, tout le monde y gagne. Je ne milite absolument pas pour que la musique ancienne revienne à des non-spécialistes, mais je souhaite qu'elle soit au moins connue des ceux-ci, et qu'éventuellement, le mélange des cultures ne soit pas totalement impossible. Rattle a par exemple fait jouer la suite de danses des Boréades par des orchestres du monde entier. Or ils ignoraient souvent jusqu'au nom de Jean-Philippe Rameau et n'en avaient en tout cas jamais joué de leur vie.

     
    L'an passé, vous avez dirigé Haendel au festival de Beaune, avec votre ensemble Le Concert d'Astrée. Christophe Rousset a lui aussi eu sa première grande chance à Beaune : pensez-vous suivre un peu sa route ?

    Certainement. Je suis tout à fait une disciple de Christophe, que ce soit dans sa façon d'aborder le clavecin ou le répertoire. Il a une façon très vivante de faire sonner l'instrument, à la fois respectueuse envers des textes et très inventive. J'ai longtemps travaillé au sein de son ensemble, j'ai donc suivi de près son cheminement et me suis beaucoup nourrie de cette expérience. Ce qui nous rapproche aussi, c'est l'amour de la voix, c'est un élément fondamental. Avec lui, j'ai abordé tout un pan du répertoire qui n'était alors pas servi du tout, par exemple le jeune Haendel ou Jommelli.

     
    Comment concevez-vous la direction ? Jusqu'à présent, vous avez surtout dirigé du clavecin. Allez-vous poursuivre ainsi, ou allez-vous aborder la direction de formations plus importantes pour lesquelles il faudra peut-être renoncer au continuo ?

    Haendel a dirigé toutes ses oeuvres du clavecin, même avec des effectifs énormes : c'est donc possible ! Cela dit, je vais aborder des oeuvres avec des effectifs importants avec The Age of Enlightenment dans un programme Rameau en décembre 2002, et j'ai également plusieurs projets de musique française avec choeurs, donc effectivement, je serais peut-être amenée à délaisser un peu mon clavecin.

     
    Quelle est la part de recherche musicologique dans votre travail ?

    Elle est forcément énorme, comme pour n'importe quel musicien baroque, ne serait-ce que pour établir la validité du texte musical. Pour ma part, tout en lisant les traités, je travaille beaucoup par imprégnation, je peux jouer pas mal d'opéras de Lully par coeur. La familiarité avec les oeuvres me semble primordiale, j'absorbe beaucoup d'informations mais je réagis d'abord en tant que musicienne et n'hésite pas à me faire aider de musicologues spécialistes d'un domaine.

     
    Quelle est l'importance du disque dans votre formation musicale ? Avez-vous des disques de chevet ?

    Il y a bien sûr des disques de toutes sortes qui m'ont accompagnée, mais plus sur le souvenir que sur la répétition car j'ai tendance à ne les écouter qu'une fois. Je crois néanmoins en avoir une mémoire assez précise. Quand je repense à des enregistrements que j'ai écoutés enfant, il y a par exemple L'Enfant et les Sortilèges de Ravel, version Maazel, ou des opéras de Mozart que mes parents écoutaient, et donc que j'entendais de la porte de ma chambre quand j'avais cinq ou six ans. J'en ai des souvenirs très clairs. J'aime certains disques sur l'instant, mais je préfère les concerts.

     
    Avez-vous néanmoins des enregistrements programmés ?

    Oui. Le premier est Acis, Galatea e Polifemo avec EMI, en reprenant la distribution qu'on a eu pour le premier concert à Auvers, c'est-à-dire Natalie Dessay, Sara Mingardo et Laurent Naouri. Sans parler des chanteuses exceptionnelles, je suis particulièrement enthousiaste sur ce projet parce il est très rare de trouver un chanteur possédant la tessiture de Polifemo, ce qui explique d'ailleurs que cette oeuvre, pourtant sans faiblesse, n'ait été enregistrée qu'une seule fois. Et il faut reconnaître que si un concert va toucher mille ou deux mille personnes, un disque va potentiellement sensibiliser un public plus vaste, ne serait-ce que par les diffusions radiophoniques.




    Concert du lundi 14 mai au théâtre du Palais Royal
    Lully, Charpentier, Rameau
    Avec Paul Agnew et Anna Maria Panzarella

     

    Le 10/05/2001
    Isabelle APOSTOLOS


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