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ENTRETIENS 26 avril 2024

Sergio Segalini, quand la Fenice renaît de ses cendres
© Festival della Valle d

La Fenice de Venise, l'une des plus prestigieuses salles d'opéra de la planète, rouvrira ses portes dans moins d'un mois, après avoir fermé durant presque six ans suite à l'incendie du 29 janvier 1998 qui l'avait presque entièrement détruite. L'occasion pour Altamusica de rencontrer son nouveau directeur artistique, l'optimiste Sergio Segalini.
 

Le 17/11/2003
Propos recueillis par Françoise MALETTRA
 



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  • Lors de la prĂ©sentation Ă  la presse, en juin dernier Ă  Paris, de la saison inaugurale du Théâtre de la Fenice, vous manifestiez ouvertement votre enthousiasme devant la mission qui venait de vous ĂŞtre confiĂ©e : assurer la direction artistique du théâtre. J'irais jusqu'Ă  dire que vous aviez quelque difficultĂ© Ă  maĂ®triser votre Ă©motion. Vous donniez le sentiment de vivre un moment très fort de votre existence. Est-ce que je me trompe ?

    C'est exactement ce que j'ai ressenti et c'est ce que je continue de ressentir. Comment en serait-il autrement, alors que la direction artistique de ce théâtre se fortifie aujourd'hui de l'extraordinaire caisse de résonance que constituent sa reconstruction et son imminente réouverture. On m'avait déjà proposé la direction du festival de Macerata et celle des arènes de Vérone, mais ça ne correspondait pas à ma nature. Programmer Aida, Faust ou Rigoletto pour un public de 20 000 personnes ne m'intéresse pas. J'aime trop la recherche, la création, la réflexion, pour m'y sentir heureux. Je veux me reconnaître dans le travail que je suis en train de faire. C'est pourquoi j'ai accepté Venise immédiatement, la ville que j'aime le plus au monde avec Florence et Paris. C'est une ville de rêve qui respire la culture à tous les coins de rue, littéraire, architecturale, musicale, et l'impact historique de la Fenice en fait un pôle essentiel, capable de susciter les plus grandes vocations artistiques. Venise a vu naître l'opéra avec Monteverdi, et son histoire va du premier baroque à la musique contemporaine avec des compositeurs comme Luigi Nono ou Giuseppe Sinopoli, tous deux vénitiens. Oui, ce jour là j'avais les larmes aux yeux, et le grand rêveur que je suis entend bien faire partager aux autres ses désirs de musique les plus fous.

     

    Est-ce que cela signifie que votre priorité sera d'inscrire votre programmation dans l'histoire de la Fenice et dans la tradition culturelle de la ville, ou en tous cas de vous inspirer largement ?

    C'est difficile, parce que j'ai des milliards d'envies. Mon principal souci est de savoir par où commencer pour que la Fenice renoue avec son cordon ombilical, et en même temps se projette dans l'avenir. En ce qui concerne l'avenir, je compte établir une solide collaboration avec la biennale d'art contemporain qui crée des oeuvres importantes commandées aux plus grands compositeurs de ce temps, et produire des spectacles avec eux. Venise doit garder toute sa créativité et redevenir un lieu d'accueil pour des créations mondiales. Pour le répertoire, c'est autre chose. Venise est une ville qui vit dans le passé, mais je ne pense pas que la Fenice ait à donner au monde l'image d'un musée. C'est plus le rôle de l'Opéra Bastille qui lui, s'adresse à un large public, qui joue tous les soirs et qui doit refonder son répertoire.

    La Fenice est un écrin exceptionnel, et quand on ouvre cet écrin, on doit y trouver une perle rare. Cette perle sera baroque ou contemporaine, à condition de rechercher son identité vénitienne, et celle-ci tient aux musiciens qui à Venise ont connu leurs années les plus fertiles. Vivaldi, c'est une évidence. Mais Haendel aussi, qui a énormément travaillé à Venise et dont les opéras vénitiens, Agrippina par exemple, sont certainement les plus beaux. Rossini a débuté à Venise avec Tancredi en 1813. Plus tard, il lui donnera Semiramis, le plus baroque de ses opéras. Sans parler de Verdi qui a plus écrit pour la Fenice que pour la Scala de Milan, ou de Wagner qui a composé nombre de chefs d'oeuvre à Venise et qui est mort sur le Canal Grande. Jusqu'à Stravinski, qui en 1951 y a créé The Rake's Progress, et qui a voulu y être enterré. Ils sont tous porteurs d'une histoire qu'il faut continuer de faire vivre avec les moyens et l'imagination des artistes d'aujourd'hui.

     

    Vous avez deux théâtre à votre disposition : La Fenice et le Malibran. J'imagine qu'ils devront faire l'objet d'un projet musical spécifique, mais avez–vous surtout l'intention de jouer sur leur complémentarité ?

    Je souhaite que chaque théâtre ait son originalité, sa singularité, en tenant compte de ce qu'il est, de son histoire, et encore une fois en le projetant vers l'avenir. Vous savez, un directeur artistique est pour moi comme un grand couturier. Devant la femme qui se présente devant lui, il doit prévoir ce qui lui ira le mieux, ce qui la mettra le plus en beauté. Le but essentiel est de respecter les lieux comme on respecte une jolie femme. La Fenice n'est pas le Malibran. Si l'architecture du Malibran est parfaite pour l'opéra du XXe siècle, celle de la Fenice, qui relève du joyau baroque, est idéale pour Rossini, Donizetti, Wagner, Strauss, ou Massenet.

     

    Quelle sera votre politique envers les chanteurs et les grands solistes en général, puisque vous êtes également responsable de la saison symphonique ?

    C'est extrêmement simple. Tout d'abord, je trouve inadmissible l'attitude des chanteurs qui acceptent de travailler réellement sur une production et qui au bout de deux jours filent chanter à Rome, à Vienne, ou à Londres, quand leur contrat prévoit un mois de répétitions. Je sais que la plupart du temps on ne peut les avoir qu'à ces conditions. C'est une règle, et elle vaut pour Bastille ou le Met qui ont absolument besoin de grands noms pour exister. Mais je considère que dans un théâtre de culture comme la Fenice, on peut concevoir des spectacles sans certaines stars qui souvent n'assurent que la générale. C'est une question de respect envers les musiciens, le public, et la musique en général. Heureusement il en existe qui répondent à ces critères. Et puis, entre nous, des répétitions à Venise, c'est toute de même plus agréable qu'à Pékin.

     

    La Fenice sera-t-elle un théâtre où l'on auditionnera beaucoup ?

    Oui, parce que je suis un fanatique des voix nouvelles, que les choses vont plutôt mal dans les théâtres aujourd'hui, et que la relève tarde à se présenter. La raison en est que l'on fait beaucoup trop pour les grands scènes, et pas assez pour les scènes régionales. Résultat, les jeunes ne peuvent pas acquérir le métier qui leur sera nécessaire un jour pour débuter à Bastille ou au Met. Il y a des voix qui naissent et ne vivent que trop peu de temps. Les jeunes se « déchirent le muscle », exactement comme des sportifs qui arriveraient aux Jeux Olympiques sans l'entraînement exigé. On oublie qu'avant de triompher à la Scala, Maria Callas a chanté à Ravenne, à Rovigo, dans de petits théâtres qui, hélas, disparaissent aujourd'hui les uns après les autres.

    Pourquoi l'Opéra de Lyon est-il devenu à un certain moment un tremplin de grande qualité ? C'est que l'Etat et la Région avaient décidé d'en faire une alternative aux scènes parisiennes et de s'en donner les moyens. La solution est de former des équipes, ce que je suis en train de faire, des équipes de jeunes auxquels on fait confiance, dont je dirige la progression, en veillant sur l'évolution de leur carrière. Chaque année la Fenice leur proposera des rôles adaptés à leur voix, et en transférant au Malibran le domaine expérimental, ils pourront se familiariser avec la création contemporaine. Je voudrais créer dans ces théâtres un véritable esprit de laboratoire. Ce n'est pas une fatalité si l'on manque de basses, de mezzos ou de barytons. Il faut seulement se mettre au travail, suivre les projets de très près et assurer leur montée en puissance. Et comme je suis d'une nature optimiste, je suis persuadé que c'est une bataille que l'on peut gagner à Venise.



    REOUVERTURE DU THEATRE DE LA FENICE

    Du dimanche 14 décembre au dimanche 21 Décembre 2003 :
    Ouverture de la Saison Symphonique de La Fenice
    14 décembre :
    Beethoven : La Consécration de la Maison
    Stravinski : Symphonie de Psaumes
    Caldara : Te Deum
    Wagner : Trois Marches symphoniques
    Choeur et Orchestre de La Fenice, direction Riccardo Muti

    20 novembre 2003 :
    Ouverture de la saison lyrique au théâtre Malibran, avec Le Domino noir de Daniel Auber, dirigé par Marc Minkowski et mis en scène par Pier Luigi Pizzi (avec parmi les principaux interprètes Maria José Moreno et Rosita Ramini)

    Novembre 2004 :
    Ouverture de la saison lyrique de La Fenice, avec La Traviata de Verdi, dirigée par Lorin Maazel

     

    Le 17/11/2003
    Françoise MALETTRA


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