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ENTRETIENS 11 mai 2024

Le passé retrouvé (16) :
Daniel Barenboïm

© D.R.

Jeune chef surtout connu pour sa présence à la tête de l'English Chamber Orchestra et ses dons incroyables de pianiste, Daniel Barenboïm vient de prendre la succession de Herbert von Karajan et Georg Solti à la direction de l'Orchestre de Paris. Premières impressions et premiers projets.
(Entretien réalisé le 5 juin 1975 pour le Quotidien de Paris).

 

Le 22/08/2005
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Quelle différence y a-t-il entre la direction artistique d'une ensemble comme l'English Chamber Orchestra et celle d'un grand orchestre symphonique comme l'Orchestre de Paris ?

    Les problèmes d'un orchestre de chambre sont très différents. Avec un orchestre symphonique, on doit d'abord donner au public la possibilité d'entendre les chefs-d'oeuvre de la musique classique et romantique joués au plus haut niveau possible et de prendre connaissance des créations contemporaines majeures. On doit aussi lui permettre d'avoir une salle de concert où il vient pour oublier les soucis de la vie quotidienne et pourquoi pas pour s'amuser. Cela tient du musée, du laboratoire et de l'école.

     

    C'est votre première expérience à un poste comme celui-ci. Quel rôle pensez-vous pouvoir y jouer ?

    Etre directeur musical d'un orchestre n'a rien à voir avec diriger comme chef invité. Un chef invité cherche à obtenir le meilleur résultat dans les conditions qu'on lui octroie. Çela dépend de la qualité de l'orchestre, du rapport qu'il parvient à établir avec lui dans le temps imparti. Un directeur musical a la responsabilité de maintenir l'orchestre à un niveau de qualité, de lui donner une cohésion, un style de base, une homogénéité, de créer une interdépendance. Il faut pour cela qu'il assure lui-même une grande partie de la saison, avec des répétitions de détail, tout ce qu'un chef invité ne peut pas faire, parce qu'il n'en a ni le temps ni l'autorité.

     

    Comment envisagez-vous d'aborder les problèmes que posent en général les orchestres français : problèmes de dispersion et de manque de continuité dans le travail ?

    En ce qui concerne l'Orchestre de Paris, je pense que jusqu'à présent, ce sont les circonstances qui ont empêché une vraie continuité dans son évolution artistique. Il a eu des directeurs magnifiques, de la plus haute qualité, mais ils n'étaient pas vraiment sur place. Il y a eu des concerts somptueux dirigés par Karajan ou par Solti, mais ils n'étaient pas de vrais directeurs musicaux. Je compte personnellement être très présent tout au long de la saison.

     

    Y a-t-il selon vous une spécificité des instrumentistes français ?

    Je connais seulement l'Orchestre de Paris. Je ne peux parler que de cette expérience. J'y ai toujours trouvé un très haut niveau technique et musical, une bonne volonté toujours présente. Bien sûr, ils ont le caractère latin avec ses avantages et ses inconvénients.

     

    Vous envisagez d'effectuer tout un travail de musique de chambre avec les instrumentistes de l'orchestre. Est-ce une expérience ou un projet à long terme ?

    Je voudrais voir comment ça marche, ce que ça nous apporte musicalement, financièrement, à tous égards. Jouer de la musique de chambre ne peut qu'être bénéfique pour des musiciens d'orchestre, à condition que cela se passe sans perturber les activités principales de la formation symphonique.

     

    On reproche souvent aux musiciens français d'être individualistes. Ne craignez-vous pas que pratiquer de la musique de chambre de façon régulière ne renforce ce trait de caractère ?

    Pas du tout, car c'est dans la musique de chambre qu'il faut le plus partager, être capable de donner et de recevoir. D'ailleurs, je trouve bien mieux d'avoir des gens trop individualistes dans un orchestre que de se trouver face à une formation sans personnalité. L'esprit de communauté peut toujours se créer, s'améliorer, mais la personnalité est naturelle et ne peut pas s'acquérir.

     

    Dans votre première programmation, s'il y a une proportion normale de compositeurs français, il y a en revanche peu de jeunes solistes français. Pourquoi ?

    C'est un peu dû aux circonstances et au fait que je ne connaisse pas tout le monde. J'ai fait d'abord appel aux solistes avec lesquels j'ai déjà eu des expériences professionnelles, mais il y a beaucoup de jeunes français qui viendront certainement dans les saisons prochaines.

     

    Comment envisagez-vous dans le futur la cohabitation à Paris avec Pierre Boulez ?

    J'ai beaucoup d'admiration pour lui et c'est pourquoi je l'ai tout de suite invité à diriger un programme dès la première saison, puis j'espère deux la saison suivante. Il est le doyen des grands chefs français et l'IRCAM est une institution qui n'est nullement en concurrence avec l'Orchestre de Paris. C'est un laboratoire de recherche, et nous serons amenés à réaliser des projets ensemble quand nos intérêts seront communs. Je suis tout simplement ravi qu'il y ait à Paris quelqu'un comme Boulez qui puisse venir de temps à autre diriger comme chef invité. Son retour en France est une grande chance. Il ne revient pas diriger l'Orchestre de Paris par choix politique, mais simplement parce que c'est un chef de renommée internationale et c'est tout ce qui m'intéresse. Il a parfois tenu des propos un peu violents sur l'orchestre, mais en fin de compte, ce qui est important avec lui, c'est ce qu'il fait quand il dirige, plus que ce qu'il dit quand on le fait parler. Je ne dis pas cela par manque de respect pour lui, mais c'est avant tout un musicien dont le langage est la musique. Quand il dirige, je trouve que c'est un grand chef. Quand il s'exprime autrement, je dois dire que cela m'intéresse beaucoup moins. Ce sont des discours politiques qui n'ont pas à interférer avec la musique. Quand j'invite des gens à l'orchestre, mon seul critère est la qualité.

     

    L'Orchestre de Paris a relativement moins tourné ces dernières années que les autres grands orchestres français. Allez-vous remédier à cela ?

    En 1975, nous allons à Londres, à Edimbourg et nous faisons aussi une grande tournée en Allemagne et en Amérique. J'aimerais aussi pouvoir tourner en France. L'aspect de diffusion nationale est aussi pour moi très important. Je ne sais pas encore très bien comment procéder, mais j'espère bien y parvenir. Les tournées à l'étranger sont très importantes, aussi importantes que le problème du répertoire. Il faut démontrer que cet orchestre peut jouer Debussy, Fauré et Ravel, mais aussi Bruckner et Mahler. Le choix du répertoire et son étendue sont vraiment de la responsabilité du directeur musical. Si vous regardez le programme de la première année, il est conçu en fonction de la totalité de l'histoire de cet orchestre jusqu'à aujourd'hui.

     

    Au stade où vous en êtes de votre carrière, comment parvenez-vous à trouver un équilibre entre vos différentes activités de chef symphonique, lyrique et de pianiste ?

    J'ai trouvé un certain équilibre qui me convient pour le moment. L'opéra, il faut vraiment des conditions idéales. Deux ou trois répétitions, ça ne m'intéresse pas du tout. Au Festival d'Edimbourg, nous avons beaucoup de temps pour les répétitions et on travaille d'une manière idéale. Je n'ai pas envie de faire de l'opéra de façon superficielle. Pour le piano, certaines années sont plus ou moins faciles. Cette année, je joue les concertos de Mozart à Paris et à Londres. J'en ferai un peu moins l'an prochain, mais pour moi, c'est assez équilibré. Je fais aussi une tournée de récitals en Amérique et j'en donnerai un à Paris en janvier.

     

    La vie musicale française et parisienne vous parait-elle saine et équilibrée ?

    Il y a des possibilités fantastiques à Paris qui peut devenir un centre musical de premier ordre. Je suis prêt à faire tout mon possible pour y contribuer, mais il faut parvenir à une certaine flexibilité et à un mélange de chauvinisme et d'intérêt pour ce qui se passe à l'étranger. C'est cela qui fait un vrai centre musical international. On a tout ce qu'il faut à Paris pour arriver à ce résultat.

     

    Le 22/08/2005
    Gérard MANNONI


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