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ENTRETIENS 29 mars 2024

Toby Spence, chanteur polyglotte

Toby Spence fait partie des piliers de l'Opéra de Paris, prenant part ces dernières saisons à un nombre impressionnant de productions. Haendel (après Alcina, il chante dans Hercules), Britten, Wagner (superbe David des Maîtres Chanteurs) et bientôt Janacek, tout semble tomber à point nommé dans un gosier extrêmement bien préparé. Rencontre.
 

Le 05/01/2005
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • Quelques mots sur Hercules, pour commencer
    C'est une production que vous connaissez bien.


    J'avais déjà pris part à la production de Luc Bondy cet été, au Festival Aix-en-Provence, c'est un homme de scène véritablement génial : avec lui, on voit des vrais personnages, on comprend ce qu'ils veulent atteindre. Hercules, en outre, est une oeuvre particulière, notamment grâce à un livret magnifique, comportant des mots très poétiques, et une intrigue tout à fait inhabituelle, qui en fait une sorte de modèle dans l'histoire de l'opéra. Il n'y a pas de personnage réellement central, si ce n'est peut-être le destin, qui régit tout : dès le départ, tout repose sur un malentendu, Déjanire est victime d'une tromperie, sa folie n'en est que la conséquence. Haendel a eu l'intelligence de répondre à ce texte par une musique dont la portée est bien plus grande que celle des mots. De par tous ces éléments, Hercules ne ressemble à aucune autre oeuvre de Haendel, sauf peut-être Deborah.

     

    Vous êtes bien placé pour en juger, puisque vous avez à peu près tout chanté dans Haendel ! La France accorde beaucoup d'importance à ce compositeur.

    Effectivement, j'ai chanté beaucoup de Haendel. Il me semble que la France et l'Angleterre ont une vision nettement différente de sa musique. Par exemple, l'Angleterre a une préférence pour les oeuvres que Haendel considérait lui-même comme ses plus commerciales. La France favorise de son côté les partitions plus théâtrales, mais ce n'est pas une surprise : en France, un Marc Minkowski – avec lui, j'ai fait par exemple Ariodante – ou un William Christie avec qui j'ai travaillé pour Alcina, possèdent un sens théâtral exceptionnel, et leur orchestre reflète parfaitement cette qualité. Il en va de même pour les voix : l'Angleterre fait moins appel à ce qu'on pourrait appeler les « grandes voix Â», les directeurs y adoptent une approche peut-être plus « pure Â» de cet aspect. Chez nous, Emma Kirkby reste le modèle de chant baroque pour beaucoup – pour de nombreux chefs en particulier.

     

    En parlant de chefs, vous en avez rencontré beaucoup et dans de nombreux répertoires. Avez-vous eu des moments difficiles avec certains d'entre eux ?

    Je n'ai jamais eu de problème particulier avec les chefs, même ceux réputés pour être difficiles. Je pense qu'il faut les comprendre : un chanteur n'a pas la même responsabilité qu'un chef, il doit trouver les moyens d'obtenir ce que ce dernier lui demande. Le chef est en dernier ressort entièrement responsable du résultat global, et je peux comprendre qu'il soit extrêmement frustré lorsque ce résultat n'est pas là.

     

    Mais votre cas n'est peut-être pas un bon exemple : peut-on considérer que cela vient de votre très bonne préparation générale, qui vous permet aussi d'aborder toutes sortes de musiques ?

    Je pense honnêtement que mon bagage musical relativement complet – que je dois en grande partie à ma mère pianiste – me permet de m'adapter très rapidement. Je suis passé naturellement par la formation typique d'Oxford ou de Cambridge, grâce à laquelle j'ai abordé la vie professionnelle avec des défenses plus solides, ce qui est très utile dans les mauvaises situations. Mais en général, je dois dire qu'on rencontre très peu de chanteurs qui soient vraiment démunis sur ce plan, et de toute façon, plus on progresse, plus il devient évident que l'intelligence reste la qualité essentielle.

     

    Vous ne paraissez pas désireux de vous spécialiser. Pourtant, en France notamment, bien des mélomanes associent votre nom au baroque.

    J'ai envie de tout chanter, j'aime toutes les musiques ! C'est tellement triste de se cantonner à un unique répertoire. Je pense sincèrement que tout réside dans le style et la confiance en soi : avec ces deux éléments, on peut tout aborder, de la musique médiévale à la musique contemporaine. Je ne suis pas un chanteur spécialiste de musique ancienne, même si j'ai fait mes débuts dans ce répertoire. En France, j'ai notamment fait la Passion selon Saint Matthieu de Bach avec Frans Brüggen il y a maintenant dix ans. J'étais encore très jeune, très inexpérimenté en vérité. De par sa nature, je pense même que ma voix ne me destinait pas vraiment à la musique ancienne. Cette dernière demande un grand contrôle vocal et selon moi, on ne peut acquérir ce contrôle que si l'on a stabilisé sa technique par la fréquentation d'un répertoire plus classique ! Si l'on veut chanter la musique ancienne, on a absolument besoin de confiance vocale. Prenons Bach, par exemple : comme je l'ai dit, je pense que j'étais trop jeune quand j'ai fait la Saint Matthieu. Actuellement, je pense qu'il n'est pas pour moi, tout simplement parce que je ne me sens pas assez en confiance. Quand on pense qu'il faisait appel à des étudiants pour chanter une musique aussi difficile, on reste rêveur ! Pour ma part, j'ai un besoin physique de projeter ma voix, de me laisser aller au lyrisme et au sens de la ligne. En conséquence, j'ai besoin de chanter régulièrement Mozart ou Rossini, qui sont un baume pour la voix, au même titre que Haendel, certes. Je vais par exemple chanter le Barbier de Séville à Covent Garden – qui sont un baume pour la voix (mais Haendel aussi).

     

    Et le disque ?

    Je ne suis pas pour l'instant très amateur d'enregistrement discographique en récital, je n'aime pas la pression et j'ai besoin d'en retirer un certain plaisir. J'ai cependant en février 2005 un disque Britten prévu.

     

    Le 05/01/2005
    Yutha TEP


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