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ENTRETIENS 19 avril 2024

Vivica Genaux, mezzo modèle
© Harry Heleotis - Harmonia Mundi

Elle incarne la Rosine du Barbier à Bastille et reviendra pour Cendrillon au TCE et à Marseille. Avec un physique de " Top Model ", un mezzo d'une agilité stupéfiante, un disque d'Airs pour Farinelli et un Rinaldo avec René Jacobs accueillis triomphalement, Vivica Genaux est en train de conquérir le monde lyrique. Rencontre.
 

Le 07/02/2003
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Vous êtes de ces cantatrices qui n'ont pas connu de " petits débuts " puisqu'avec quelques années de carrière seulement vous avez déjà chanté dans les plus grandes maisons d'opéra du monde. Etes-vous donc née dans une famille où la musique était pratique courante ?

    Je suis plutôt née dans une région où la musique, comme tous les arts, est indispensable à la vie. En Alaska, mon pays natal, l'hiver est très froid, très noir, très long. Il dure neuf mois. La dépression nous guette. Alors la pratique des arts est un exutoire idéal pour redonner un sens à la vie dans ce long tunnel. La musique en particulier.

    Dans mon enfance, l'espace aérien soviétique n'était pas encore ouvert. Tous les vols venant d'Europe et d'Amérique et se rendant en Asie faisaient escale à Anchorage. Tous les artistes qui les empruntaient aussi.

    Nos responsables culturels étaient en rapport permanent avec leurs collègues occidentaux et bien souvent ils obtenaient qu'une escale se prolonge pour tel ou tel interprète le temps de donner un concert ou un spectacle.

    J'ai ainsi vu beaucoup de grands musiciens, de chanteurs, de compagnies de danse, de groupes de jazz. En outre, universités et écoles ont toutes des formations orchestrales très actives.

    Tout mon entourage familial et amical est constitué de savants et j'ai moi-même commencé des études scientifiques. Mais, avant d'opter définitivement pour le chant, j'avais fait de la danse, du piano, du violon, chanté dans des chorales et même dans des jazz-band.

     
    Quand et comment avez-vous décidé de vous consacrer au chant ?

    Lorsque j'ai commencé mes études de sciences à l'université. J'étais si malheureuse que j'ai compris que je ne pourrais vivre sans musique. On a cru d'abord que j'étais soprano. J'ai travaillé à l'Université et obtenu mes diplômes comme soprano.

    Pourtant, mes professeurs d'alors, comme Nicola Rossi-Lemeni et Virginia Zeani m'ont conseillé de tenter plutôt les rôles de mezzo si je voulais partir auditionner pour faire carrière.

    J'avais une voix naturellement très agile, vocalisant avec facilité, mais j'ignorais tout du répertoire des voix graves. Je me suis enfermée trois jours à la bibliothèque pour tout apprendre, quels étaient les rôles et quelles carrières les grands mezzos du passé avaient faites.

    J'ai alors pris ma décision, d'autant que, violoniste, j'avais toujours préféré les deuxièmes pupitres et rêvé de jouer de l'alto. J'ai auditionné. On m'a proposé un contrat pour l'Autriche et un pour l'Italie. J'ai choisi l'Italie. Je ne l'ai jamais regretté depuis, d'autant que j'y ai rencontré mon professeur actuel, la fille d'Ezio Pinza.

     
    On dit souvent que le répertoire baroque nécessite la même technique que le bel canto. Pensez-vous que chanter Haendel et ses contemporains vous prépare aux grands rôles romantiques de Donizetti ou Bellini ?

    Il est difficile de prédire l'évolution de sa voix. Il y a des cas de reconversion complète comme Francisco Araiza qui a débuté comme moi avec Rossini et qui chante aujourd'hui Wagner.

    Pour ma part, je pense que Haendel n'est pas proche du bel canto italien. Il est plus allemand. En revanche, Hasse, que je chante beaucoup aussi est certainement une approche intéressante des compositeurs romantiques.

    Avoir fait du violon me facilite l'accès à la musique vocale baroque car l'écriture de bien des compositeurs est très proche dans les deux cas. Les indications portées sur les parties de violon et concernant la manière de lier les groupes de note pour obtenir un bon legato sont très proches de celles qui guident notre souffle.

    Mais la vocalise purement baroque n'est pas menée avec le même souffle que la grande vocalise à la Bellini ou à la Donizetti. Chez Rossini, on trouve un peu des deux et il n'est pas toujours facile de choisir le bon tempo pour n'être ni trop legato ni trop instrumental et staccato.

     
    Une mise en scène très jouée comme celle de Coline Serreau pour Le Barbier de Séville à l'Opéra de Paris, n'est-elle pas incompatible avec la précision vocale dont vous parlez ?

    J'ai encore beaucoup à apprendre en bien des domaines et notamment dans celui du jeu scénique. J'adore jouer la comédie et je dois justement être prudente pour ne pas me laisser entraîner trop loin et me retrouver soudain dans une position où je ne peux plus respirer.

    Il faut aussi que, tout en restant à l'écoute du chef, du metteur en scène, des partenaires, tout en m'adaptant à l'acoustique de chaque lieu et sans cesser d'apprendre au contact de tous, je commence à m'affirmer et à imposer aussi ma propre conception du chant et des rôles.

    Cela va se faire peu à peu, mais je dois être vigilante. Avant de faire de l'opéra, j'ai fait de la comédie musicale : Hello Dolly, Oklahoma, South Pacific
    J'y ai pris le goût du divertissement, de l'esprit Broadway, de la nécessité de donner vie et dynamisme à un spectacle si l'on veut capter et garder l'attention du spectateur. Dès mon premier rôle d'opéra, l'Italienne à Alger, j'en ai tenu compte et je n'ai jamais cessé depuis.

     
    Vous revenez dans quelques semaines en France pour chanter La Cenerentola de Rossini au Théâtre des Champs-Élysées puis à l'Opéra de Marseille. C'est votre troisième grand rôle rossinien, n'est-ce pas ?

    Et aussi celui que je préfère. J'aime la vivacité de Rosine, encore que ce soit un personnage mal défini, plus à l'écoute de ce que font les autres que capable d'initiatives. Elle fonctionne dans une ensemble, dans une équipe dont les autres sont les vrais éléments moteurs.

    L'Italienne est beaucoup plus active. C'est elle le moteur de toute l'action. Elle est donc dramatiquement plus intéressante.

    Quant à Cendrillon, c'est ma préférée. J'ai beaucoup appris en tous domaines avec elle. Elle de la patience sans être résignée, elle ne perd jamais espoir dans l'adversité, elle sait l'importance du facteur temps et du facteur chance.

    Elle donne une magnifique leçon de comportement humain et tout cela ressort en permanence de la musique de Rossini. J'admire beaucoup la manière dont Maria Callas et Tito Gobbi ont parlé de la manière dont ils abordaient leurs rôles, en se guidant d'abord et avant tout sur ce qu'indique la musique.

    Même si le contexte littéraire ou historique d'un opéra est très important, à ma modeste mesure, je m'efforce de retenir la leçon de ces modèles du chant.

     

    Le 07/02/2003
    Gérard MANNONI


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