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ENTRETIENS 28 mars 2024

Angela Denoke, l'amour des héroïnes complexes
© Ruth Walz / Festival de Salzbourg

Elle fut une bouleversante Marie dans Wozzeck sur la scène de l'Opéra Bastille où elle reprend le rôle de Katia Kabanova dans la production de Salzbourg 1998 signée Christoph Marthaler. Une grande nature sous les traits d'une jeune femme toute simple.
 

Le 02/11/2004
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • La musique a-t-elle toujours Ă©tĂ© importante dans votre vie ?

    Tout a commencé pour moi par le piano, vers l'âge de cinq ans. Et puis mon professeur de musique a décidé que je devais chanter et m'a donné quelques leçons. Cela m'a conduit à entrer dans la chorale de l'église. J'ai alors décidé de faire des études de musique pour devenir professeur à mon tour. J'ai continué à prendre des leçons de chant, songeant à devenir, peut-être, chanteuse. Peu à peu, cela s'est concrétisé. La radio, d'abord, et quelques concerts et puis j'ai été prise au jeu, même si au départ, l'idée de devoir chanter tous les jours me paraissait presque aussi routinier qu'une carrière de bureaucrate !

     

    Qu'est-ce qui a achevé de vous séduire ? Vivre en faisant de la musique ou jouer des personnages dramatiques sur une scène ?

    J'ai toujours adoré la musique. Bach était une de mes passions et l'est resté. On ne me demande hélas plus jamais d'en chanter. Pourtant, j‘adorerais toujours le faire. Dans l'opéra, le jeu théâtral m'intéresse énormément, mais je chante plutôt des ouvrages qui sont musicalement très riches : Richard Strauss, Tchaïkovski, Berg, certains Wagner, Korngold, ou encore Fidelio de Beethoven ou la Damnation de Faust de Berlioz. De manière générale, je n'aime pas les héroïnes légères. Chez Wagner, par exemple, j'aime Kundry ou Sieglinde, mais nettement moins Eva. Je ne suis pas à l'aise dans les rôles de femmes qui papillonnent !

     

    Vous n'avez qu'une petite dizaine d'années de carrière derrière vous, avec seulement des premiers rôles, et donc un avenir long et riche. Pensez-vous que la voix évolue toujours et que vous allez vous diriger vers des emplois encore plus lourds ?

    Il faut travailler toujours et toujours, et je pense que la voix change nécessairement avec le travail. Il faut sans cesse se remettre en question. Les rôles s'enchaînent et une partition nouvelle vous prépare à la suivante que vous n'auriez peut-être pas pu chanter avant. Ma voix est assez grande et correspond en ce moment sans problèmes à un certain type de rôles, et je choisis ceux dont j'aime la musique. C'est toujours la musique qui prime, mais, encore une fois, cela implique des frustrations. Bach, bien sûr, mais aussi des rôles comme Lulu que j'adorerais chanter mais que je ne pourrai jamais aborder. Ce n'est pas du tout pour ma voix et ne le sera jamais. Et pourtant, ce serait passionnant à jouer.

     

    Qu'y a-t-il de plus difficile pour vous dans le travail ? La voix ou le rĂ´le ?

    Cela dépend des rôles. Katia, par exemple, m'a donné du mal à mémoriser musicalement car la musique est souvent presque pareille, avec de toutes petites différences. Il faut notamment bien repérer quand il ne faut pas chanter !

     

    Quelle sorte de femme Katia Kabanova est-elle pour vous ? Une victime ou simplement une femme libre ?

    Elle cherche a vivre ce qu'elle veut vivre, mais elle rĂŞve aussi beaucoup. Je pense que dans sa derrière scène avec Boris, elle rĂŞve plus qu'elle ne vit cette scène dans la rĂ©alitĂ©. MĂŞme quand elle envisage son suicide, elle n'est pas vraiment dans la vie rĂ©elle. Ce n'est pas facile pour moi de l'interprĂ©ter ainsi car c'est un peu contraire Ă  ma nature, mais je crois que la vĂ©ritĂ© du personnage est lĂ . Cela dit, d'autres interprètes peuvent avoir une approche totalement diffĂ©rente. La musique aide beaucoup car elle souligne toujours le cĂ´tĂ© dramatique de l'action. Elle pousse Ă  s'exprimer pleinement, Ă  libĂ©rer l'Ă©motion et elle colle toujours Ă  l'action, contrairement Ă  celle de Wagner qui commente et extrapole beaucoup plus. Janaček est en cela Ă  la fois un hĂ©ritier et un prĂ©curseur, marquĂ© par le XIXe siècle mais dĂ©jĂ  bien avancĂ© dans le XXe.

     

    On voit aujourd'hui beaucoup de mises en scène d'opéra très provocatrices. Etes-vous prête à tenter toutes les expériences ?

    C'est une grande question ! A priori, je suis ouverte à tout. Il est toujours intéressant que quelqu'un vous ouvre les yeux sur une approche de l'oeuvre à laquelle vous n'auriez jamais songé vous–même. Cependant, il faut que je comprenne ce que le metteur en scène veut dire, ce qu'il veut représenter. Pour faire passer son message au public, je dois d'abord l'avoir bien compris, sinon le public non plus n'y comprendra rien. De toute manière, je déteste les productions qui cherchent seulement à choquer, sans vrai travail en profondeur. Si ce travail existe, le public le sent et il aime le spectacle, même différent, même très surprenant. J'ai fait le Wozzeck de Hambourg dans une production qui ne ressemblait à aucune autre, mais qui était vraiment pensée en profondeur et le public a adoré. Nous étions tous en tenue de soirée, chose très étrange pour Wozzeck, mais cela fonctionnait si intelligemment que tout le monde a aimé, le public comme les chanteurs.

     

    Si l'on vous donnait à choisir deux opéras à chanter, lesquels choisiriez-vous ?

    J'ai eu la chance de chanter jusqu'à présent tout ce que j'avais envie de chanter. Je reprendrais sans doute les mêmes ! Pourtant, c'est vrai, je rêve quelquefois de chanter Isolde, mais je ne sais pas si je pourrai le faire un jour. C'est de l'ordre du possible, sans certitude. Mais c'est un beau rêve !

     

    Le 02/11/2004
    GĂ©rard MANNONI


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