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ENTRETIENS 20 avril 2024

Christian Zacharias : Mozartissimo
© Marc Vanappelghem

Malgré son allure d'éternel étudiant, Christian Zacharias est l'un des pianistes les plus réfléchis de la profession. Sans intellectualisme forcené ni souci musicologique intempestif, il propose sa vision personnelle de Mozart. À son initiative, et en complicité avec l'English Chamber Orchestra, le Théâtre des Champs-Élysées propose trois soirées durant lesquelles seront déclinés concertos, sonates et quintettes, composés au cours de l'année 1784. Rendez-vous, avenue Montaigne, à Paris, les 27, 28 et 29 mars, à 20 h 30.
 

Le 10/03/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • " Mozart 1784 " est le thème choisi pour cette série de trois concerts parisiens. En quoi l'année 1784 permet-elle de construire un cycle mozartien particulièrement pertinent ?

    Vous savez, il faut être sincère et lucide : durant cette année 1784, Mozart n'a pas composé que des partitions géniales. Ce qui est intéressant par contre, c'est de savoir que c'est à partir de cette année charnière que Mozart commence à numéroter chacune de ses partitions. Ce catalogue existe d'ailleurs, que l'on trouve sans difficultés en fac-similé. Et puis l'année 1784 est importante pour une toute autre raison, puisque c'est le début pour lui de la reconnaissance publique à Vienne. Mozart devient alors une personnalité musicale respectée ; sa situation financière est excellente ; ses amis lui jurent fidélité. Sans oublier un élément qui est loin d'être un détail : Mozart adhère à la Franc-Maçonnerie et se fait initier au grade d'Apprenti dans la loge viennoise de " La Bienfaisance ".

     
    Est-il possible de dégager de ces partitions, écrites au cours de l'année 1784, une certaine unité de langage ?

    Difficile à dire. C'est à l'auditeur de juger vraiment. En ce qui me concerne, je crois que chacune est différente, offrant des éclairages multiples. Prenez l'exemple des six concertos composés cette année-là : aucun ne se ressemble véritablement. C'est une des grandes forces de Mozart que de composer des pièces durant une même période, sans qu'aucune similitude absolue dans le langage employé ne puisse se dégager ouvertement.

     
    Il y a quelques années, vous aviez enregistré pour EMI les concertos KV 238 et KV 537 en y incluant dans les cadences quelques mesures que vous aviez écrites. Vous aviez même introduit un faux glockenspiel. N'est-ce pas là une attitude étonnante pour un interprète si scrupuleux du texte ?

    Scrupuleux surtout de l'esprit mozartien. Vous l'avez indiqué dans votre question : il s'agit de cadences. Par principe, la liberté est possible, sans pour autant déroger au respect de l'écriture mozartienne. Je pense que les cadences écrites par Saint-Saëns ou Busoni sont à contre-courant du climat souhaité par le compositeur. Ma démarche se justifie alors. Quant à l'introduction du glockenspiel auquel vous avez fait allusion, ce n'est en rien revisiter la partition, mais c'est introduire une dimension théâtrale dans les instants musicaux où ce type de possibilités est autorisé. Je crois sincèrement que Mozart aimait les audaces, les surprises. Il aurait peut-être apprécié.

     
    Aux côtés de Mozart, votre autre cheval de bataille a longtemps été Scarlatti. Défendez-vous toujours l'idée de jouer ses sonates sur piano ?

    Je n'éprouve aucun complexe à ne pas les jouer sur clavecin ou pianoforte. On en revient ici à la définition étymologique de l'interprétation : l'interprétation n'est pas la reproduction. L'interprétation, c'est la vision subjective que l'on porte sur une partition à plusieurs siècles de différence, après avoir intégré les principes fondamentaux qui ont concouru à la gestation, puis à l'écriture d'une partition. Ce qui compte, c'est l'honnêteté, la probité intellectuelle, avec les moyens mis à la disposition de l'interprète. Pour certains, le clavecin et le pianoforte sont les meilleurs véhicules de transmission d'une émotion ; pour moi, c'est le piano. Tout simplement.

     
    Visiblement, le piano ne suffit plus à combler votre univers musical. A l'instar d'un Barenboïm, vous vous êtes mis à la direction d'orchestre. Vous avez été nommé directeur de l'Orchestre de chambre de Lausanne. Un vrai tournant dans votre carrière ?

    Dans les années quatre-vingt-dix, j'ai commencé à diriger, et cela m'a séduit rapidement. L'idée d'être chef invité me plaisait bien aussi, mais je ne croyais pas devenir, un jour, directeur à part entière. Cela est arrivé finalement très tôt, ce dont je me réjouis, tout en prenant la mesure des responsabilités qui m'incombent soudainement. Il ne s'agit pas seulement d'être un bon chef d'orchestre, mais de savoir aussi établir une programmation en adéquation avec le profil des musiciens.

     
    Envisagez-vous d'abandonner votre piano ?

    Je ne le souhaite pas. J'essaie de trouver l'équilibre parfait : 50 % pour le piano, 50 % pour la direction d'orchestre.

     
    Votre expérience de pianiste éclaire-t-elle directement votre conception orchestrale, encore en gestation ?

    Cela s'inscrit dans une continuité : le piano est le seul instrument avec lequel vous avez le sentiment d'être devant une partition complète, avec l'ensemble des voix. Jouer du piano, c'est un peu diriger un orchestre. Cela vous donne une vue d'ensemble et une approche panoramique que vous ne pourrez jamais obtenir d'aucun instrument.

     
    Quelles sont vos premières impressions de l'Orchestre de chambre de Lausanne ?

    Excellentes. Jesus Lopez Coboz laisse un orchestre en parfait état. Un orchestre qui sonne un peu comme les formations d'Europe centrale : une situation idéale pour aborder certains répertoires. J'ai envie d'aborder avec eux de nouveaux horizons, comme la musique de Carl Philip Emmanuel Bach, à laquelle ils ne sont pas familiers.

     
    Que pensez-vous de la salle Métropole dans laquelle l'orchestre donne ses concerts ?

    Elle est trop petite pour un orchestre comme l'Orchestre de la Suisse-Romande, mais parfaite sur un plan acoustique pour un orchestre de chambre. Un lieu idéal pour l'enregistrement aussi. Cette salle n'est d'ailleurs pas encore totalement achevée, faute de crédits.

     
    L'image d'éternel étudiant que vous avez auprès du public et des journalistes vous plaît-elle ?

    En art, il est vivement conseillé de toujours vouloir apprendre et de ne jamais se reposer sur un acquis. En ce sens, oui, je suis un éternel étudiant.

     


    REPERES DISCOGRAPHIQUES - CHRISTIAN ZACHARIAS

    Concertos pour piano n° 23, n° 25 et n° 26 de Mozart - Orchestre
    symphonique de la radio bavaroise, dir. David Zinman - EMI

    Sonates pour piano de Mozart (Intégrale) - EMI

    Papillons, Scènes d'enfants de Schumann - EMI

    A noter que Christian Zacharias a récemment signé un contrat avec le
    label allemand MDG.

     

    Le 10/03/2000
    Propos recueillis par Stéphane HAIK


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