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ENTRETIENS 29 mars 2024

François Chaplin,
pianiste de fond

© Eric Manas Arion-Verany

© Eric Manas Arion-Verany

Au travers de son cycle Debussy chez Arion, la presse unanime a décelé un pianiste de grande étoffe, mais François Chaplin a un répertoire beaucoup plus éclectique et brille aussi bien dans Scriabine, Schumann, Carl Philip Emmanuel Bach ou Takemitsu. Il sera mercredi prochain l'invité des Midis musicaux du Châtelet.
 

Le 27/02/2003
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • Pourriez-vous faire le point sur votre carrière ?

    J'ai en fait vraiment commencé ma carrière assez tard, au début des années quatre-vingt-dix, et je l'ai poursuivi tranquillement, progressivement.

    En réalité, je n'aime pas le mot carrière, je préfère celui de parcours musical, qui indique bien que le chemin est long. J'approche de la quarantaine. Si l'on considère le phénomène actuel du " produit " musical, qui met en avant des artistes parfois très jeunes, on peut dire que je suis en dehors du courant qui prévaut.

     
    Et cela vaut pour votre répertoire ?

    Je joue d'abord ce qui me plaît. Mon premier disque a été un disque Brahms ; j'avais envie de jouer Brahms, et mon état d'esprit en général, et plus particulièrement à cette époque, était de toute façon très liée à l'esthétique romantique.

    Mon entourage me prédisait que j'allais me heurter à l'opinion défavorable des critiques mais l'enregistrement a finalement été bien reçu. En fait, j'ai eu la chance de voir mes disques en général bien reçus.

     
    Vous n'avez pas l'air de vous presser pour vos enregistrements ?

    J'aime roder mes programmes de disques très longuement, les jouer souvent en concerts. Je me suis ensuite attaqué à Scriabine, une vraie découverte pour moi à ce moment-là. À suivi un disque Chopin. Debussy est venu sur le tard, tout simplement parce que je jouais beaucoup de romantiques auparavant.

    Cela fait maintenant deux ou trois ans que je me penche sur Debussy, et tout le monde pense que je suis un debussyste ! Le problème en France, c'est qu'on colle vite les étiquettes. À l'étranger, je joue beaucoup Schumann, pour qui j'ai une tendresse particulière et que je fréquente depuis l'âge de 18 ans. J'ai toujours voulu faire un disque Schumann, mais j'avais toujours un peu peur.

    C'est Catherine Collard, avec qui j'ai beaucoup travaillé, qui m'a convaincu de me lancer. En automne prochain, je sors donc un disque Schumann, les Kreisleriana. Mais cela est venu aussi parce que j'avais besoin de m'aérer pendant mon intégrale Debussy.

    Dans une intégrale, on est très concentré, et l'oeuvre de Debussy est très importante. Arion prévoit 5 CD au rythme de 1 par an, et 3 sont déjà sortis et le dernier prévu en 2004. De toute façon, quand Arion m'a proposé l'intégrale Debussy, j'ai accepté à condition d'avoir du temps pour mûrir d'autres répertoires en même temps.

     
    Vous sentez-vous pianiste français ?

    Nous sommes quelques pianistes français à faire plus de concerts à l'étranger qu'ici. En Allemagne, j'ai souvent joué les Kreisleriana de Schumann, et cela a apparemment bien marché parce qu'on me demande régulièrement pour des concerts Schumann.

    Evidemment, on aime beaucoup la musique française de par le monde, donc on me demande des oeuvres françaises, mais je ne me sens donc pas spécialement dans la peau d'un pianiste français, même à l'étranger, Debussy, Ravel ou Dutilleux.

    On ne peut pas nier qu'il y a une manière bien française d'aborder la musique, avec souvent une écriture plus fine. Mais au niveau des interprètes, je ne suis pas sûr qu'on trouve une marque typiquement française de nos jours. Même avant, ce n'était pas forcément évident : Gieseking est l'un des interprètes de Debussy les plus extraordinaires qui soient.

    Le musicien doit de toute façon être au service du compositeur et de la musique qu'il interprète. Schumann est difficile d'exécution, parce qu'elle prend parfois des directions très nombreuses et très divergentes. C'est un mouvement perpétuel, des changements d'humeur constants. En fait, c'est très proche de la vie.

     
    Et Debussy ?

    Pour Debussy, il ne faut pas le réduire à la mesure, à la limpidité. C'est d'abord une musique très mystérieuse, il faut garder ce mystère tout en lui adjoignant une grande sensualité, ce qui ne veut pas dire qu'il faut tout noyer par un excès de pédale.

    Le jeu de la pédale constitue vraiment l'une des grandes difficultés dans Debussy, outre qu'il faille bien sûr mille couleurs pour l'interpréter. Et puis il y a parfois cette pudeur, presque une solennité, que l'interprète doit aussi préserver. Debussy repose sur l'équilibre de ces éléments.

     
    C'est ce Debussy que vous allez jouer au Châtelet ?

    Au Châtelet, je ferai un concert autour du dernier Debussy, plus précisément ses Etudes. Autour de cela, je mettrai des pièces de compositeurs influencées par Debussy : Ligeti, Takemitsu, Dutilleux. Il y a un cheminement incroyable entre le Debussy de la jeunesse et le dernier Debussy, celui des Etudes notamment.

    La musique est devenue plus savante, mais aussi par moments plus percutante ; c'est l'époque où notamment un Bartok révèle une écriture plus percussive. Même dans les Préludes, par exemple dans Vent d'Ouest, c'est un Debussy plus virulent, presque méchant. Debussy était très à l'écoute de son temps, et prend acte de son époque, tout en restant bien sûr Debussy. Mais ce mystère qui règne chez lui, on le trouve aussi chez Chopin ou Schubert, à un degré moindre chez Ravel.

     
    On dirait bien que c'est cette sorte de profondeur que vous recherchez dans vos programmes.

    Pour moi, le fond prime, je ne suis pas un fanatique de la pure virtuosité digitale. La virtuosité doit permettre de s'exprimer, c'est indispensable, mais seule elle ne suffit pas. Étonnamment, c'est Martha Argerich qui met beaucoup l'accent sur le fond : cela fait plaisir d'entendre une si grande virtuose donner la priorité à l'expression.

    Nous sommes beaucoup à être sortis du Conservatoire de Paris avec une technique très solide. Je regrette un peu que tout le monde ait plus ou moins la même sonorité, il n'y a plus d'Arrau, de Michelangeli. Les concours internationaux ont leur part de responsabilité dans ce phénomène car il faut trouver une sorte de sonorité consensuelle un brin aseptisée si l'on ne veut pas se fermer des portes.

    Moi-même je n'en ai pas trop souffert en tant que pianiste, mais je le constate de manière flagrante depuis que l'on me sollicite pour des jurys de concours. J'ai passé plusieurs concours dont celui de Cleveland en 1989, mais c'était sur un programme très libre.

     
    Est-ce là une conséquence de votre formation ?

    J'ai eu plusieurs rencontres déterminantes pour ma carrière de pianiste. Il y a eu bien sûr Catherine Collard, qui est devenue une amie par la suite ; c'est elle qui m'a vraiment appris ce qu'était le don de soi quand on était musicien.

    Il y a eu aussi Ventsislav Yankoff, au CNSM, qui a été très critiqué au Conservatoire, mais qui m'a beaucoup apporté dans Schumann et la musique romantique en général ­ mais il a été important pour d'autres aussi, comme Jean-Efflam Bavouzet, Eric Le Sage ou Claire Désert. Et puis il y a eu Jacqueline Robin-Bonneau et aussi Jean-Claude Pennetier, mais sans que cela ait été décisif.

     


    Discographie :

    Claude Debussy
    -Intégrale de l'oeuvre pour piano - Volume 1 : Estampes - Children's Corner - Premier livre des images - Images oubliées - Pour le piano - (Arion / Verany)
    - Intégrale de l'oeuvre pour piano - Volume 2 : Premier Livre des Préludes , deux Danses , Masques, L'Isle joyeuse - (Arion / Verany)
    -Préludes (Livre I), Images (Livre II), L'Isle Joyeuse - (Quantum)

    Johannes Brahms : Rhapsodies op 79, Klavierstücke op 118 et 119 (Obbligato)

    Frédéric Chopin :12 Nocturnes (Mandala / Harmonia Mundi)

    C.P.E. Bach: Sonates (Naxos)

    Alexandre Scriabine: Mazurkas (Mandala / Harmonia Mundi)

    Francis Poulenc : Intégrale de l'oeuvre pour deux pianos avec Alexandre Tharaud (Naxos)

     

    Le 27/02/2003
    Yutha TEP


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