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ENTRETIENS 29 mars 2024

Le nouveau défi de Nicolas Rivenq

Avec L'Orfeo, Le Retour d'Ulysse en sa patrie et Le Couronnement de Poppée, donnés à Saint Quentin en Yvelines et à Tourcoing, et que l'on verra au Théâtre des Champs-Eysées en 2001, le chanteur Nicolas Rivenq a fait ses débuts de décorateur et metteur en scène. Une étape enrichissante dans une carrière qui ne cesse de s'affirmer.
 

Le 31/01/2000
Propos recueillis par Michel PAROUTY
 



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  • Vous venez de mettre en scène les trois opéras de Monteverdi, dont vous avez également signé les décors, et vous chantiez les rôles-titres de L'Orfeo et du Retour d'Ulysse. Comment est née l'idée de cette production?

    C'est une idée qui vient de Jean-Claude Malgoire, chef d'orchestre mais aussi directeur de l'Atelier lyrique de Tourcoing, que je connais depuis quinze ans et avec lequel j'ai souvent travaillé. Je chantais, à l'époque, à Palerme, sous sa direction, l'Agrippina de Haendel, et il a eu envie de monter un projet autour du personnage de Poppée, qu'on retrouve dans l'opéra de Monteverdi, et dont l'Ottone in villa de Vivaldi offre un avatar avec Cleonilla. Il m'en a proposé la mise en scène, et j'ai dit: "D'accord, mais comme j'ai une formation de graphiste, je souhaiterais faire aussi les décors." Après avoir bien réflechi, nous avons modifié notre plan et décidé de monter les trois opéras de Monteverdi, et de concentrer notre attention sur les problèmes d'interprétation, ce qui correspondait mieux aux moyens et à la politique de l'Atelier Lyrique de Tourcoing dont il est le directeur.

     
    C'est la première fois que vous abordez la mise en scène?

    Oui, mais vous savez, même lorsqu'il travaille avec un metteur en scène en qui il a toute confiance, un chanteur se met en scène lui-même. Le mot d'ordre de Jean-Claude a été "ensemble". Et nous avons fait appel à Jacky Lautem, qui nous a été précieux pour toutes les questions techniques et logistiques, qui nous a montré comment, avec un budget très serré, nous pouvions nous en sortir, comment faire une scénographie modulable pour s'adapter à plusieurs salles de taille différente, comment résoudre les problèmes de machineiess, apparitions, envols...Le même décor évoque plusieurs lieux: Ithaque, Venise, Rome, et propose une vision en nid d'abeilles, car plusieurs intrigues se déroulent en même temps. Nous nous sommes demandé comment monter ces trois ouvrages en respectant leur genèse, leur cadre, comment raconter, en fait, l'histoire des débuts de l'opéra.

     
    Finalement, vous avez co-signé les spectacles à vous trois?

    Il n'y a jamais eu de prise de pouvoir. Ce fut vraiment un travail d'équipe, tout le monde a eu la possibilité de s'exprimer, et je ne connais que Tourcoing pour offrir aux artistes et aux techniciens cette possibilité de travail en commun, un travail d'atelier, donc de recherche, avec tous les risques que cela comporte. Une des grande qualités de Malgoire, c'est de donner leur chance aux gens; c'est ce que fait aussi William Christie.

     
    Jouer Monteverdi suppose parfois des problèmes d'édition.

    C'est vrai qu'on se trouve face à des versions contradictoires dans l'ordre des scènes. Nous avons utilisé l'édition traditionnelle, sans coupures. Nous avons aussi voulu mettre en relief le texte du livret, et nous inscrire dans une perpective théâtrale où la langue italienne, le mot et la métrique du poème sont déjà de la musique.

     
    Que vous a apporté cette expérience?

    Un enrichissement personnel énorme. J'ai renoncé à plusieurs propositions pour m'investir dans ces trois spectacles, mais je ne regrette absolument rien. Ils ont été aussi pour moi l'occasion de deux prises de rôle, Orfeo et Ulysse.

     
    Vous n'oubliez jamais votre formation de baroqueux.

    Au contraire, je la revendique et j'en suis fier. J'ai étudié le chant avec Jacqueline Bonnardot, c'est elle qui a formé la plupart des chanteurs baroques. J'ai commencé ma carrière dans les ch¦urs de la Chapelle Royale et des Arts Florissants; j'étais choriste lors du concert donné pour le sommet européen, en 1982, à Versailles. Mon premier grand choc musical, je l'ai reçu pendant une Passion selon Saint-Matthieu que dirigeait Herreweghe, en entendant Henri Ledroit chanter l'air de la flagellation; moi qui ne connaissais de cette oeuvre que l'interprétation de Karajan, très pompeuse, j'ai soudain perçu ce qu'était la juste proportion entre la musique et le mot, j'ai compris ce qu'était un phrasé, un rythme, j'ai compris en fait l'esssence de l'interpétation. En revanche, lorque je suis entré à l'école de chant de l'Opéra de Paris, j'avais un peu l'impression d'être un pestiféré car personne ne s'intéressait à ce répertoire.

     
    Ensuite, vous êtes allé étudier aux Etats-Unis.

    Je suis parti avec une bourse d'études pour Bloomington, où j'ai été l'élève de Virginia Zeani et de Nicola Rossi-Lemeni. Là, j'ai vraiment appris mon métier. Nous étions deux mille étudiants pour toutes les disciplines musicales, qui donnaient sept concerts par jour et un opéra par semaine en version scénique pour un public payant, alors que personne, sur le plateau, ne touchait de cachet. La section de chant comptait vingt professeurs, et en trois ans j'ai participé à trente-huit productions. J'ai vu là-bas un Boris Godounov comme je n'en reverrai jamais.

     
    Quel répertoire vous ont fait découvrir Zeani et Rossi-Lemeni?

    Ils m'ont initié au bel canto et à Verdi. C'était un répertoire qui leur était naturel, et je crois qu'il faut toujours faire l'effort de trouver les gens adéquats, ceux pour qui un répertoire va de soi.

     
    Au fil des années,vous vous êtes montré très éclectique dans vos choix.

    Mes vrais débuts, en France, je les ai faits avec Celenus dans la fameuse production d'Atys de Lully; en Italie, je me suis fait connaître à Reggio Emilia, avec Thésée dans Hippolyte et Aricie de Rameau J'ai beaucoup chanté Mozart, qui convient parfaitement à ma voix de baryton lyrique, mais j'ai abordé un répertoire très varié, du bel canto jusqu'à des compositeurs contemporains comme Michael Tippett et John Adams.

     
    Vous vous produisez régulèrement au Festival de Martina Franca dans des ouvrages peu connus. Pourquoi?

    C'est le seul endroit où j'accepte d'emblée les propositions qui me sont faites, parce que je suis sûr qu'elles seront bonnes pour moi. On y travaille toujours avec un chef maîtrisant parfaitement le répertoire choisi, avec un bon nombre de répétitions, malgré un budget réduit. J'y ai chanté des ouvrages aussi différents que L'Ultimo giorno di Pompei de Pacini, Caritea de Mercadante, Il Fortunato inganno de Donizetti, Il Re de Giordano, et Roma de Massenet. Les compositeurs comme Pacini, Mayr, Mercadante sont essentiels si l'on veut comprendre Verdi; il faut toujours envisager un compositeur par rapport à ceux qui l'ont précédé, et pas en fonction de ceux qui l'ont suivi. Quant aux ¦uvres oubliées, dont on pense, en général, qu'elles ont quitté l'affiche parce qu'elle étaient négligeables, ce sont souvent, pour moi, les plus belles. Les gens, malheureusement, sont paresseux, et écoutent toujours les mêmes choses. Je pense que ce qui est beau est en devenir ou à découvrir. Le beau doit toujours être une surprise."

     

    Le 31/01/2000
    Propos recueillis par Michel PAROUTY


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