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ENTRETIENS 28 mars 2024

Claire-Marie Le Guay, dix doigts de piano
© Alvaro Yanez

Pour un pianiste, tirer son épingle du jeu constitue une véritable gageure tant les prétendants sont légion. Claire-Marie Le Guay a fait plus que cela, d'abord en enregistrant d'entrée les Etudes d'exécution transcendantes de Liszt, ensuite en remportant une Victoire de la musique. Rencontre.
 

Le 31/03/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • La notion d'école française vous semble-t-elle aujourd'hui justifiée ?

    Ma position est double. Je pense qu'il y a, en effet, une véritable culture française, une forme de marque indélébile, un authentique héritage que nous ne pouvons ni négliger ni rejeter. Mais aujourd'hui, l'ouverture vers d'autres cultures, notamment vers les expressions venues de l'Est, est un enrichissement permanent dont on a la chance de bénéficier. C'est d'ailleurs un phénomène plus général : un phénomène politique et économique qui a eu une influence indiscutable dans le domaine de la culture. On ne peut que s'en réjouir.

     
    Vous avez reçu l'enseignement du Conservatoire de Paris avec des professeurs comme Jacques Rouvier, Bruno Rigutto et Christian Ivaldi. L'idée selon laquelle le Conservatoire ne remplirait pas ou plus sa mission est-elle une veille légende ?

    En tout cas, en ce qui me concerne, je garde de ces années-là un excellent souvenir. Ce fut un climat pédagogique idéal, dans lequel je me suis pleinement épanouie. Le Conservatoire ne " fabrique " pas des stéréotypes, mais permet au contraire à chacun d'y trouver sa place, de se " sonder " musicalement avec la plus grande souplesse possible par rapport au cadre pédagogique. Seul inconvénient, la difficulté que l'on a souvent à concilier études musicales sérieuses et cursus général dans une structure d'enseignement général. Il y a sans doute là des progrès à faire, et une vraie réflexion à mener.

     
    Vous avez également suivi les cours de maîtres étrangers, notamment ceux de Dimitri Bashkirov. En quoi son enseignement a-t-il contribué à affiner votre jeu ?

    Il m'a apporté le désir d'une " violence physique positive ", d'une exigence totale et absolue, par rapport au texte. Mais cela allait bien au-delà du texte proprement dit. Bashkirov m'a appris que l'investissement devait être entier, sans aucune concession possible, ni à l'égard des efforts physiques ou intellectuels, ni à l'égard du temps consacré à la musique. Cette rencontre est arrivée à un moment idéal, à la fin de mes études au Conservatoire.

     
    Un autre moment important a été la soirée des Victoires de la Musique en 1998, durant laquelle vous avez été élue " nouveau talent " ?

    Un merveilleux souvenir, comme vous pouvez vous en douter. Ce fut la rencontre d'un nouveau public, plus large que celui que l'on croise dans les salles de concerts. Je ne partage pas l'opinion de certains qui s'escriment à sous-estimer les Victoires de la Musique. Certes, tout n'y est pas parfait, mais de la musique classique à une heure de grande écoute, c'est un événement suffisamment rare pour que l'on taise les remarques diverses, pas toujours justifiées d'ailleurs. Le but est moins de contester les conditions d'attribution des prix que de faire connaître la musique au plus grand nombre. On doit surtout espérer que de telles opérations puissent être organisées plusieurs fois dans l'année. Le milieu du cinéma ne rougit pas de ses manifestations, le monde musical devrait en faire autant.

     
    Avant les Victoires, les mélomanes ont appris à vous connaître grâce à un premier disque consacré aux 12 Etudes d'exécution transcendante de Liszt. Etait-ce un " coup ", un défi ?

    Non, je n'avais pas pour envie d'étonner ou de choquer. Simplement, la possibilité m'était offerte d'enregistrer le répertoire que j'aimais. J'ai saisi l'occasion, sans autre forme de questionnement. Il faut dire que j'aime beaucoup le disque. Contrairement à ce que l'on dit beaucoup, l'enregistrement n'est pas un pâle reflet du concert. Certes, le concert est propre à dégager une sorte de fièvre unique, mais le disque est, lui aussi, un moment privilégié. Quel que soit le nombre de prises qu'offre l'enregistrement, il est certain que vous ne pouvez pas non plus changer du tout au tout votre approche d'une partition. En ce sens, la vérité liée à tout acte musical est pleinement conservée.

     
    Avec l'Orchestre de Paris, vous avez interprété le 3ème concerto de Bartok. Comment concevez-vous ce concerto, si différent des deux premiers concertos ?

    C'est un peu un concerto-surprise. Gyorgy Sebök, avec lequel j'ai aussi étudié, en a été le créateur, en 1946. Il se souvenait encore de l'étonnement du public lors de la création. C'est vrai qu'il ne ressemble pas aux deux premiers concertos : ici nulle violence rythmique, nul déluge orchestral, mais des couleurs et de longs développements du propos poétique.

     
    La musique de notre temps vous intéresse-t-elle ?

    Enormément. J'essaie toujours d'ailleurs d'inclure des pièces du 20ème siècle aux programmes de mes récitals. A ce tournant du siècle, je crois qu'il est important que chacun puisse créer ses propres repères et délimiter clairement ses affinités électives. Mon prochain disque - le premier chez Accord/Universal - sera dédié à la musique de notre temps, avec notamment les sonates de Dutilleux et de Carter.

     
    A terme, quelles sont les orientations que vous souhaitez donner à votre carrière ?

    Sans doute développer ma présence à l'étranger. L'idéal serait de se produire autant en France, qu'à l'étranger.

     
    L'enseignement vous tente-t-il ?

    Bien sûr. J'ai participé modestement, au mois d'août, l'année dernière, au Festival et à l'Académie d'Annecy, dont le projet m'a séduit. Le fait de donner pour recevoir est une chose essentielle. Cela dit, je suis incapable de vous dire si plus tard je souhaiterais m'y consacrer vraiment.

     
    Vous vous sentez musicienne ou plutôt pianiste ?

    Ma réponse peut étonner, mais je me considère surtout comme une pianiste. Sans le piano, impossible d'imaginer la musique, même si je suis curieuse de nature.

     


    REPERES DISCOGRAPHIQUES - CLAIRE-MARIE LE GUAY

    - 12 Etudes d'exécution transcendante de Liszt - Auvers-sur-Oise, collection Etoiles (distr. Musisoft)
    - Kreisleriana et Carnaval de Schumann - Auvers-sur-Oise, collection Etoiles (distr. Musisoft)
    - En préparation : Sonate de Carter, Sonate de Dutilleux - Accord (distr. Universal)

     

    Le 31/03/2000
    Propos recueillis par Stéphane HAIK


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