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ENTRETIENS 11 mai 2024

Gauthier Capuçon : un air de famille
© EMI Virgin

Un brillant enregistrement de concertos de Haydn, un Face à Face avec son frère Renaud, un Trio de Mendelssohn avec Martha Argerich chez Virgin donnent un coup de projecteur sur la jeune carrière de Gauthier Capuçon. A vingt et un ans, il rejoint Renaud le violoniste dans le peloton de tête de nos meilleurs instrumentistes.
 

Le 20/05/2003
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Comment le violoncelle est-il devenu prioritaire dans votre vie ? Est-ce un hasard, une passion de naissance ?

    Je ne crois pas au hasard. Tout découle du jour où mes parents ont découvert la musique au Festival des Arcs en Savoie il y a une trentaine d'année. Ils sont allés au concert tous les soirs. Une passion est née. Ils ont fait commencer le piano à ma soeur aînée, puis le violon à Renaud. J'ai commencé aussi par le violon, un mois, pour imiter le grand frère. Il paraît que j'ai trouvé ça effrayant. Je n'avais aucun contact avec l'instrument et je n'en ai aucun souvenir. Je le sais parce que mes parents me l'ont raconté. En revanche, mes premiers souvenirs entre quatre et six ans sont indissociables du violoncelle. Même à cet âge, on sent si le corps est uni avec l'instrument. J'ai eu aussi la chance de débuter avec un professeur extraordinaire. C'est resté ma passion, comme la musique en général d'ailleurs, et pouvoir faire de sa passion son métier, c'est une chance incroyable.

     

    Vous ne saviez quand même pas à quatre ans et demi que vous seriez violoncelliste ?

    Non, mais nous avons eu la chance que nos parents nous aident beaucoup dans la direction qui nous attirait. Ils nous ont toujours tout facilité. Je suis par exemple parti deux fois faire des stages aux Etats-Unis à douze ou treize ans. Ce n'était pas forcément évident pour des parents de l'accepter et de l'encourager. Ils nous emmenaient au concert, au théâtre, mais aussi faire du ski. Nous n'étions frustrés de rien. Alors ça s'est passé naturellement. Pas vraiment de déclic, mais quand même un tournant quand vers treize ans je suis venu tout seul à Paris poursuivre mes études.

     

    Mais qu'est-ce qui vous a tant accroché dans le violoncelle ? Son caractère très physique, sensuel ? Pour un enfant, ce n'est quand même pas l'instrument le plus évident.

    Jouer du violoncelle est naturel. C'est à la fois très sensuel, puisqu'on le tient entre les jambes, et très serein, puisqu'on est assis, sans avoir à se contorsionner comme le violon ni à lutter avec une instrument de plusieurs mètres de long comme le piano. Je me rappelle avoir été terriblement impressionné par une vidéo de Jacqueline Dupré que m'avait offerte Renaud. Quelle passion et quel engagement ! Je croyais voir une boule de feu. Et puis un instrument correspond à la personnalité intime du musicien. Pour moi, ça a toujours été une évidence.

     

    Avez-vous conscience d'appartenir à une génération qui refuse un peu la seule image de soliste et qui fait d'emblée beaucoup de musique de chambre ?

    De toute façon, je ne crois pas qu'on puisse avancer si l'on n'est pas ouvert. On a à apprendre de chacun, que ce soit un chanteur, un accompagnateur, un chef d'orchestre. J'adore aller au concert, aller écouter une soirée de Lieder. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas de tous ceux qui sortent actuellement du Conservatoire. Je n'en vois guère aux concerts que je fréquente. A Berlin ou à Vienne, ils sont des centaines d'étudiants à rester debout pendant des heures pour écouter des symphonies de Mahler ou de Bruckner. Il me faudrait je ne sais pas combien de vies pour explorer tout ce qui m'intéresse dans la musique. Même un musicien d'orchestre a une vie passionnante s'il veut vraiment se sentir concerné par toutes les musiques qu'il aborde au fil de sa carrière.

     

    Vous avez d'emblée débuté une carrière de soliste. Comment assume-t-on ces responsabilités à vingt ans, âge où la plupart des jeunes sont encore en pleine phase de formation et souvent de tâtonnement ?

    Peut-être du fait que j'ai vécu seul depuis l'âge de treize ou quatorze ans, ai-je appris à m'assumer et à prendre mes responsabilités plus tôt que d'autres. Peut-être aussi que tout cela me paraît trop naturel, mais je suis très positif et je pense qu'il n'y a pas de problèmes sans solutions. C'est ma philosophie. Je fais de mon mieux sans me torturer pour savoir à l'avance si j'ai la maturité adéquate. Avec Daniel Harding, nous avons cherché seulement à interpréter les concertos de Haydn le mieux possible, comme nous le sentions, sans nous angoisser avec des doutes. Nous n'avons cherché ni à faire une interprétation baroque, ni romantique. Nous avons lu et joué les partitions comme nous le ressentions, sans artifices, très simplement. Ces concertos sont en outre tellement beaux ! C'est presque de la musique de chambre.

     

    Plein d'illusions sur le côté intellectuel de son répertoire, je demandais un jour à Christa Ludwig si c'était bien avec les Lieder de Brahms ou les Symphonies de Mahler qu'elle avait eu le plus de plaisir. Elle me répondit que le vrai plaisir, pour une chanteuse, c'était de crier très fort sur un gros orchestre ! Où est pour vous le plus grand plaisir ? Un trio avec Renaud et Frank Braley ou le Concerto de Dvorak ?

    Il y a plusieurs sortes de plaisirs ! Jouer le Concerto de Dvorak ou la Symphonie concertante avec un orchestre hallucinant, c'est carrément jouissif. Je suis d'accord avec Christa Ludwig. Mais j'adore la musique de chambre et j'aime aussi beaucoup les défis. Jouer une transcription au violoncelle du Scherzo- Tarentelle de Wieniawski, pour faire un pied de nez aux violonistes, par exemple. En fait, j'adore être sur scène. J'ai besoin de çà. C'est vrai qu'on est nu sur scène. C'est la seule situation où je n'ai plus de façade, où je peux tout donner. Si je reste quinze jours sans aller en scène, je suis en manque, en manque de partage avec d'autres musiciens, de partage avec le public. C'est tellement passionnant de découvrir chaque fois une approche nouvelle. Chaque concert est différent, chaque public est différent. C'est toujours un nouveau contact à créer, à imaginer. Je ne conçois pas qu'on puisse jouer de la musique sans la vivre et sans sentir que d'autres la vivent avec moi.

     

    Y-a-il des partitions que vous n'osez pas encore aborder et que vous gardez pour des périodes plus tardives de votre carrière ?

    J'ai longtemps attendu avant d'aborder le Concerto de Schumann. J'en avais un peu peur. La sonate Arpeggione de Schubert m'effraie aussi, je ne m'y suis pas encore mis. Le Concerto de Schumann me semblait d'une telle complexité sonore que j'avais peur. J'ai commencé seulement à l'apprivoiser. L'Arpeggione, je n'ose pas encore, peut-être pour l'avoir trop souvent entendue jouée d'une manière qui ne me convenait pas. Casals disait jouer une suite de Bach tous les jours. Pour nous, c'est une musique vitale. J'essaie d'en jouer, mais à petites doses. Pour l'instant, je donne en concert les trois premières seulement, car j'aime beaucoup jouer seul. J'ai envie de prendre le temps de les mûrir peu à peu, même s'il faut toute une vie.

     

    Vous jouez beaucoup avec Renaud. Est-ce un plaisir ou une obligation incontournable ?

    Çe n'est pas du tout une obligation ni une nécessité pour la promotion comme on le croit souvent. Nous nous connaissons depuis vingt et un ans, puisque c'est mon âge, mais nous nous sommes découverts il y a quatre ans, quand nous avons commencé à jouer ensemble. Nous sommes alors comme deux parties complémentaires qui s'assemblent. Même si nous sommes très différents physiquement et de caractère, nous allons exactement vers le même but, par des chemins différents. C'est donc un immense plaisir et un grand confort aussi de savoir que quoi qu'il arrive, l'autre est là pour sauver la situation en réagissant exactement comme il faut. Et bien sûr, il nous arrive de nous détester comme tous les frères pour nous réconcilier cinq minutes plus tard. Nous faisons nos carrières séparément, mais quand on se retrouve pour le Double Concerto de Brahms par exemple, c'est comme une source de jouvence. En musique de chambre c'est pareil. Notre base sonore commune nous permet de changer de partenaires sans difficulté et même de connaître le luxe de jouer avec Martha Argerich ou Daniel Barenboïm. Ça, c'est vraiment une fête !

     


    Prochains concerts :
    - 22 mai : Auvers-sur-Oise,
    - 1er juin : Tautavel
    - 6 juin : Sully-sur-Loire
    - 15 juin : Festival de Saint-Denis

    Derniers parutions discographiques chez EMI/Virgin:
    - Joseph Haydn : Concertos pour violoncelle
    avec le Mahler Chamber Orchestra, Daniel Harding - CD 545 586 2
    - Face à Face : oeuvres de Halvasen, Kodaly, Schulhoff, Ghys, Tanguy
    avec Renaud Capuçon - CD 545 586 2
    - Felix Mendelssohn : Trio n°1
    avec Renaud Capuçon et Martha Argerich, en direct au Festival de Lugano 2002 - CD 557 468 2 (parution le 3 juin)

     

    Le 20/05/2003
    Gérard MANNONI


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