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ENTRETIENS 26 avril 2024

Cédric Tiberghien : la passion du travail
© DR

Devenu célèbre en un jour avec son 1er Grand Prix au Concours Long-Thibaud en 1998, Cédric Tiberghien n'a pas dérogé. A vingt huit ans, il est une figure emblématique de sa génération et de l'Ecole française de piano. Le 14 mai, il joue Chopin salle Gaveau.
 

Le 12/05/2003
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Le piano a-t-il toujours été présent dans votre vie de manière essentielle ?

    Aussi loin que remonte ma mémoire, il a toujours été très important pour moi. J'ai commencé à cinq ans, sans soupçonner que ça pourrait être un métier, mais j'adorais ça et mes parents étaient sans cesse obligés de me demander d'arrêter de travailler. J'ai toujours adoré jouer et j'en ai toujours redemandé. Je n'ai eu qu'un bref moment d'hésitation quand il a fallu décider de m'y consacrer entièrement. Depuis, je n'ai plus jamais eu le moindre doute. En tout cas pas encore, mais ça viendra peut-être ! D'ailleurs, quand je suis entré au Conservatoire à quatorze ans et quand j'en suis sorti à dix sept avec mon prix, je n'avais pas encore vraiment conscience de ce qui se passait dans ma vie. Je vivais une étape importante de mon aventure avec le piano, sans plus. C'est en en entrant en troisième cycle, en assumant mon premier récital tout seul, que j'ai vraiment compris que cela devenait sérieux. Le piano et la musique sont le seul moyen d'exprimer certaines choses qui se trouvent en moi. Je n'ai pas trouvé d'autre langage pour le faire.

     

    Chez un enfant très jeune, comment le piano n'apparaît-il pas un peu hostile, ne serait-ce que par sa taille ?

    Il m'a au contraire tout de suite fasciné, parce qu'il était grand et sonore. Je pense qu'un enfant aime montrer sa force. Et puis on m'a vite fait découvrir qu'on pouvait établir avec lui autre chose qu'un rapport de force et en faire au contraire un ami, un compagnon qui permet d'exprimer tout l'éventail de ce que l'on ressent.

     

    Vos parents vous ont-ils guidé, aidé, dans vos choix et dans vos goûts?

    Ma mère jouait bien du violon. Il y avait beaucoup de musique à la maison, mais c'est moi qui étais demandeur. Ils m'ont complètement suivi, en faisant confiance aux professeurs auxquels j'étais confié et ils étaient présents chaque fois que j'avais une décision importante à prendre. Je leur en suis très reconnaissant car ce n'était pas évident de me laisser, par exemple, partir très jeune trois fois par semaine à Paris prendre mes cours, même si nous n'habitions qu'à cent kilomètres.

     

    Quelles étaient vos plus grandes facilités et quels maîtres vous ont spécialement marqué?

    J'étais extrêmement curieux, ce qui a vite développé chez moi une vraie facilité de lecture et une écoute harmonique. Petit, je lisais très facilement les pièces les plus difficiles. Elles m'attiraient, y compris celles que je n'avais pas à travailler. Je pense que ma mémoire s'est beaucoup appuyée la dessus. En ce qui concerne les maîtres, j'ai eu très jeune un excellent professeur en la personne de Jacqueline Roi, qui était alors âgée et qui avait été notamment le professeur de Genevièce Joy. C'est elle qui m'a donné les bases sur lesquelles j'ai tout bâti ensuite. Au conservatoire, j'ai travaillé avec Gérard Frémy et je continue d'ailleurs toujours à travailler avec lui car c'est un pédagogue extraordinaire. Il réussit à adapter son enseignement à chacun de ses élèves, à cerner chaque personnalité et cela engendre une grande connaissance mutuelle.

     

    Garder un maître en pleine carrière est plus fréquent chez les chanteurs que chez les instrumentistes. Cela est donc indispensable pour vous ?

    Il est important d'avoir des oreilles extérieures. Elles peuvent être étrangères au métier, mais quand elles sont celles d'un professionnelle comme Gérard Frémy, c'est encore plus efficace. Il a quand même travaillé avec Nat, avec Neuhaus, avec beaucoup de grands musiciens. Me connaissant, il sait exactement ce qu'il faut me dire pour me permettre de continuer à bien évoluer. Ce n'est plus tellement un enseignement qu'un échange d'idées, des conseils.

     

    Votre carrière n'est pas encore très longue. Comment avez-vous évolué dans le si vaste répertoire du piano ?

    Au Conservatoire, ce sont les professeurs qui vous indiquent ce qu'il est bien de travailler pour suivre une progression régulière dans tous les domaines, technique et plus purement musical. Ensuite, il faut monter des programmes pour les concours internationaux. J'en ai passé un certain nombre et il y avait souvent des incontournables, comme une grande sonate de Beethoven ou de Schubert. Je profitais de cela pour construire un répertoire le plus riche possible. Et puis, il y a les coups de foudre. A l'occasion du Concours Lefébure, il y a déjà une dizaine d'années, j'ai eu ainsi la révélation de Debussy. J'ai travaillé sa musique avec Gérard Frémy comme deux alchimistes dans un laboratoire, faisant des expériences, mais avec le son. Ces coups de coeur, je les attends toujours avec impatience. Il y a eu Bach, Mendelssohn aussi, que j'ai beaucoup joué l'année dernière. Maintenant ce serait plutôt Beethoven. Je commence à réaliser l'ampleur de ce qu'il peut apporter.

     

    Salle Gaveau, vous donnez un récital tout Chopin. Est-ce à la fois un risque et une joie ?

    Un risque, c'est sûr. Tout le monde joue Chopin et on peut se demander si c'est nécessaire de s'y mettre aussi. En fait, mon choix s'est surtout porté sur le programme. C'est là qu'est la joie. Les Préludes sont pour moi une seule oeuvre, et non vingt quatre, fascinante par la multiplicité des facettes de Chopin qu'elle révèle. Ce sont vingt quatre microcosmes différents, comme un cycle de Lieder. Je vois cela comme une confession complète, sans retenue. Il est passionnant de trouver un chemin à travers ces pièces en gardant leur unité et leur individualité. Je réfléchis beaucoup sur les structures. Quant à la Polonaise Fantaisie, c'est une vieille amie. On se connaît depuis dix ans. Elle est d'une poésie merveilleuse, quasi schubertienne dans sa structure et ses hardiesses. Je pense que je pourrai la jouer jusqu'à la fin de ma vie avec un plaisir toujours renouvelé.

     

    Vous avez passé et réussi beaucoup de concours. Pourquoi ? Par goût, par nécessité ?

    Je n'ai jamais passé un concours avec ce que l'on appelle un esprit de compétition. J'ai même assez mal vécu les situations où j'ai été confronté à cela chez les autres. Certains comportements étaient même carrément choquants. Pour moi, les concours étaient une occasion de développer mon répertoire et de jouer dans de grandes salles avec de grands orchestres quand j'arrivais en finale. J'en ai passé une dizaine, ce qui a constitué la base de mon répertoire, parce que cela fixait des objectifs personnels qui vous font beaucoup progresser. On travaille différemment. Et puis on se fait entendre du monde professionnel, ce qui n'est pas négligeable. Je ne peux pas nier que mon prix Long-Thibaud ait marqué un tournant décisif dans ma vie de pianiste. Mais ensuite, il a fallu rester à la hauteur du défi, et ne pas céder aux démons qui nous guettent, ceux de l'orgueil, de la facilité, de la routine, de la lassitude. Ils sont très nombreux, mais pour l'instant, j'ai toujours le même immense plaisir à jouer, pour moi, ou pour donner un concert.

    Concert Chopin Salle Gaveau le 14 mai à 18 h.
    Renseignements & réservations : 08 20 39 99 17


    Autres concerts :
    Le 22 mai : Festival de l'Epau (musique de chambre)
    Le 14 juin : Philhramonique de Strasbourg avec Th. Guschlbauer
    Le 15 juin : Récital à Chalons-sur-Marne
    Le 5 juillet : Musique de chambre à Reims (avec le Quatuor Isaye)

    Discographie :
    - Beethoven : Variations pour piano HMC 901775
    - Schumann, Grieg : musique pour piano & violoncelle avec Marie Hallynck HMN 911779
    - Debussy : Estampes, Images (extraits) HMN 911717
    - Chausson, Vierne, Honegger : musique pour violoncelle & piano avec Valérie Aimard LYR203

     

    Le 12/05/2003
    Gérard MANNONI


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