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ENTRETIENS 26 avril 2024

Ivaldi – Pennetier : en toute complicité

Le duo à 4 mains Ivaldi-Pennetier

Christian Ivaldi et Jean-Claude Pennetier ont achevé en mars dernier leur intégrale du répertoire pour piano à 4 mains de Schubert à la Salle Cortot, véritable aventure humaine répartie sur six mois. La complicité des deux pianistes, qui date de leurs études en partie communes, se révèle tout autant dans leurs propos recueillis chez Christian Ivaldi.
 

Le 20/04/2004
Propos recueillis par Eugénie ALECIAN
 



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  • Vous êtes tous deux solistes à la base, comment en êtes-vous venus à former votre duo à quatre mains ?

    CI : Moi, je ne me qualifierais pas de soliste, mais je suis un cas extrêmement rare. Je n'ai jamais couru les récitals, sauf dans les années 1980, et même si j'en donne encore quelques uns aujourd'hui, ma passion, c'est vraiment la musique de chambre. Très tôt j'ai décidé que je voulais éviter de passer ma carrière à jouer seul. Jean-Claude, en revanche, joue sous toutes les formations.

     

    Le quatre mains est-il simplement la réunion de deux pianistes côte à côte, ou plutôt une forme instrumentale propre avec des contraintes particulières ?

    CI : D'abord, le piano est le seul instrument qui permette à deux instrumentistes de jouer ensemble sur le même instrument. Il n'y en a pas d'autres, même dans les claviers comme le clavecin ou l'orgue. Ensuite, le répertoire à 4 mains est vraiment dévolu aux pianistes. Au niveau purement technique, il est vrai que ça change énormément de travailler seul ou à deux, ce dont on se rend régulièrement compte en répétition : hier encore Jean-Claude me disait « tiens, là j'avais mis un doigté en travaillant seul et je m'aperçois qu'il faut que j'en change ! Â». On est en permanence dans la position où on ne voudrait pas être pour ne pas se télescoper, et souvent on est obligé de prendre des positions de mains qui sont contraires au bon fonctionnement physique, voire à la bonne réalisation de ce qu'on a à jouer.

    JCP : Et chaque détail corporel prend de l'importance, comme l'assise, et il faut avoir une bonne conscience de son corps quand on joue. C'est même une des choses primordiales car il faut trouver son équilibre en tenant compte de celui du partenaire.

    CI : On est tellement intriqué que cette forme de musique de chambre demande beaucoup plus de travail relationnel, voire émotionnel que dans un quatuor à cordes par exemple : même si nous pouvons éprouver la même complicité que les cordes entre elles est, le pianiste a un rôle fédérateur et, aussi chambriste soit-il, il est toujours seul. C'est le seul instrument de cette nature.

    JCP : La plupart des compositeurs qui ont écrit pour le quatre mains l'ont fait avec la conscience d'écrire pour un instrument particulier, et leur écriture tient généralement compte des possibilités instrumentales et sonores ainsi offertes mais sans pitié pour les instrumentistes. Il ne faut d'ailleurs surtout pas amalgamer ces oeuvres originales avec des transcriptions de symphonies par exemple. Les transcriptions étaient fort communes avant l'ère du disque et avaient un rôle de pédagogie culturelle et de transmission de la musique à une époque où l'on ne pouvait pas réécouter, notamment les grands ensembles, après leur création. L'enregistrement a supprimé ces contraintes. Le temps de la transcription étant révolu, nous n'en jouons donc pas, en public en tous cas, d'autant qu'il y a tant d'oeuvres magnifiques pour le 4 mains.

    CI : Soulignons tout de même le privilège et la jubilation du pianiste qui peut jouer La Mer de Debussy par exemple, ou Wozzeck de Berg, écrites et transcrites par le compositeur lui-même en général.

    JCP : Dans certains cas, la transcription était aussi jouée avant la création avec orchestre et servait de maquette en quelque sorte. C'est encore parfois le cas en fait. Mais souvent, surtout pour les ballets, la transcription est un impératif autant technique qu'économique.

     

    Racontez-nous la grande aventure de cette intégrale de Schubert, depuis la naissance de l'idée jusqu'à sa réalisation.

    JCP : Nous avons développé une telle « gourmandise Â» en jouant ensemble, de temps en temps, puis volontairement régulièrement, que le plaisir de travailler ensemble est devenu un besoin fondamental ! C'est un peu pour rendre plus signifiant ce travail et peut-être pour en signer le manifeste que nous avons décidé d'entreprendre cette intégrale Schubert.

    CI : En plus, en dehors de mieux se connaître, nous nous sommes certainement davantage estimés au fur et à mesure, tout en développant le respect de l'autre. Comme dans la question des tempi, par exemple pour lesquels Jean-Claude a, à mon sens, une meilleure approche que moi.
    On s'apporte certainement quelque chose réciproquement, ce qui implique à mon sens que cette démarche était une nécessité.

    JCP : Il y a complémentarité aussi sur le fait que sur telle oeuvre, l'un va tirer en avant, et l'autre suit dans sillage, et vice et versa. Et c'est totalement indépendant du fait nous prenions la partie basse ou haute. La, le choix se faisait soit selon nos « habitudes Â» soit parce qu'au fur et à mesure que nous explorions le catalogue avec plusieurs oeuvres rarement jouées, le rapport à l'oeuvre de l'un ou de l'autre, plus ou moins tôt exprimé nous a permis de l'amener facilement à maturité.

    CI : Par exemple, un souvenir fort qui me restera de cette série est la confrontation de la Fantaisie en sol majeur du deuxième concert. Elle dure plus de vingt minutes et au début, nous la trouvions un peu légère ou anodine. Jean-Claude a tout de suite été intéressé et a pris le haut, alors que j'étais plutôt inquiet, mais en avançant nous nous sommes tous deux énormément amusés à la fouiller, à la construire à l'inventer même pour enfin la valoriser. Beaucoup des autres oeuvres étaient en revanche plus faciles à monter car tout était déjà dit par les notes.

     

    Quels ont été vos critères pour répartir toutes ces oeuvres en cinq concerts équilibrés ?

    CI : Je me suis interrogé avant tout sur la variété et l'alternance nécessaires à l'équilibre d'un concert, en plaçant les oeuvres majeures de manière à ne pas dévaloriser celles qui sont peut-être vues comme parfois mineures. C'est au fond, comme composer un bon menu pour qu'il reste digeste !

    JCP : J'ajoute que je n'apprécie généralement pas le prétexte d'une intégrale pour faire entendre au public n'importe quoi, et, chose rare dans ce contexte, toutes les pièces à quatre mains de Schubert sont de très grande qualité. J'assume donc parfaitement tout ce qui a été joué dans ce « marathon Schubert Â».

     

    Le 20/04/2004
    Eugénie ALECIAN


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