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ENTRETIENS 19 avril 2024

Souvent, Céline varie

Talent incontestable déjà distingué par une Victoire de la Musique et récemment par un Diapason de l'année pour ses Variations Goldberg. Céline Frisch revient ce mois-ci au théâtre des Abbesses. Le 9 novembre dernier, elle jouait avec l'ensemble Café Zimmermann, le 23 elle y rejouera ces Goldberg à qui elle doit déjà tant de lauriers. Rencontre avec la petite fiancée du clavecin.
 

Le 21/11/2002
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • La Café Zimmermann est un nom assez fameux dans le monde de la musique ancienne : pourquoi l'avoir choisi ?

    Nous sommes passionnés par le Café Zimmermann à Leipzig, et tout ce que cela représente de musiciens et d'artistes de passage, des échanges et des collaborations qui ont pu y avoir eu lieu. Et juste à côté, vous avez Dresde, où l'on jouait plus spécifiquement de la musique d'orchestre. C'est cet aspect du jeu en commun qui nous intéresse.

    Charles Avison – dont nous jouons aux Abbesses des concerti grossi qui sont en fait des transcriptions de sonates de Scarlatti – est un peu en dehors de cette préoccupation, mais pas totalement : Avison représente cet aspect de l'ère baroque qui voit une circulation intense de la musique par le biais des transcriptions et des musiciens itinérants. Les sonates de Scarlatti ont été publiées à Londres en 1742, et deux ans plus tard, Avison en a fait des transcriptions ! Cette idée de s'approprier par la transcription la musique étrangère est fascinante, Bach a lui-même beaucoup pratiqué cela. C'est une très belle manière de s'ouvrir des horizons.

     
    Un ensemble international donc ?

    Même si nous sommes officiellement un ensemble français, nous avons plusieurs nationalités dans notre groupe : Pablo Valetti est argentin et premier violon – mais il vit à Nice –, Amandine Beier est second violon et française, notre violoncelliste et notre contrebassiste sont tous deux Tchèques, etc.

    Le répertoire est décidé de manière plus ou moins collégiale, mais la direction artistique revient le plus souvent à Pablo et à moi-même, car un ensemble a besoin d'une direction précise, même si on discute beaucoup entre nous. Attention cependant, il n'y a pas de chef chez nous, ni non plus de véritable chef tout court. Pablo et moi-même travaillons seuls pour un certain répertoire, comme les sonates pour violon et clavecin de Bach, que nous allons enregistrer dans un an.

     
    Quelles sont les lignes artistiques de l'ensemble ?

    Pour le Café Zimmermann, notre ligne actuelle est d'explorer plus avant la musique de Bach, au rythme d'un disque par an. Nous ferons aussi annuellement un second disque consacré à un autre compositeur, Avison cette année. Comme nous sommes en résidence en Haute-Normandie, et nous avons bien sûr un rendez-vous annuel fixe qui est l'Académie Bach d'Arques-la-Bataille. J'avoue que cette disposition et les conditions de travail données par Jean-Paul Combet, le directeur d'Alpha, sont très confortables !

     
    Revenons à vous. Votre propre itinéraire, en quelques mots ?

    Je suis née à Marseille, j'ai fait le conservatoire de la ville puis celui d'Aix-en-Provence. J'ai ensuite passé cinq ans à la Schola Cantorum de Bâle, et c'est là que j'ai rencontré mes deux « maîtres Â», qui sont Andreas Staier et Jasper Christensen. Andreas Staier est un musicien extraordinaire, d'une intelligence et d'une honnêteté peu communes, et son enseignement n'est en aucune façon dogmatique. Jasper Christensen a été mon professeur de basse continue, mais il m'a aussi enseigné le clavecin solo pendant un congé d'un an d'Andreas. C'est aussi une personnalité exceptionnelle, il a fait des recherches incroyables sur l'interprétation, pas seulement en basse continue.

     
    Pourquoi avoir choisi les Goldberg pour votre « présentation Â» au grand public ?

    Tout cela s'est fait un peu par hasard. Certes, les Goldberg ne m'ont jamais quittée, mais je ne pensais pas spécialement les jouer en public, encore moins les enregistrer tout de suite. Je ne suis pas partie avec une idée préconçue, une analyse que je plaquerai sur mon interprétation. De toute façon, il est très difficile de tenir une idée parfaitement sur la durée d'un concert. Cela a été comme un grand chantier, j'ai essayé de manière un peu naïve de m'approprier le matériau au fur et à mesure, en travaillant lentement tout en gardant la plus grande flexibilité possible.

    J'ai longtemps manié les Golberg, et les choses se sont concrétisées assez vite. Mon premier concert avec cette oeuvre est arrivé il y a trois ans, sans que je l'attende réellement, on me l'a demandé, j'ai dit oui
    Je n'avais jamais fait de filage, je ne l'avais même pas joué a tempo ! J'ai donc eu un énorme travail à faire avant le concert. À partir de ce moment, les choses se sont affermies naturellement et j'ai eu soudainement la sensation que la musique de Bach n'avait pas forcément besoin qu'on lui plaque quoi que ce soit, elle est déjà tellement construite !

    J'ai simplement appris qu'on devait lui faire confiance. D'une certaine façon, il suffit avec Bach de tirer un fil de la pelote pour se laisser mener jusqu'au bout. À la limite, les Partitas me semblent musicalement plus lourdes. Dans les Goldberg, il y a un fil conducteur.

     
    Cela signifie-t-il que vous vous sentez affranchie d'une certaine tutelle, celle que représentent les grands aînés comme Gustav Leonhardt ?

    D'une manière générale, on a passé une sorte de cap. Il y a eu cette période de redécouverte et de réappropriation de la grammaire, parallèlement à un respect énorme de la lettre et de l'écrit en particulier. Or on nous a aussi appris que la notation est très souvent une trame, et qu'il y a beaucoup de choses non écrites, qu'il s'agisse du tempo ou de l'ornementation. Puis, il y a eu une sorte de digestion : les nouvelles générations parlent maintenant cette langue avec moins de crainte, plus de liberté, ce qui ne veut pas dire moins de respect de la lettre. On a des pages de Bach presque sans indication, à côté d'autres – certaines sinfonias par exemple – où tout est écrit, où on aurait du mal à ajouter une note !

     
    Et votre propre apport dans la redécouverte du répertoire et des recherches en matière d'interprétation ?

    Je ne prétends pas apporter une révolution musicologique au répertoire. Beaucoup de choses ont été faites par les universitaires et les musicologues, même s'il reste des problèmes dans le relais de ces connaissances aux musiciens eux-mêmes. Et il y a encore un grand effort à faire dans les bibliothèques. Je ne pense bien sûr pas être au courant de tout. Il faut reconnaître que cet aspect recherche était beaucoup plus pratiqué par la première génération des baroqueux, et je regrette un peu que les nouveaux – moi compris – aient un peu moins le temps de le faire. On perd en acuité musicologique ce qu'on gagne en naturel. Certes, les choses ne sont pas idéales de nos jours : j'ai souvent plus l'impression d'entendre du clavecin que de la musique, et le défi que nous devons relever est celui de la musique.





    Lire également la critique de son enregistrement des Goldberg.

     

    Le 21/11/2002
    Yutha TEP


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