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ENTRETIENS 29 mars 2024

Entretiens croisés : Pelléas et Mélisande par Hanna Schaer et Laurent Naouri

Dans le cadre du cycle " Debussy 2000 " organisé par Radio France, Pelléas et Mélisande présenté par l'Orchestre national de France et Bernard Haitink a fait figure d'événement, au Théâtre des Champs-Élysées, les 14 et 16 mars. Hanna Schaer (Geneviève) et Laurent Naouri (Golaud) donnent leur point de vue sur l'ouvrage. En 5 points.
 

Le 15/03/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • En quoi PellĂ©as et MĂ©lisande est-il, selon vous, un ouvrage-clĂ© du XXe siècle ?

    Hanna Schaer : Je pense que le génie de Debussy tient surtout à sa richesse harmonique. L'histoire de cet opéra est somme toute banale, mais la musique réussit à la transcender d'une manière unique.
    Laurent Naouri : L'usage du terme ouvrage-clé est problématique, car une clé serait supposée " ouvrir " une descendance possible dans le temps. En l'absence d'un lignage opératique et de points d'ancrage avérés, Pelléas et Mélisande serait une sorte d'OVNI. D'un point de vue rythmique, c'est d'ailleurs le premier ouvrage sans une assise rythmique réelle, qui permettrait de donner des repères au plateau et à la fosse, de pallier les éventuelles défaillances vocales ou scéniques des chanteurs. Une question reste, selon moi, sans réponses entièrement satisfaisantes : s'il s'agit d'une clé, celle-ci ouvre-t-elle le XXe siècle ou ferme-t-elle le XIXe siècle ?

     
    Quelle (s) nouveauté (s) Pelléas et Mélisande apporte-t-il au langage musical ?

    HS : Le XXe siècle ne manque pas de partitions au langage novateur, comme Wozzeck, Lulu ou Ariane ou Barbe-Bleue. En amont de ces ouvrages, Debussy a mis en lumière avant tout le monde la richesse harmonique que l'on pouvait tirer des parallèles de quintes ou d'octaves, un " jeu " auquel on ne se risquait pas en ce temps-là.
    LN : Outre l'innovation rythmique évidente, ce que Pelléas semble apporter au langage musical, c'est cette richesse de coloration, qui rend difficile l'équilibre entre les chanteurs et l'orchestre. L'auditeur et le musicien sont constamment sollicités par une sensualité harmonique, emplie d'impressions fugaces. C'est sans doute là le génie de Debussy, que de happer le public et les interprètes vers un univers inconnu, insaisissable, parce qu'en constante mutation.

     
    Comment définiriez-vous le traitement de la voix opéré par Debussy ?

    HS : Peut-on vraiment parler de traitement de la voix ? Debussy a pensé la voix dans une alternance avec le parlé, que l'on ne peut pas pour autant considérer comme du "sprechgesang" (parlé-chanté). C'est cet alliage subtil qui a d'ailleurs choqué certains contemporains du compositeur. J'ai trouvé dans une édition du Larousse de cette époque des commentaires particulièrement sévères.
    LN : Chez Debussy, l'idéal serait d'oublier que les gens chantent : le traitement vocal tend à faire oublier le chant en tant que tel, pour mieux faire ressortir la sève de l'expression. Tout doit avoir l'air d'avoir été inventé dans l'instant. Une approche révolutionnaire en opposition avec une tradition lyrique, fidèle à la performance quasi sportive du chanteur. Debussy abandonne ouvertement cette codification.

     
    Quelles sont la place et l'importance de vos rĂ´les respectifs ?

    HS : Le rôle de Geneviève est passionnant, surtout au moment de la scène de la lettre, où elle tente de se rapprocher un peu de son père. C'est un personnage émouvant, fragile, résigné, important par ses subtilités et ses demi-teintes.
    LN : L'abandon de la codification entraîne de facto un rejet très clair des principes hiérarchiques qui présidaient jusqu'alors à une certaine coutume lyrique : Golaud n'est pas plus et pas moins important que Pelléas ou Mélisande. En fait, le silence et l'incompréhension occupent les rôles principaux, autour desquels gravitent tous les personnages, avec leurs espoirs et leurs tourments.

     


    Repères Discographiques

    Hanna Schaer :
    Le Miroir de JĂ©sus de Caplet - Solistes de l'Orchestre national de
    Lyon, Bernard TĂ©tu - Accord (distr. Universal)

    Laurent Naouri :
    Phaeton de Lully - avec les Musiciens du Louvre, dir. Marc Minkowski - Erato (distr. Warner)
    Hippolyte et Aricie avec les Musiciens du Louvre, dir. Marc Minkowski - Erato (distr. Warner)

     

    Le 15/03/2000
    Propos recueillis par Stéphane HAIK


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