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ENTRETIENS 26 avril 2024

Michel Béroff,
pianiste au premier chef

© Emi Classics

© Emi Classics

Lauréat d'un concours de piano dès 1966, Michel Béroff a été l'un des plus jeunes pianistes français sur le circuit international. Cette dernière décennie, il avait cependant diversifié ses activités avec l'enseignement et la direction d'orchestre. Aujourd'hui quinquagénaire, le musicien remet l'accent sur son clavier.
 

Le 22/11/2001
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Michel Béroff, quel musicien êtes-vous aujourd'hui ?

    J'ai cinquante et un ans et cela correspond à un milieu de carrière, période difficile à traverser pour la plupart des musiciens, sauf peut-être pour les chefs d'orchestre. Alors, je suis dans une situation un peu intermédiaire.

    D'une part, côté concerts, c'est vrai que sans qu'il s'agisse d'une traversée du désert, le calendrier est plus calme qu'en d'autres temps. Mais d'autre part, si je considère que j'ai quand même eu une interruption de six ou sept ans, les choses ont repris de façon très positive. Mais il faut du temps pour relancer ensuite la machine.

    La période où je me suis consacré au répertoire pour la main gauche, où j'ai commencé à diriger et à enseigner n'a pas été facile. Pourtant elle a aussi été faste, puisqu'elle m'a permis d'aborder des activités qui, au début du siècle, étaient celles de presque tous les instrumentistes, une manière plus complète de vivre la musique.

    Je me suis jeté dans la direction d'orchestre qui me tentait depuis longtemps, sans préparation, avec une certaine inconscience. C'est un autre métier que celui de pianiste. Je me suis fait très plaisir et je continue d'ailleurs, mais à un rythme moins soutenu. J'ai appris beaucoup, avec une répercussion directe sur ma compréhension de la musique.

    Mais pour l'instant, je veux garder l'accent sur mon retour au piano, pour ne pas semer la confusion dans les esprits et faire croire que je dirige parce que je ne peux plus jouer. La direction reste une activité à laquelle je reviendrai certainement plus régulièrement, mais pour l'instant je suis avant tout pianiste.

     
    L'enseignement est-il aussi enrichissant que la direction ?

    Je ne pourrais plus envisager de ne pas enseigner. Cette transmission du savoir est obligatoire, même si elle se révèle parfois un peu lourde avec l'organisation d'une carrière. En plus du Conservatoire j'étais en Allemagne et en Italie et j'ai dû alléger un peu pour rester efficace.

    En enseignant, on remet en cause beaucoup de données qui paraissaient évidentes, ce qui a complété la réflexion que j'ai forcément menée sur moi-même au moment où j'ai eu ce problème de doigt. Je me suis rendu compte que j'avais beaucoup vécu selon l'image que l'on me renvoyait de moi-même et qui était en contradiction avec ce que j'étais vraiment.

    Dans l'enseignement, on se remet en cause en décapant toutes ses habitudes. Les élèves vous mettent devant des réalités et il faut leur donner des explications qui soient logiques, claires, ce qui oblige à réévaluer bien des idées acquises.

     
    Comment s'est passée la reconquête du monde des concerts ?

    J'ai recommencé à un moment où je n'étais pas encore en pleine possession de tous mes moyens, mais je savais que si j'attendais que tout revienne, ce serait trop long à reconstruire. J'avance de manière régulière, par paliers et l'on commence à se rendre compte que je rejoue et qu'il ne faut pas penser à moi uniquement en fonction de références avec le passé.

    D'une certaine manière, je me sens bien car je n'ai pas la pression de tout le début de ma carrière, mais tout n'est pas facile pour autant. Je me sens non seulement plus libre mais plus mûr. J'écoutais récemment Pollini qui va avoir soixante ans l'année prochaine et je m'émerveillais de voir à quel point il a conservé cette urgence, cette rage de jouer. C'est un exemple. Il ne faut démissionner de rien et je me sens toujours aussi plein d'espoir et d'amour pour ce que je veux faire.

     
    Quelle est la répercussion de cette évolution sur votre répertoire ?

    Je ne peux pas dire que mon répertoire a beaucoup changé. J'aime de plus en plus Debussy et Bartok. J'ai le projet de faire au Japon l'intégrale de l'oeuvre de ce dernier, y compris la musique de chambre. C'est un compositeur que je ne me lasse pas d'explorer.

    Je fais sans doute aussi un peu plus de musique de chambre. Ce partage de la musique est vital. J'aurais envie de me consacrer également davantage à la musique contemporaine. La création a beaucoup changé. Comme celui de Berlin, le mur de la musique sérielle s'est effondré et ce qui était un grand espoir est devenu une page de l'histoire de la musique, avec ses chefs-d'oeuvre et ses oeuvres moins convaincantes. C'est une période un peu dépassée et il y a maintenant une formidable liberté dans la création.

     
    Dans cette liberté nouvelle acquise par l'écriture musicale, compose-t-on beaucoup pour le piano ?

    Je pense que cela va revenir, notamment par le biais du concerto qui revient à la mode. La génération de Dusapin, Manoury, Tanguy s'est bien intéressée à l'instrument. Arvö Pärt a aussi des projets. Cependant, depuis dix ans, il faut reconnaître que l'on n'a guère écrit de grandes oeuvres pour piano seul. Je pense que nous vivons une période de transition en ce domaine et que l'âge d'or du piano n'est pas fini. Je constate d'ailleurs que contrairement à ce qui se passait voici quelques années, ce que l'on écrit va dans le sens de l'instrument et non pas contre lui !

     
    Ne trouvez-vous pas que par rapport à votre génération, la nouvelle génération de pianistes manque de fortes personnalités, tout en produisant un grand nombre de musiciens de haut niveau ?

    C'est vrai que dans les concours internationaux on entend des pianistes d'un fabuleux niveau technique sans que cela s'accompagne de véritables grandes personnalités. La seule école d'où sortent encore des artistes qui ne sont pas sur le même moule est sans doute l'école russe, mais avec l'inconvénient que certains mettent tellement leur ego en avant que les notions de styles n'existent plus.

    Il faut cependant être prudent avec toutes ces données, car chaque époque a eu sa propre manière de jouer, avec toujours quelques personnalités qui se distinguaient du lot. Aujourd'hui, la diffusion est considérable, par le disque, la radio, le concert et un nombre non moins immense de pianistes y pourvoit. Il en découle peut-être cette impression d'uniformité, car les forts tempéraments sont un peu perdus dans ce grand nombre de pianistes.

    Et puis, les jeunes savent qu'il n'est pas facile de se faire une place au soleil, et cela les rend sans doute plus prudents. La vie du piano m'apparaît pourtant dans son ensemble très vibrante, très active et plus tonique que jamais.

     


    À écouter en priorité : une intégrale Debussy en cours chez Denon.

    En concert : L'artiste se produira le 29 novembre prochain à Nancy (Salle Poirel, 20 h 30).
    Au programme le premier concerto et les Variations sur un thème de Haydn de Brahms ainsi que les Danses de Galanta de Kodaly avec l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy dirigé par Klaus Weise.

     

    Le 22/11/2001
    Gérard MANNONI


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