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ENTRETIENS 26 avril 2024

Olga Borodina : discrète et flamboyante

L'une des plus grandes voix de mezzo russes est Carmen à l'Opéra national de Paris Bastille. Une apparence discrète qui cache une nature flamboyante, aussi à l'aise dans l'opéra qu'en récital ou encore au disque (à découvrir trois superbes disques de mélodies et d'airs d'opéra chez Philips). On l'entendra encore en récital le 19 mars au Théâtre des Champs- Elysées.
 

Le 04/03/2000
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Vous avez commencĂ© très jeune Ă  chanter, mais saviez-vous dĂ©jĂ  que vous auriez ce grand registre grave ?

    J'ai effectivement débuté dans une chorale d'enfants et à cet âge il n'était pas facile de savoir quel serait ensuite le timbre exact de ma voix. Tous les enfants ont des voix frêles et assez claires et même si je chantais avec les altos, tout aurait pu évoluer différemment par la suite. La véritable nature de mes moyens ne s'est révélée que plus tard, après mon passage dans une école de chant et pendant mes années de conservatoire à Saint Petersbourg. J'avais certainement une voix en partie naturelle mais j'ai énormément travaillé. On ne peut pas arriver à un bon niveau sans travailler beaucoup, quels que soient les dons que la nature vous a donnés.

     
    Pendant la période de vos études, avez-vous rencontré des professeurs particulièrement marquants et à qui vous estimez devoir beaucoup ? Dans le même ordre d'idées, aviez-vous une admiration particulière pour certains grands chanteurs dont la carrière vous semblait un modèle ?

    Nous avons tous des idoles dans notre jeunesse. J'admirais énormément les chanteurs espagnols, Placido Domingo et Montserrat Caballé en particulier. Montserrat me fascinait par son exigence. Je n'imaginais pas à l'époque que je connaîtrais un jour Montserrat et que j'aurais Domingo comme partenaire, mais leur exemple me donnait du courage dans le travail et me faisait rêver. Quant aux professeurs, ils m'ont surtout appris une certaine technique mais j'ai vite pris l'habitude de me passer d'eux. Depuis longtemps, je travaille toute seule.

     
    Au cours de vos études, quelles difficultés avez-vous rencontrées et quels étaient vos dons les plus naturels ?

    Mes principales difficultés ont été de trouver des professeurs qui ne m'imposent pas une certaine manière stéréotypée de chanter mais qui sachent découvrir quelles étaient mes possibilités propres. Un bon professeur doit s'efforcer d'aller dans le sens de la nature de ses élèves, de leurs qualités spécifiques, sans imposer des règles générales et théoriques. C'est très difficile à trouver. Je suis ainsi passée par des périodes très difficiles où je ne savais plus quoi faire et où j'ai presque perdu ma voix. J'ai alors décidé de suivre mon instinct, de chanter de manière naturelle, comme bon me semblait. Depuis je ne travaille plus qu'avec un chef de chant qui m'aide à approfondir les rôles et à trouver des éléments que je ne trouverais peut-être pas toute seule. Notre seul salut est dans le travail !

     
    Est-ce la musique ou le théâtre qui vous ont en premier incitée à vous lancer dans la carrière ?

    Même à l'époque où je ne savais pas ce que cela impliquait, je rêvais d'être chanteuse, de faire du théâtre. J'ignorais qu'il fallait aussi être comédienne, musicienne, voyager, mais je voulais aller sur scène. Jouer me passionne toujours, même si certaines mises en scène gênent la musique. Il m'est arrivé plusieurs fois d'entrer en conflit avec un metteur en scène car je n'étais pas d'accord avec ce qu'il voulait me faire faire.

     
    Qui gagne, dans ces cas-lĂ  ?

    Moi, bien sûr !

     
    Vous chantez les répertoires russes, italien, français. Quel est celui qui vous correspond le mieux ?

    Le répertoire français sans aucun doute. J'aime beaucoup nos héroïnes nationales, ou Eboli, par exemple, mais c'est avec les compositeurs français que je me sens le plus à l'aise. Avec Berlioz en particulier. J'ai chanté la Damnation de Faust, et je vais bientôt aborder les Troyens. En plus de vos grands opéras, votre répertoire comporte des pages magnifiques pour voix et orchestre et des mélodies sublimes. Car, si je suis souvent sur les scènes de théâtre, je consacre aussi beaucoup de temps et de travail au concert. C'est pour moi une activité non seulement complémentaire, mais indispensable pour établir un vrai rapport avec la musique. En revanche, je n'ai aucune attirance pour le répertoire wagnérien.

     
    Y-at-il encore des rĂ´les que vous rĂŞvez d'aborder ?

    Plus beaucoup. J'ai pratiquement chanté tout ce qui correspond à ma voix. Je vais sans doute retourner un peu vers Rossini, avec par exemple l'Italienne à Alger, et puis, comme je vous l'ai dit, aborder les Troyens. En dehors de cela, je ne vois guère ce que je pourrais faire de plus, car je n'aime que les personnages qui ont une vraie dimension théâtrale. Quand je commence à travailler un rôle, je tiens absolument à découvrir tout ce qui concerne le personnage, lire le roman si c'est une héroïne littéraire ou, comme pour Dalila, chercher dans la Bible et dans les différents commentaires qui ont été faits, tout ce qui peut m'éclairer sur elle. Et puis, si je suis convaincue que le personnage correspond à mon caractère et à mon tempérament, vient le travail proprement musical, mais il va forcément être conditionné par tout ce que j'ai appris en amont. Si vous prenez l'exemple de Cendrillon et du Barbier de Séville, j'ai chanté le premier, mais le second n'est pas du tout pour moi. C'est ainsi que j'ai bâti mon répertoire. Je fais aussi un travail très précis sur la prononciation des langues étrangères. Après, ce qui se passe sur le plateau dépend du metteur en scène et cela marche bien quand on peut discuter avec lui. malheureusement, pour les reprises, on a généralement affaire avec les assistants, et là commence les problèmes. Ils ne savent pas vous expliquer les raisons de ce que l'on fait, et ils ne veulent jamais rien modifier ni discuter avec vous.

     
    Est-ce que les héroïnes très passionnées que vous chantez correspondent à votre nature profonde ?

    Absolument. J'ai l'air plutôt calme, mais j'ai un caractère très fort et très violent. C'est sans doute pour cela que mon rôle préféré est Dalila ! Néanmoins, dans la vie courante, je sais bien me contrôler et j'adore la vie tranquille que je mène, dès que possible, avec mes deux garçons, dont le second est encore assez jeune pour pouvoir voyager avec moi. Cela atténue beaucoup l'inconvénient de ces voyages perpétuels qu'implique notre métier.

     

    Le 04/03/2000
    Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI


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