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ENTRETIENS 25 avril 2024

Joshua Bell, un archet Made in USA
© Dana Tynan

Face à l'école russe, magistralement incarnée par Vengerov et Repin, Joshua Bell tient la corde. Avec honneur et prestige. Seul violoniste de la nouvelle génération américaine à occuper une place de choix sur l'échiquier international.
 

Le 30/03/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • Lorsque l'on demande à des mélomanes de donner spontanément les noms de quelques jeunes violonistes de carrure internationale, ceux de Vengerov et Repin reviennent de manière presque systématique, le vôtre est moins fréquemment cité. Est-ce à dire que votre carrière se veut plus discrète ?

    D'une certaine manière, je reconnais que mon activité est aujourd'hui encore plus américaine que proprement internationale. C'est une question de choix, mais aussi d'opportunités : désormais, je souhaite davantage me faire entendre en France, ce pays que j'aime, pour la culture qu'il véhicule, pour le symbole qu'il incarne partout dans le monde, cette fameuse "french touch", aussi indéfinissable que magique. Je me méfie cependant de la popularité, cette notion souvent dangereuse, dès lors qu'on la rend synonyme de qualité. C'est un piège dans lequel j'évite de tomber : à chacun sa personnalité, à chacun son talent, et il y a de la place pour tout artiste doté d'une personnalité sincère. M'opposer à Vengerov ou Repin, c'est d'emblée vouloir comparer l'incomparable, et je crois que les oppositions stylistiques peuvent enrichir la connaissance de la musique, à condition que l'on prenne soin de ne jamais les hiérarchiser. C'est le fruit d'une longue réflexion toute personnelle et peut-être d'une certaine maturité.

     
    Voilà à peine une décennie que vous êtes dans le circuit international, et déjà votre vision de ce que doit être la mission du musicien semble arrêtée !

    Peut-être, et cela peut surprendre de la part d'un violoniste de trente-deux ans. Si les fondements sont donc là, je ne me refuse pas à évoluer. Heureusement ! Je n'aime pas les choses figées, définitives. Je resterai, je l'espère, toujours exigeant sur la qualité de ce que j'offre au public.

     
    Cette exigence, vous la tenez sans doute un peu de Josef Gingold, qui fut votre maître à Bloomington. Quels étaient les principes de son enseignement ?

    Je crois, en effet, que Gingold m'a durablement influencé. Il m'a appris l'exigence envers moi-même, mais aussi et surtout il m'a inculqué l'idée toute simple que ce qui comptait, c'était l'amour de la musique, avant même de se pencher sur des questions relatives à la technique instrumentale. En quelques mots, l'enseignement de Gingold était : la technique au service de la musicalité, et jamais le contraire. Ce précepte semblerait presque anodin, si l'on ne voyait pas se développer de plus en plus des musiciens que la seule technicité passionne. Cet attachement à l'expression n'empêchait pas Gingold d'être pourvu d'une main gauche et d'un bras droit à toute épreuve. Pour cause, il avait été l'un des disciples d'Ysaye. Imaginez mon émotion face à une telle filiation !

     
    Votre amour pour les violonistes du passé est connu. Cela dit, difficile pour des oreilles même exercées de tirer des leçons des enregistrements laissés par Eugène Ysaye !

    Bien sûr, et si vous me demandez de vous livrer la liste des violonistes d'autrefois qui appartiennent à mon panthéon personnel, Ysaye n'apparaîtrait pas. Par contre, Heifetz et Kreisler sont des monstres sacrés, dont j'écoute et réécoute les enregistrements avec une curiosité toujours aussi vivace : Heifetz, c'est l'énergie, une force de la nature insoupçonnable ; Kreisler, c'est le charme, le parfum, la délicatesse, la couleur. Leur génie n'a jamais été égalé.

     
    Vous jouez aujourd'hui sur le Tom Taylor, un Stradivarius de 1732. Quelles sont les caractéristiques de cet instrument ?

    Ce violon appartient à la dernière période de Stradivari. Ses sonorités sont tendres, intimes, presque féminines, à l'image des grandes qualités que l'on retrouve d'ordinaire avec les violons fabriqués par Guarneri. Il correspond à ce que j'attends de mon violon : des " touches " qui ne soient jamais grasses, mais aux confins de la noirceur ; une élégance qui ne soit jamais malmenée ; une expressivité qui vienne de l'intérieur.

     
    Que pensez-vous des instruments dits d'époque ?

    Je n'éprouve aucun rejet à l'égard des instruments d'époque, et il m'est même arrivé d'en jouer, pour le plaisir. Je continue cependant à penser qu'ils ne sont qu'une curiosité : si cela peut simplifier la technique instrumentale, pourquoi pas, car il faut garder toujours l'oreille en alerte. Mais je suis convaincu que Bach sonnera toujours mieux sur un Stradivarius. Après tout, Stradivari est né plus de quatre décennies avant Bach. Que certains évitent d'afficher de pseudo critères d'authenticité. Ce serait une bonne chose. En musique, la vérité a-t-elle d'ailleurs vraiment un sens ?

     
    Ce mois-ci sortent en France chez Sony deux disques que vous avez réalisés sous la baguette de Roger Norrington et Esa-Pekka Salonen. Au programme : une oeuvre rarement enregistrée - le concerto de Goldmark - et une première discographique - le concerto de Nicholas Maw. Est-ce une manière pour vous d'assumer la diversité de vos centres d'intérêt en matière de répertoire ?

    Après avoir enregistré les traditionnels concertos de Tchaikovsky, Mendelssohn, Bruch et Prokofiev, il me semblait normal de m'intéresser à de nouvelles partitions. Le concerto de Goldmark ne méritait pas l'oubli dans lequel il est tombé. C'est pourtant une oeuvre qui fait appel à toutes les capacités expressives du violon, en les mettant en valeur d'une manière subtile, intelligente, grâce à ces alternances de moments dramatiques et mélancoliques. En ce qui concerne le concerto de Nicholas Maw, il est pour moi un bel exemple de ce qu'un créateur peut aujourd'hui écrire pour le violon.

     
    Ce concerto de Maw est empli d'accents néoclassiques.

    Maw est resté fidèle à la tonalité, mais je ne crois pas qu'on puisse pour autant faire entrer son concerto dans la catégorie des oeuvres d'inspiration néoclassique. Je dirais plutôt que cette partition s'inscrit dans l'esprit d'un Britten, avec une continuité du discours très britannique, sans ruptures intempestives ni atrophie du langage.

     
    Des projets pour les prochains mois, voire les années à venir ?

    Je ne vous parlerai que de ceux qui me tiennent particulièrement à coeur. Parmi ceux-là se trouvent un disque Beethoven/Mendelssohn avec Norrington et un projet Bernstein, avec des arrangements de West Side Story. Voilà de quoi alimenter ma curiosité pendant un certain temps au moins.

     

    Le 30/03/2000
    Propos recueillis par Stéphane HAIK


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