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ENTRETIENS 25 avril 2024

Marek Janowski, le maître des ondes

Douze années durant, Marek Janowski a joué, à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, un rôle essentiel dans la vie musicale française. Il vient paradoxalement pour la première fois diriger une formation parisienne – l'Orchestre de Paris – depuis qu'il a quitté ses fonctions à Radio France. Il a répondu à quelques questions pour Altamusica.
 

Le 12/10/2004
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • Il faut bien le dire, on ne vous a pas souvent vu à la tête d'un orchestre parisien.

    A vrai dire, c'est la première fois que je dirige un orchestre parisien depuis mon départ du Philharmonique de Radio France. Pendant les douze années que j'ai passées à la tête du Philharmonique, mais aussi pendant les quatre années précédentes durant lesquelles j'en étais déjà le premier chef invité entre 1984 et 1988 (l'orchestre s'appelait alors Nouvel Orchestre Philharmonique), je n'avais pas de contact avec d'autres formations parisiennes, comme le voulait la coutume – c'était parfois même spécifié dans les contrats. Cela valait pour les concerts symphoniques, pour les opéras c'était autre chose. Mais à mon arrivée, bien sûr, je connaissais l'Orchestre de Paris de réputation.

     

    Vous connaissiez pourtant bien les activités musicales de Paris.

    La vie musicale dans une ville comme Paris est toujours très animée, même si tout n'est pas très intéressant. Quand je le pouvais, j'allais écouter les concerts du National de France ou de l'Orchestre de Paris. Pour ce dernier, j'ai l'impression d'une très grande qualité, mais c'est une vision de l'extérieur : quand il faut réellement travailler avec un orchestre, il faut créer une alchimie particulière entre un chef et des musiciens – j'emploie même le terme d'ondes.

     

    Christoph Eschenbach a donné à l'Orchestre de Paris une sonorité que d'aucuns disent allemande. Est-ce que cela peut faciliter votre travail, surtout dans le programme choisi ?

    Les dirigeants de l'Orchestre de Paris m'ont proposé, il y a deux ans, une symphonie de Bruckner, me laissant le choix de cette symphonie à condition qu'elle leur convienne. J'ai choisi la Symphonie n°5 parce que je ne l'ai pas dirigée depuis longtemps. Elle représente aussi un défi, car il faut trouver une conception convaincante, et donner un sens à la grande austérité du deuxième mouvement et du Finale. Il faut absolument une vision claire de la forme. Je vais aussi diriger la Pastorale de Beethoven, car c'est l'une de mes préférées. Je le répète, c'est le chef, sa personnalité qui, pendant une semaine ou deux, doit arriver à imposer sa vision face à la sonorité d'un orchestre. Avec l'Orchestre de Paris, j'ai deux programmes dans le répertoire allemand, deux programmes très différents. On verra bien comment cela va se passer. Mais soyons honnête : les Berliner Philharmoniker ou les Wiener Philharmoniker jouent mieux le répertoire allemand, mais il n'empêche qu'il faut un chef pour que naisse une vision. Un orchestre peut avoir une belle sonorité, c'est la sensibilité qui reste problématique : ce qui est alors essentiel, c'est la rapidité d'adaptation, laquelle peut être plus ou moins lente selon les cas.

     

    Maintenant, une tarte à la crème : que pensez-vous du problème de la grande salle symphonique qui manquerait à Paris ?

    Je ne voudrais pas énoncer de platitude. Je dirais ceci : dans mes dernières années à Radio France, la Salle Pleyel était une bonne chose, mais c'était la demeure de l'Orchestre de Paris. Je ne connais pas le Théâtre Mogador, j'attends donc avec impatience la réouverture de la Salle Pleyel, car elle est à peu près correcte. J'espère qu'elle aura lieu comme prévu, à la fin de 2005.

     

    John Nelson émettait des doutes sur la capacité de réunir un public symphonique suffisant pour remplir cette hypothétique salle. Etes-vous aussi pessimiste que lui ?

    Le public symphonique pose le même problème un peu partout, pas seulement à Paris. Si le programme est bien construit, si l'orchestre est de qualité, la salle est alors remplie. Il y a cependant un phénomène qui est mondial, qui ne se ressent pas seulement en France ou à Paris : ces trente dernières années, on a négligé l'éducation musicale dans l'enseignement général, on a refusé de lui accorder une certaine importance. Cela est vrai aussi en Allemagne, contrairement à ce que l'on croit. Il manque une génération, entre 25 et 40 ans, qui s'intéresserait en masse à la musique sérieuse (et je ne dis pas ici seulement la musique classique). On est en train de se réveiller en Europe, et je suis très heureux d'entendre qu'au Philharmonique ou au National, mais aussi à l'Orchestre de Paris, il y a maintenant des programmes éducatifs destinés à attirer le jeune public.

     

    La jeunesse, aussi bien les jeunes musiciens que le jeune public, est une question qui vous tient à coeur.

    Entre 1984 et 2000, malheureusement, les directeurs de Radio France ne voulaient pas entendre parler de jeune public, et je me suis battu en vain pour mettre en place un programme similaire. Je tiens ici à saluer le travail de Monsieur Cavada, car pour atteindre un tel but, il faut une volonté sérieuse, une organisation rigoureuse et une logistique solide. Il ne suffit pas de donner quelques informations sur telle ou telle partition. Le travail en cours actuellement est en tout cas un projet formidable, surtout pour une radio. A Monaco, nous faisons également énormément de choses en direction du jeune public, et cela n'existait pas avant mon arrivée.

     

    Vous avez eu des liens privilégiés avec l'Orchestre Français des Jeunes, qui vous doit énormément, de l'avis de ses responsables.

    J'ai assuré la direction musicale de l'Orchestre Français des Jeunes pendant six ans, et beaucoup de ses membres font maintenant partie d'orchestres excellents. Des musiciens de bien des générations, passés par l'OFJ, ont gardé des contacts personnels avec moi. Mais j'ai dû me résoudre à abandonner mes fonctions, tout simplement parce que les sessions de travail tombaient pendant mes vacances, et que j'avais réellement besoin de me reposer. Si l'on veut bien s'occuper de l'OFJ, il faut s'investir totalement et cela est épuisant : j'abordais la rentrée musicale à l'automne dans un vrai état d'épuisement. Je n'ai plus de contact avec l'institution, mais cela a été une expérience humaine très chaleureuse. Ce genre d'orchestre existe à un très haut niveau depuis trente ans en Angleterre ou en Allemagne, Jack Lang a brillamment réussi à rattraper ce retard grâce à l'OFJ. Il donne maintenant des concerts très compétitifs par rapport aux orchestres des autres pays, tout en ayant démarré dix ou quinze ans après.

     

    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la situation actuelle du Philharmonique de Monte-Carlo ?

    A Monaco, nous sommes un peu isolés géographiquement. J'y ai un emploi du temps très chargé, avec des responsabilités très lourdes. Je dois observer l'évolution de la situation, essayer de donner sa forme à cette évolution, et je suis heureux de constater qu'elle est très rapide. L'orchestre n'a jamais été inconnu du public, mais il avait une image un peu à l'ancienne. Nous avons changé les choses en peu de temps, notamment en invitant depuis deux ans beaucoup de chefs à venir le diriger. La réputation a naturellement grandi avec ces changements. En toute franchise, je suis convaincu que nous avons atteint la même qualité que le Philharmonique de Radio France durant les dernières années de ma direction. Nous faisons bien notre travail, mais il faut reconnaître que l'isolement géographique pose un problème.

     

    Comment réagit maintenant le public monégasque à vos efforts d'élargissement du répertoire ?

    Il y a des mélomanes qui manifestent un énorme intérêt à ce que nous faisons, mais il n'en faut pas moins se battre chaque instant. Sur la Côte d'Azur, si vous programmez Beethoven ou Tchaïkovski, vous aurez tout de suite du public, d'une grande mondanité, un peu superficiel aussi. Je continue à m'engager sur des chemins qui sont très importants pour l'orchestre, musique contemporaine incluse. L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a plus de musiciens maintenant, de plus en plus le public mélomane va dans un sens plus « intellectuel Â» : nous ne changerons pas d'un iota notre politique. Dans le domaine discographique, nous attendons encore un peu pour prendre notre décision et lancer ou pas notre propre label : la situation est difficile, il suffit de voir l'état des majors !

     

    Quels sont par ailleurs vos relations avec le Printemps des Arts ?

    Nous avons bien sûr des relations avec Marc Monnet, mon administration discute régulièrement avec lui. Parfois nous nous mettons d'accord, parfois pas, c'est une relation tout à fait normale, elle est même très bonne car nous sommes à l'écoute les uns des autres. C'est une bonne chose qu'il y ait un « professionnel de la musique Â» à la tête du Printemps des Arts, car cela nous donne des concerts vraiment intéressants.

     

    Le 12/10/2004
    Yutha TEP


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