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ENTRETIENS 20 avril 2024

Marek Janowski,
bâtisseur d'orchestre

Loin des tumultes soulevés par la vie musicale parisienne, Marek Janowski poursuit un travail de fond à la tête du Philharmonique de Montecarlo. Réussira-t-il à relever la phalange monégasque comme hier le Philharmonique de Radio-France ? Rencontre.
 

Le 24/04/2002
Propos recueillis par Françoise MALETTRA
 



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  • Prendre en main le destin d'un orchestre, c'est toujours un défi aventureux, surtout lorsque cet orchestre doit impérativement trouver un nouveau souffle, élargir sérieusement son répertoire et s'imposer enfin sur la scène internationale. Or, on sait que vous êtes, par nature, un homme pressé, avec un projet, un objectif à court terme et des perspectives ambitieuses. Aujourd'hui, à mi-parcours de votre deuxième saison à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Montecarlo, comment vivez-vous personnellement cet engagement ?

    Ecoutez, j'ai soixante-deux ans, et je crois que dans un métier où l'on vieillit très tard à cause du fonctionnement cérébral particulier, des réflexes et des forces qu'il met en mouvement, je peux encore me permettre de le faire. Ce qui me stimule, c'est de construire quelque chose. En l984, j'ai pris le Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France sans réfléchir. L'Orchestre était dans un véritable état d'abandon et je n'avais pas l'expérience d'une telle situation. J'ai pourtant voulu essayer. Après un an, j'étais sûr que j'allais le quitter très vite, mais quand j'ai vu les premiers signes positifs s'annoncer, j'ai pris goût au défi, malgré l'esprit et le désordre de cette assemblée de musiciens qui n'était pas vraiment un orchestre comme je l'entends. Je voulais montrer que c'était possible. Avec Montecarlo, ce n'était pas le cas. Je connaissais l'Orchestre depuis dix-huit ans comme chef invité, je trouvais sa sonorité intéressante, mais pas d'une qualité exceptionnelle. Et puis j'ai vu le chantier du Forum Grimaldi, la formidable opportunité qu'il représentait pour les concerts, et j'ai décidé de m'engager. Vous savez, Monaco ce n'est pas la France. C'est un lieu à part, avec une image relativement ambiguë. J'ai pensé que je pourrais lui redonner des couleurs, aux côtés de l'Opéra et des ballets. Alors, pourquoi pas ?

     
    En quelques mois, l'effectif de l'orchestre est passé de 85 à l00 musiciens, avec l'arrivée de quinze jeunes instrumentistes. C'était de bonne guerre, mais l'accueil risquait d'être réservé de la part des anciens, non ?

    Il s'agissait de jeunes avec un grand potentiel, et le but était de les placer en concurrence au sein de l'orchestre tout entier, de réveiller certains, de dépoussiérer le jeu et de changer surtout la perception du métier. Après une courte période de malentendus causés par ma personnalité pour le moins très autoritaire dans le travail, on a commencé à se rapprocher. Et pour la deuxième fois de ma vie, je constate une évolution qualitative dans l'orchestre. J'ai dû attendre 6 ans avec le NOP, je sens déjà que ce sera moins long avec Montecarlo.

     
    Vous n'avez tout de même pas l'âme d'un missionnaire. L'ambition d'avoir de nouveau un orchestre à vous, une communauté à forger, à redynamiser, à faire sienne en quelque sorte, c'est un argument de poids ?

    Si je considère mes obligations aujourd'hui : la Philharmonie de Dresde, L'Orchestre de la Radio de Berlin que je vais prendre dans un an, je peux vous dire que je suis absolument sûr de moi-même quant à ma vie future. Et je suis bien déterminé, si on le souhaite, à rester à Monaco longtemps pour me faire là un outil de haut niveau, une « top-machine » qui peut faire face à tous les enjeux. C'est un sentiment parfaitement égoïste, mais c'est ainsi. Vous parler de l'aspect « missionnaire », éducateur, formateur, mais je veux surtout tenir compte de l'essentiel, c'est-à-dire de l'interprétation des oeuvres. Et je dois dire qu'au début de mes fonctions au NOP, la difficulté de mettre en route l'ordre mental et musical m'a souvent empêché de me livrer à l'inspiration musicale, avant finalement de faire corps avec l'orchestre et d'inverser la situation. A Montecarlo, je crois que mes objectifs strictement musicaux quant au grand répertoire seront plus facilement et plus rapidement admis.

     
    Déjà vous avez commencé d'élargir le répertoire, je devrais dire, de l'imposer, beaucoup plus vite que vous ne l'aviez fait avec le NOP. Vous avez senti que cette urgence était partagée ?

    Il ne faut pas oublier le contexte de Radio-France. C'est à peine une critique. C'est le fait qu'il y a deux orchestres dans la maison, que l'un s'est fait une grosse tête et qu'il a toujours essayé d'éliminer l'autre de son champ de vision. Avec l'arrivée de Chung et de Masur, je pense que la compétitivité et la complémentarité seront respectées, ce qui aurait du être le cas quand le NOP était le petit frère du National. Mais ce n'est plus le cas de figure maintenant. En ce qui me concerne, et malgré les quelques tensions rencontrées avec la direction de la musique de la Maison, j'ai toujours souscrit à cette « différence ».

     
    Une question qui ne se pose pas à Monaco. Mais il faut reconnaître que jusqu'ici le répertoire proposé était exactement celui que le public attendait. Il s'agissait de le séduire et de ne pas bouleverser son horizon musical. Et d'entrée de jeu, vous annoncez Messiaen, Dutilleux, un cycle Brahms, l'intégrale des concertos de Bartok. C'était risqué !

    On m'avait averti : attention, vous allez vider le Forum. En plus, on avait organisé plusieurs matinées classiques le dimanche à ll heures, Salle Garnier, une salle idéale pour Mozart et Haydn, et optimiser certaines qualités spécifiques d'un orchestre. Les concerts ont affiché complet, grâce, il faut le dire à un petit noyau de fanatiques qui ont compris le message et propagé la bonne parole autour d'eux. Dès l'ouverture du Forum Grimaldi, on a eu avec nous les habitués monégasques et ceux de la Côte d'Azur, mais aussi un nouveau public qui s'intéressait, d'abord au lieu, et tant mieux, et très vite à la musique. Sur les 2000 places, on arrive à une moyenne de l500 : des chiffres inimaginables auparavant, que l'on retrouve d'ailleurs dans les séries de concerts destinés aux enfants, présentés, commentés, auxquels se joignent les parents, le dimanche à l4h et à l6h.

     
    Est-ce que l'Orchestre a une chance de sortir franchement plus souvent que par le passé hors des frontières de la principauté où il était singulièrement absent ?

    Oui, il faut que cet orchestre bouge. Dès ma nomination, la question des tournées s'est posée. J'ai catégoriquement refusé pour la première saison. Mais pas pour la seconde, puisque nous avons deux déplacements importants, l'un en Italie, l'autre dans les grandes villes d'Allemagne. Le Japon et le monde ibérique nous sollicitent, et je peux vous annoncer que nous sommes invités au Théâtre des Champs Elysées en 2002/2003 dans le cadre du cycle consacré aux grandes formations symphoniques internationales.

     
    Des projets discographiques ?

    Le vrai monde du disque n'existe plus, et pas uniquement pour des raisons de restructurations d'ordre mondial. La question est que tout a été enregistré cent fois et qu'il faut inventer d'autres stratégies. Notre idée à Monaco serait de créer notre propre label, lequel serait entièrement consacré aux enregistrements publics de nos concerts, de réaliser une première vraie discographie de l'Orchestre Philharmonique de Montecarlo, c'est-à-dire sortir de l'image donnée par les seuls disques d'opérettes, de ballet et d'accompagnement d'airs d'opéra. Je voudrais aussi l'enrichir de documents liés aux grands moments de création qu'à connu l'histoire de la musique à Monaco. Vous parliez tout à l'heure d'un « défi aventureux ». Je le dis, avec une modestie qui ne me caractérise pas, qu'il doit le rester, mais avec une vigilance féroce de chaque instant, et espérer que le public retrouve ici ce même goût de l'aventure.

     

    Le 24/04/2002
    Françoise MALETTRA


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