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ENTRETIENS 26 avril 2024

Christophe Rousset l'intègre

Plus discret que certains de ses collègues, Christophe Rousset mène opiniâtrement une carrière marquée par l'équilibre entre découvertes musicales et grand répertoire. Mais toujours avec la même obsession : l'honnêteté avant tout, au clavecin ou à la tête de ses Talens Lyriques. Rencontre avec un artiste intègre, qui sera en concert notamment au Châtelet.
 

Le 03/10/2003
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • Une nouveauté chez Decca, cela faisait longtemps...

    En fait, mon disque Rameau chez Decca fait partie d'une série d'enregistrements prévus du temps où j'étais en contrat d'exclusivité chez eux. Les Suites anglaises de Bach aussi étaient prévues chez Decca, mais il y a eu annulation de dernier moment. Je le sors donc chez Ambroisie (c'est Nicolas Bartholomée qui a de toute façon fait la prise de son).

     

    Vous aviez pourtant une collaboration par le passé fructueuse avec Decca.

    Mes relations avec cette maison se sont dégradées à partir du moment où le marketing a vraiment pris le pas sur le reste. Mes interlocuteurs ont peu à peu quitté la compagnie, et je ne sentais pas capable de parler argent au lieu de discuter musique... Je suis très content de constater chez Naïve et Ambroisie que les dirigeants ont encore des envies musicales ! Et quand on a des envies, il faut s'en donner les moyens musicaux. C'est que nous avons fait avec Persée de Lully chez Naïve, avec de très bons résultats.

     

    Ces changements ne sont-ils pas en réalité liés à la désaffection du public pour un certain répertoire ?

    Je suis persuadé que beaucoup de mélomanes sont intéressés par le répertoire que nous défendons, voyez la clientèle d'une compagnie comme Harmonia Mundi : ce sont des gens passionnés par la musique baroque, ou du moins qui veulent des oeuvres essentielles du répertoire. J'ai la chance d'avoir déjà enregistré beaucoup de disques pour le clavecin, et je ne ressens pas en ce moment une fureur d'enregistrer excessive. Mais certains projets me tiennent à coeur ! Les Suites anglaises, par exemple : c'est une oeuvre que je fréquente depuis longtemps, et je sentais que c'était le bon moment pour les graver. Mais c'est vrai que j'ai pas mal de projets pour la saison à venir : au disque, il y a donc mon Rameau chez Decca en ce moment, il y a mes Suites anglaises chez Ambroisie, et mon disque de zarzuelas avec Maria Bayo pour Naïve. En matière de concerts, il y aura notamment Roland de Lully à l'Opéra de Lausanne, et je reprends en juin Antigone de Traetta au Théâtre du Châtelet, toujours avec Maria Bayo.

     

    Vous venez de citer Maria Bayo. Vous avez, des dernières années, collaboré avec des "calibres vocaux" qui sortent des canons baroques. N'y a-t-il pas ce que certains appellent une dérive stylistique ?

    Je n'éprouve pas de difficultés particulières à travailler avec ces «calibres vocaux» qui ne sont, certes, pas forcément familiers avec la musique baroque. Maria Bayo par exemple, avec qui j'entretiens une très bonne entente. Et cet été, j'ai travaillé avec Christine Schäfer pour Alcina à Drottningholm. Ce type de chanteurs sont véritablement des bombes en puissance, il faut évidemment faire attention, et obtenir d'eux la plus grande tenue stylistique demande de l'énergie. Mais ce sont aussi des matériaux vocaux extraordinaires, il faut parfois savoir se laisser porter par eux ! Maria a une telle intensité quand elle chante, c'est une présence que je sens de façon extraordinaire quand je dirige à ses côtés.

     

    La plus grande attention est cependant requise, quand même.

    Tout dépend en fait de la musique. Pour un Lully ou un Rameau, on ne prend pas les mêmes chanteurs que pour le bel canto. Pour le bel canto par contre, on peut faire appel à des Cecilia Bartoli ou Barbara Frittoli pour leur beauté vocale. J'avoue que j'aime parfois jouer au docteur Frankenstein. Toujours pour Alcina cet été, j'ai beaucoup discuté avec Anne Sofie von Otter, sans rien lui cacher de mes demandes en matière de placement de la voix ou d'ouverture vocale à tel ou tel moment, de couleurs ou de problèmes techniques aussi. Sans être vraiment chef de chant, j'aime ce travail. Et puis il y a des artistes exceptionnelles, comme Natalie Dessaye qui peut vraiment tout faire avec sa voix, qui supporte tous les remodelages ! Cela se passe évidemment plus ou moins bien. Parfois, la distribution s'est faite sans moi, comme une autre Alcina que j'ai dirigé à Bilbao ; dans ces cas-là, on fait comme on peut...

     

    Cela implique un contrôle de l'orchestre impeccable. Quel est le rôle du claveciniste dans ce cas ?

    Pour moi, un orchestre doit sonner sur le modèle de la voix. Je reconnais aussi qu'en tant que claveciniste, je ressens une envie de rythmes qui me vient du clavier, de même que je recherche une certaine transparence. Mais ce serait tellement dommage de réduire la palette sonore d'un orchestre à celui d'un clavier, c'est tellement plus large.

     

    Comment conciliez-vous vos activités de chef des Talens Lyriques et votre carrière de claveciniste ?

    C'est une question d'équilibre. Il y a une très grande irrégularité dans mes concerts de clavecin, une année j'en fais vingt, l'année suivante je n'en ai qu'un. En général, c'est un problème de disponibilité. Mais je tiens à conserver le clavecin, il faut varier les plaisirs, c'est comme d'avoir une assiette avec un contenu varié : tout est dans le plaisir. Globalement, je constate aussi qu'il y a de moins en moins de concerts de clavecin. Il y a pourtant un répertoire essentiel, que les gens veulent entendre, et il y a un nombre important d'interprètes. Moi-même, en tant que professeur, je forme chaque année plusieurs clavecinistes de talent.

     

    Est-il agréable d'être claveciniste de nos jours ?

    Un claveciniste occupe une place appréciable, c'est vrai. On a l'impression que le monde va vers une sorte de n'importe quoi en matière culturelle, Olivier Py a fait un très bel article en ce sens, mais au moins, on ne peut pas baillonner le musicien ! Le clavecin est pour moi, c'est comme une hygyène mentale. Et je garde une liberté totale pour mes récitals : j'ai toujours dit non à un programme qui ne me convenait pas.

     

    Cela veut dire beaucoup de belles choses à venir au clavecin ?

    Chez Ambroisie, je ne compte pas faire plus d'un ou deux disques de clavecin par an. J'ai déjà beaucoup enregistré, je le répète, et je ne pense pas avoir changé au point d'avoir envie de réengistrer les Variations Golberg ! Dans le futur, je voudrais en outre accroître la part de concerts purement orchestraux, comme nous allons le faire au Châtelet. Nous serons une quinzaine de musiciens, avec une jeune basse qui s'appelle Joao Fernandez. Je suis toujours fier de trouver un artiste avec un matériau vocal intéressant et l'aider à développer aussi bien sa voix que sa carrière. Mes engagements en Suède en ce sens sont très intéressants, car c'est un pays à la richesse vocale exceptionnelle, qu'on n'exploite pas assez.

     

    Comment se passe la résidence des Talens Lyriques à Montpellier ?

    Elle doit durer trois ans, elle se finit normalement l'an prochain. Ce n'est pas une expérience que j'estime pleinement satisfaisante. Une résidence, c'est une salle permanente où répéter, c'est aussi une certaine liberté artistique. Je n'ai pas du tout envie d'aborder des oeuvres uniquement parce qu'elles attirent du public. Ce qui m'intéresse au premier chef, c'est justement des compositeurs comme Leo, Traetta, ou encore Martini et Soler, que je viens de faire au disque. Je vais aussi diriger un Salieri à Lausanne, avec La Grotta di Trofonio. Les Quatre Saisons ou le Dixit Dominus ne sont pas pour moi des priorités. Et je ne me pose jamais comme l'interprète du siècle de telle ou telle oeuvre, et je ne veux absolument pas aller dans le sens des excès absurdes qu'on entend par exemple dans les Quatre Saisons. J'essaie de conserver une certaine intégrité de musicien, si ensuite ce que je fais, plaît ou ne plaît pas, je ne suis pas sûr que ce soit forcément mon problème. Pour le clavecin, je pense que tous les grands maîtres ont été découverts, ce qui est loin d'être le cas pour la musique vocale !

    EN CONCERT :

    Jean-Sébastien Bach
    Concerto pour clavecin & cordes en la majeur BWV 1055
    Double Concerto pour violon, hautbois & cordes en ut mineur BWV 1060
    Cantate pour basse Ich habe genug BWV 82
    -Le 3 octobre, Montpellier, Corum, Salle Pasteur
    -Le 5 octobre, Paris, Théâtre du Châtelet
    - Le 6 octobre, Marseille, Abbaye Saint-Victor
    - Le 30 novembre, Lyon, Festival de Musique Ancienne, Chapelle de la Trinité

    Avec Joao Fernandes, basse

    Le castrat soprano de Farinelli à Marchesi
    Avec Rafaella Milanesi, soprano
    - Le 25 octobre, Paris, Cité de la Musique

    Musiques funèbres à la chapelle de Louis XIII
    - Le 10 octobre, Festival d'Ambronay, Abbatiale
    - Le 14 octobre, Versailles, Chapelle royale


    Mozart : La Betulia Liberata
    Avec Ann-Lise Sollied, Ann Hallenberg, Jaël Azzaretti, Joao Fernandes, John McVeygh.
    - Le 20 novembre, Paris, Théâtre des Champs-Elysées

     

    Le 03/10/2003
    Yutha TEP


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