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ENTRETIENS 24 avril 2024

Leiv Ove Andsnes, la Sérénité du Grand Nord

A trente deux ans, Leiv Ove Andsnes est un chef de file de cette génération qui parvient à peine maturité. Carrière régulière, progression implacable, loin des campagnes médiatiques et des grands concours internationaux, artiste exclusif de la firme EMI, ses derniers concerts parisiens l'ont confirmé : il faut désormais compter avec lui au plus haut niveau.
 

Le 26/05/2003
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Vous êtes né en Norvège. Parlez moi de votre pays.

    Je suis né dans une île à l'extrême ouest du pays, en face de Bergen et de Stavenger, en pleine Mer du Nord. Il y a des ciels magnifiques, avec des éclairages incroyables. Le mer est omniprésente, mais en Norvège, à l'intérieur des terres, vous trouvez aussi de fantastiques paysages de montagne. J'ai maintenant une maison dans les montagnes, dans le nord. La nature est très importante pour moi, même si c'est un luxe chez nous car nous sommes un petit pays pour quatre millions d'habitants. J'attends toujours avec impatience le moment de retrouver ce contact avec la nature.

     

    Cela vous a-t-il rendu plus spontané l'approche de la musique de Grieg ? Le joue-t-on mieux quand on est du pays du froid et des trolls ?

    Je ne crois pas qu'il faille absolument être norvégien pour bien interpréter Grieg. J'ai entendu de magnifiques interprétations de pianistes russes, notamment. Mais je suis né avec cette musique et c'est peut-être plus naturel pour moi d'en comprendre l'univers que celui de la musique espagnole par exemple. Peut-on discerner cela dans mon jeu ? C'est difficile pour moi de le dire car j'ai vraiment été élevé dans cette culture. Un de nos luxes est d'être entourés de silence. Si vous vivez dans de trop grandes villes, vous êtes assommés de bruit. En Norvège, on a toujours une qualité extraordinaire de silence. Pour moi, le calme, le silence, sont des éléments fondamentaux de la musique. Même quand il y a beaucoup de notes.

     

    La longueur des nuits d'hiver et celle des jours d'été ne vous donne-t-elle pas une structure intérieure plus forte ?

    Il est certains qu'en hiver beaucoup de gens donnent l'impression de somnoler, d'hiberner. En revanche en été, vous voyez des enfants jouant dans la rue à deux heures du matin. On a besoin de moins de sommeil. Les lumières sont fabuleuses. J'adore monter vers le nord en hiver pour voir le ciel qui prend par instant des formes et des couleurs absolument magiques. Tout cela forge certainement nos caractères d'une manière spéciale.

     

    Vous semblez ne pas être tombé dans le cercle infernal des concours internationaux. Est-ce par choix ou parce que vous n'en avez pas eu besoin ?

    C'est un choix
    parce que je n'en ai pas eu besoin !J' ai eu la chance, dès mes débuts en récital à dix sept ans, d'être remarqué en Norvège et d'être invité par des grands orchestres. J'ai eu tout de suite beaucoup d'engagements, dont une tournée avec l'Orchestre National de Norvège qui m'a emmené partout. Beaucoup de gens m'ont entendu et cela a engendré d'autres invitations. Tout s'est fait très naturellement. Je n'avais donc aucune raison de chercher à me faire connaître par des concours internationaux. C'était une chance car je n'aime pas les concours. Je pense d'ailleurs que cette mode est en train de passer et que notre génération est moins obsédée par les récompenses et les prix.

     

    Malgré quelques incursions chez des contemporains comme Britten, votre répertoire est essentiellement romantique. Pourquoi ?

    Comme beaucoup d'autres pianistes, j'ai débuté avec Chopin, Schumann, Schumann et Grieg, naturellement. Je continuerai certainement à en jouer car c'est vrai que je me sens très proche de la sensibilité de cette période. Mais je viens par exemple de m'attaquer aux concertos pour piano de Mozart et je compte élargir aussi mon travail vers le XXme siècle. En ce moment, j'ai vraiment envie d'évoluer dans plusieurs directions, tout en sachant que la partie centrale de mon répertoire sera toujours le romantisme allemand. Au début, je n'étais pas attiré du tout par les viennois, mais cela a changé grâce à Haydn puis à Beethoven et Schubert. J'ai aussi maintenant une grande attirance pour l'opéra. J'y retrouve la même nature de dialogue que dans les concertos pour piano. Je procède beaucoup selon mes intuitions, en sachant que si je n'ai pas envie pour l'instant d'aborder certains compositeurs que j'admire comme Ravel ou Scriabine, cela peut venir brusquement dans un an ou deux.

     

    Est-ce absurde de rapprocher de le rêve intérieur de Schubert de celui de Grieg ?

    Non, pas du tout ! Je crois au contraire qu'ils sont tous deux perdus dans des rêves intérieurs assez semblables. Chopin aussi, au moins dans certaines pièces, comme la Polonaise Fantaisie qui a des passages d'une grande concentration. Ils ont en tout cas la même capacité à faire chanter le clavier. Schubert et Grieg sont très proches, même si Schubert est plus obsédé par la mort que Grieg, qui reste moins métaphysique, avec une imagination moins complexe.

     

    Vous jouez souvent avec des chanteurs, Ian Bostridge, Matthias Gœrne notamment. Qu'avez-vous appris en côtoyant l'art vocal ?

    Il me paraît impensable de jouer les sonates de Schubert, par exemple, sans connaître ses Lieder. De plus, je n'ai jamais compris la distinction que font certains qui s'affirment seulement solistes. Je me considère comme musicien, avant tout, seul ou avec les autres. Il n'y a pour moi aucune différence. Le plaisir est le même en musique de chambre, en sonate ou avec orchestre. Les chanteurs nous donnent en outre de superbes leçons de souffle et de phrasé, avec un répertoire passionnant et, encore une fois, indissociable du notre.

     

    Vous avez créé un festival. Est-ce aussi une manière d'être un musicien ?

    Je crois. J'ai créé ce festival à Risor, une petite ville au sud est de la Norvège, avec une ravissante église baroque. Pendant une semaine, nous y faisons de la musique de chambre, beaucoup de Schubert par exemple cette année, avec aussi de la musique norvégienne. Tous les concerts sont mixtes, c'est à dire qu'il y a à la fois de la musique instrumentale, vocale, orchestrale. Ce n'est jamais un récital, ou un quatuor, mais plusieurs formes dans un même programme. Nous jouons dans la petite église et le public ne manque pas car c'est un lieu de villégiature réputé comme l'un des plus ensoleillés du pays ! Nous avons même des étrangers qui viennent tout exprès !

     

    Y a-t-il un ensemble d'oeuvres que vous n'ayez pas encore abordé et auquel vous rêvez de vous attaquer ?

    Certainement toutes les sonates de Schubert, l'oeuvre pour pianos de Schumann. Debussy également. Pour les jouer en concert, mais pas nécessairement,t pour les enregistrer. Je n'enregistre pas tout ce que je travaille. J'ai par exemple joué beaucoup de Beethoven et je n'en ai pas du tout enregistré. Je le ferai peut-être plus tard. Je ne crois pas qu'il soit bon d'enregistrer n'importe quand. Il faut choisir le moment où l'on sent qu'on est prêt, ou tout au moins où l'on croit l'être. Et puis, comme nous commençons souvent très jeunes, il arrive qu'il faille recommencer quelques années plus tard. C'est le cas pour les sonates de Chopin que j'ai gravée à vingt ans et que je vois aujourd'hui très différemment. Un disque est finalement comme un concert, l'image d'un moment dans notre carrière.

     


    Quelques disques, chez EMI-Virgin :

    Joseph Haydn : oncertos pour piano n°3, 4 & 11, avec le Norwegian Chamber Orchestra
    Edvard Grieg : Pièces lyriques
    Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n°3, Etudes tableaux, avec l'Orchestre Philharmonique d'Oslo, Paavo Berglund direction
    Leiv Ove Andsnes, a Portrait (oeuvres de Grieg, Schumann, Liszt, Brahms etc
    )

     

    Le 26/05/2003
    Gérard MANNONI


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