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ENTRETIENS 25 avril 2024

Musica, grande messe annuelle du contemporain
© DNA - Jaques Weiss

Jean-Dominique Marco, directeur général de Musica.

Le mois dernier, Altamusica vous présentait une interview de Frank Madlener, directeur artistique du festival Musica de Strasbourg. Cette fois, Gérard Mannoni a interrogé le directeur général du festival, Jean-Dominique Marco, qui occupe son poste dans la capitale alsacienne depuis 1990. Rencontre.
 

Le 04/11/2003
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Depuis que vous avez pris la direction de Musica en 1990, comment le festival a-t-il évolué ?

    En prenant la direction du festival, je voulais d'abord transmettre l'héritage de Musica à la nouvelle génération du public. Le danger était que les festivaliers vieillissent en même temps que le festival. Il ne s'agissait pas de pratiquer une sorte de prosélytisme en cherchant à toucher toujours plus de monde, mais de faire passer à la génération suivante le répertoire que nous avions bâti.. C'est pour cela que nous avons initié dès 1992 une politique de résidence de compositeurs au conservatoire, ce qui nous permis de rajeunir un peu le public. Cela me tenait très à coeur. Ensuite, si à la fondation du festival en 1983 il était primordial de révéler un répertoire de base en mettant en avant les compositeurs les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle en jouant des oeuvres de référence autour de gens comme Varèse ou Boulez, il est devenu possible à la fin des années quatre-vingt d'aller plus loin en faisant découvrir des compositeurs bien moins connus. On pouvait montrer la diversité et la richesse du répertoire contemporain. Nous avons ainsi contribué à l'émergence d'un répertoire très riche, très varié, avec des techniques différentes qui se sont parfois combattues ou affrontées. Nous continuons encore aujourd'hui dans cette direction, même si cette année plane sur tout le festival l'ombre de Stockhausen à qui on a rendu hommage sans que l'on ait pourtant joué plus de cinq ou six pièces de lui pour pouvoir parallèlement mettre en avant d'autres compositeurs comme Hanspeter Kyburz qui était totalement méconnu.

     

    C'est d'ailleurs quasiment un portrait de Kyburz qui aura marqué ce Musica 2003.

    Je tiens en effet beaucoup à travailler sur cette notion de portrait, soit avec des compositeurs encore peu connus comme Lindberg en proposant une dizaine de pièces récentes, soit avec des compositeurs ayant déjà une oeuvre plus importante derrière eux et dont on peut montrer l'évolution. Il s'agit alors d'entraîner le public au coeur du système d'écriture d'un créateur, ce qui est très enrichissant. Je pense que l'on aura été cette année au coeur du système Kyburz. Je suis convaincu que peu à peu la qualité d'écoute du public s'est ainsi beaucoup améliorée. Il y a une vraie fidélité du public mais aussi une grande curiosité à l'égard des oeuvres les plus récentes. Maurice Fleuret voulait que ce festival soit une plate-forme de rencontre entre les compositeurs, les musiciens et le public et je crois que nous avons atteint et objectif. Les Strasbourgeois vivent Musica un peu comme un tourbillon, avec deux ou trois concerts par jour, parfois quatre. J'aime cette notion de partage dans l'effervescence et la tension. Certains courent d'un concert à l'autre, comme s'ils faisaient leur réserve de musique contemporaine pour le reste de l'année. Ils sont boulimiques et ressortent de là un peu étourdis mais marqués, formés. Je crois qu'à la fin d'un festival comme ça, le public s'est approprié ces musiques.

     

    Y a-t-il ensuite un suivi possible à Strasbourg et dans la région pour tous ces gens qui ont ainsi vécu intensément la musique contemporaine pendant deux semaines ?

    Il n'y a malheureusement pas beaucoup de musique contemporaine pendant le reste de l'année. Nous avons tenté d'organiser de janvier à juin une petite saison de cinq concerts le dimanche matin et nous avons constaté qu'il était difficile de drainer le public sur des manifestations régulières. J'ai l'impression qu'à Strasbourg, le phénomène Musica est un peu comme une grand messe annuelle dont on attend ensuite le retour.

     

    A ses débuts, Musica avait une politique très originale en ce qui concerne les lieux de concert. Ne vous êtes-vous quelque peu assagis ?

    Tout à fait. Beaucoup de lieux que nous utilisions n'existent plus ou ne sont plus accessibles pour des raisons de sécurité, et il y a très peu de nouveaux lieux. La patinoire a fait cette année figure d'exception. Par ailleurs les coûts sont aujourd'hui beaucoup plus importants et les exigences du public en matière de confort d'écoute également. Il y a vingt ans, on pouvait faire des concerts dans des bains romains, dans des piscines, dans des ateliers de réparation, dans des appartements. Il n'y avait quasiment aucune installation particulière, pas de conque acoustique et le public était heureux. Aujourd'hui, il l'accepte très mal, justement parce qu'il a gagné en qualité d'écoute. D'ailleurs les conditions de sécurité ne nous permettent plus d'aller dans des endroits trop marginaux. Ils ne sont tout simplement pas reçus par la commission. Et puis, avec le développement de l'électronique, les équipements nécessaires deviennent de plus en plus lourds et sophistiqués, donc difficiles à implanter dans des lieux non prévus pour ça. Ce problème des lieux est préoccupant pour nous . Il nous manque encore la très belle salle de cinq cents places que nous devons avoir dans deux ans au Conservatoire.

     

    Quels sont aujourd'hui vos délais de préparation et sur quels crédits fonctionnez-vous ?

    Nous sommes très polarisés pendant l'année. Le plus gros se prépare un an avant, mais toutes les commandes, la recherche et la réservation des orchestres, les grandes pièces, les spectacles lourds comme les opéras, tout cela se prépare deux, trois, voire quatre ans à l'avance. Une édition comme celle de cette année c'est trois ans de travail, dont une année très intensive car nous ne sommes pas nombreux. Notre budget est d'à peu près 1.800.000 euros, financés à 70% par l'Etat et les collectivités locales : Ville, Département et Région. Le reste consiste en recettes de billetterie et en sponsoring. C'est un budget confortable mais qui a du mal à évoluer même si la fidélité de nos partenaires est exceptionnelle, ce qui ne fut pas toujours le cas dans le passé pour d'autres festivals de musique contemporaine.

     

    Le 04/11/2003
    Gérard MANNONI


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