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ENTRETIENS 25 avril 2024

Daniel Harding, un chef coiffé
© Virgin Classics

Révélé en 1998 dans Don Giovanni de Mozart, le jeune chef britannique a de nouveau enthousiasmé le public du festival d'Aix-en-Provence, avec le Mahler Chamber Orchestra, dans Le Tour d'écrou de Britten. Son nouveau disque, à paraître prochainement, est consacré à des pages françaises pour violon dans lesquelles, à la direction du Deutsche Kammerphilharmonie, il accompagne le violoniste Renaud Capuçon.
 

Le 24/08/2001
Propos recueillis par Michel PAROUTY
 



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  • Est-il vrai qu'à 14 ans vous vouliez déjà devenir chef d'orchestre et qu'avec des amis vous avez voulu monter le Pierrot lunaire de Schönberg ?

    Oui. Mes parents n'étaient pas musiciens mais ils m'ont fait étudier la musique très jeune. J'ai commencé par la trompette mais sans avoir envie de devenir un soliste. L'orchestre me fascinait, et, très tôt, j'ai su que je dirigerais. L'école de musique de Manchester à laquelle j'appartenais m'a offert l'occasion de diriger l'orchestre des élèves et j'ai accepté avec enthousiasme.

     
    Et ce Pierrot lunaire ?

    Avec des amis, nous avions décidé de monter notre propre formation. J'avais quatorze ans. L'idée était complètement folle. Et effectivement, nous nous sommes attaqués au Pierrot.

     
    Quelle a été la réaction de votre entourage ?

    Bien entendu, presque tout le monde a essayé de nous décourager, de nous dire que c'était trop difficile, que nous étions fous. Qui aurait pu nous aider ? J'en ai parlé à un ami professeur de composition qui m'a écouté, et qui a écrit à Simon Rattle, à Birmingham. Nous lui avons envoyé une cassette, il nous a invités chez lui. Il était d'autant plus intrigué qu'il allait lui-même diriger l'oeuvre quelque temps après.

     
    Quel âge aviez-vous lorsque vous avez rencontré Rattle pour la première fois ?

    Seize ans, je crois. Il m'a invité à plusieurs répétitions, il m'a même laissé tenir la baguette à plusieurs reprises. De fil en aiguille, je suis devenu son assistant.

     
    La deuxième rencontre déterminante dans votre carrière fut celle de Claudio Abbado.

    C'était quelques années plus tard, il cherchait un assistant à Berlin. Je l'avais entendu en concert, je l'avais vu en répétitions. Celui qui est aujourd'hui mon agent lui a parlé de moi, et il m'a engagé sans même me connaître, il a simplement dit : " Si Simon dit qu'il est bien, c'est qu'il doit vraiment être bien, et ça me suffit. " Je n'en reviens pas d'avoir rencontré des gens si généreux, et qui acceptent de dépenser de l'énergie avec des jeunes, ce qui n'est pas si courant.

     
    Quels ont été vos rapports avec eux ?

    Humainement, formidables, mais très différents, puisque tous deux ne sont pas de la même génération. Rattle a toujours beaucoup insisté sur la technique, avec énormément de précision. Abbado était un peu plus distant, mais j'ai beaucoup appris en l'écoutant, en le regardant. En fait, mes relations avec l'un et l'autre étaient très complémentaires.

     
    Que gardez-vous de votre expérience à Trondheim, en Norvège, où vous avez été nommé chef principal de l'orchestre symphonique, en 1987 ?

    J'avais vingt-et-un ans, et c'était ma première chance de travailler sur le long terme avec un orchestre professionnel, ça n'arrive pas tous les jours, vous savez ! C'est là que j'ai commencé à grandir !

     
    À vous constituer un répertoire aussi


    Bien sûr ! Brahms, Bruckner, Schumann, Beethoven, je ne doutais de rien et j'avais tout à découvrir.

     
    Et, je suppose, à chercher le son que vous souhaitiez. Quel son aimez-vous ?

    Dans les années 1950, chaque orchestre, Berlin, Vienne, Philadelphie, avait son propre son, immédiatement reconnaissable, sa signature, sa personnalité, en quelque sorte. Les gens avaient plusieurs images dans la tête et l'oreille, Karajan, ou d'autres de son envergure. Aujourd'hui, les orchestres sonnent souvent de manière identique. Cela dit, je pense qu'ils ne doivent pas essayer de trouver une personnalité, comme le ferait un comédien, mais qu'ils doivent être flexibles, adapter leur son aux compositeurs qu'ils interprètent, s'adapter de leur mieux aux musiques qu'ils jouent.

    Vous n'imaginez-pas Richard Strauss sonnant comme du Vivaldi, non ? Pour ma part, j'aime un son clair, transparent, naturel, comme une femme qui n'a pas de maquillage. À moi de trouver le son du compositeur. Ce qui ne m'empêche pas d'admirer les couleurs sombres de certains orchestres allemands, comme la Staatskapelle de Dresde, par exemple, ou l'Orchestre de la Radio de Berlin.

     
    Comment envisagez-vous votre répertoire ?

    Le privilège de la jeunesse, c'est de tout découvrir. On a besoin de deux sortes de chefs, ceux qui peuvent diriger un vaste répertoire et ceux qui se spécialisent. Il faut que les premiers s'habituent à prendre des leçons des seconds. J'aimerais avoir vingt-cinq vies pour me spécialiser vingt-cinq fois.

     
    Tenez-vous compte des recherches des baroqueux ?

    C'est indispensable. J'ai d'ailleurs travaillé un peu avec Roger Norrington. Leur approche est essentielle pour mieux aborder les ouvrages baroques et classiques, mais mêmes pour Schönberg. Il est impossible d'imaginer Mozart, Beethoven, sans comprendre ce que l'on doit aux baroqueux en termes d'articulation, de couleur, de tempo. Je crois que l'on est arrivé à une époque où l'on peut mettre de côté tous les dogmes, toutes les questions académiques, et considérer simplement ce qui est beau dans les interprétations dites " Ã  l'ancienne ".

     
    Comment traduisez-vous cela dans votre pratique ?

    Il faut ressentir la musique avec énergie, exclure le pompeux, l'emphase victorienne, la lourdeur, y compris dans l'interprétation de compositeurs comme Mahler, par exemple. C'est ce que fait Pierre Boulez, alors que dans les années 1950, après Bruno Walter, on allait vers un Mahler lourd et sombre. Ce qu'on appelait " le grand art " devait être souligné et sérieux. Il faut se débarrasser de ces mauvaises habitudes. On peut jouer de façon plus fine, moins pompeuse.

     
    Vous êtes maintenant le directeur musical de la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême, comment se déroule votre collaboration ?

    Les musiciens de cet orchestre ne sont pas employés à plein temps ; beaucoup jouent avec des formations d'instruments anciens, ce qui leur donne une optique particulière lorsqu'ils interprètent ensuite Brahms ou Schumann avec moi. L'approche qu'ont les Allemands de la musique ancienne est très différente de celle des Français. Ils ont leur idée sur ce qu'ils vont jouer, sur le style ; ils ont une très forte identité.

     
    Et avec le Mahler Chamber Orchestra, que vous dirigiez à Aix-en-Provence en juillet dernier pour Le Tour d'écrou et dont vous êtes principal chef invité ?

    C'est encore autre chose. J'ai avec eux des liens très solides, c'est comme si nous étions un groupe d'amis, et ce n'est pas toujours facile de diriger des amis. Il est vrai qu'à Aix nous bénéficions de conditions de travail optimales, de beaucoup de temps pour les répétitions. L'année prochaine, j'y dirigerai Eugène Onéguine de Tchaïkovski ; et il se peut que, dans un proche avenir, un projet se concrétise autour de Wozzeck. Dans l'année, toutefois, je donne généralement davantage de concerts que d'opéras ; dans ce domaine, je dois faire mes choix soigneusement.

     


    Vous avez dirigé des formations aussi diverses que le Philharmonique de Berlin, la Staatskapelle de Dresde, l'Orchestre Philharmonique de Houston ; quel souvenir en gardez-vous ?
    On imagine le Philharmonique de Berlin figé dans sa tradition mais c'est absolument faux, je n'ai pas eu le moindre souci avec lui. Il a travaillé avec Harnoncourt, avec Rattle, il peut facilement se lancer dans des expériences éloignées de sa culture de base. Le Gewandhaus, c'est le plus vieil orchestre du monde ; ses musiciens peuvent tout faire, même jouer la tête en bas. Les phalanges américaines, c'est autre chose ; elles sont plus frileuses que les européennes et se cramponnent à leur habitude. Elles se sentent sûres d'elles, disent facilement : " Nous savons, nous avons notre tradition
     "
    mais c'est une attitude qui commence à changer. J'ai joué Schumann avec Berlin, avec le Mahler Chamber, avec mon orchestre de Trondheim, à Lepizig, à chaque fois c'était une aventure. "




    Lire aussi la critique de son premier enregistrement chez Virgin

     

    Le 24/08/2001
    Michel PAROUTY


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