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ENTRETIENS 20 avril 2024

Olga Guryakova, dans la fraîcheur de l'onde
© IMG

Avouons le désormais, ce n'est rien que pour ce timbre charnel, cette silhouette svelte, que nous nous sommes précipités à la reprise monumentale de la Guerre et la Paix à Bastille en mars dernier, encore émus du renoncement aristocratique de la plus rayonnante Tatiana qu'un Onéguine ait connu. Succédant à Renée Fleming, la Rusalka d'Olga Guryakova devrait bouleverser l'onde.
 

Le 16/09/2005
Propos recueillis par Mehdi MAHDAVI
 



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  • Cette première Rusalka marque-t-elle une étape importante dans votre carrière ?

    Il s'agit de mon premier rôle tchèque, et ce ne sera certainement pas le dernier : j'aimerais chanter du Janáček, Jenůfa par exemple. Je découvre la beauté de cette musique, et surtout de cette langue qui, bien que slave, est très différente du russe, d'autant que j'ai la chance de travailler pour la première fois avec un maestro tchèque qui a ces lignes mélodiques dans le sang. Rusalka est aussi ma première héroïne de conte de fée, et j'en suis très émue.

     

    Comment le rôle de l'ondine s'est-il imposé à vous ?

    Je n'avais jamais pensé à ce rôle. Quand on me l'a proposé, je ne connaissais que l'invocation à la lune et le conte d'Andersen, car l'opéra n'est jamais monté en Russie – nous avons une Roussalka, composée par Dargomuijski, mais l'histoire est très différente. Comme Renée Fleming le chante et que nos répertoires sont assez similaires, j'ai pensé qu'il m'irait bien. Je suis si heureuse d'avoir accepté ; la musique et l'histoire sont si belles.

     

    N'appréhendez-vous pas de succéder à la soprano américaine dans un rôle qu'elle a marqué aussi bien à la scène qu'au disque, et dans une production créée pour elle ?

    J'ai vu cette production en DVD, avec une très belle distribution, mais je dois l'oublier pour y donner le maximum au public, avec ma voix, mes sentiments, car cet opéra est l'histoire d'une âme, qui finit par révéler l'intensité de son humanité. L'amour que Rusalka éprouve pour le prince est profondément religieux : elle est prête à se sacrifier pour son bonheur. Robert Carsen a une approche très sexualisée du conte, mais j'essaie d'y intégrer cet aspect qui compte beaucoup pour moi. L'histoire est aussi très romantique. Ces différentes facettes permettent de conserver le caractère insaisissable et mystérieux de Rusalka.

     

    Comment conciliez-vous la vision psychanalytique de Robert Carsen avec la féerie du conte ?

    J'aime beaucoup les productions modernes. Je ne pourrais imaginer une forêt sur scène, ni quoi faire avec une queue de poisson ! Cela pourrait être très beau au cinéma, mais l'opéra doit se nourrir de symboles. Je préfère imaginer la situation psychologique, et créer cette histoire d'amour dans la tête de Rusalka, comme l'histoire entre le prince et la princesse étrangère. Je peux plus facilement m'identifier au personnage.

     

    La principale difficulté du rôle n'est-elle pas son mutisme forcé durant près d'un acte ?

    Je suis en effet muette pendant un long moment, et la grande difficulté est de recommencer à chanter, d'autant que le duo du deuxième acte est très lyrique, avec un orchestre aussi ample que dans Puccini. Lorsque je suis muette, je suis toujours sur scène, avec beaucoup d'actions. Être sur scène sans pouvoir chanter est extrêmement étrange. Cela crée une sorte d'angoisse : on se demande si l'on va pouvoir chanter à nouveau ! Mais cela me passionne, car avant de décider d'être chanteuse, j'avais toujours rêvé d'être actrice.

     

    Quand avez-vous finalement décidé de devenir chanteuse ?

    En réalité, je rêvais de faire des comédies musicales. Mais l'année où je suis arrivée à Moscou, l'université spécialisée ne pouvait pas m'accueillir. En Sibérie, je me sentais quand même prête à venir à Moscou et tenter quelque chose. Durant quatre mois, mon premier professeur de chant, Mme Plotnikova, un ange, m'a préparée, travaillant nuit et jour. Je ne pensais pas encore à l'opéra. Puis elle m'a fait écouter Callas, Tebaldi, et j'ai eu une révélation. Je me suis présentée au conservatoire de Moscou en chantant des mélodies et des romances russes, et j'ai été admise. Aujourd'hui, je ne pourrais m'imaginer faire autre chose que de l'opéra !

     

    Dans quels rôles avez-vous débuté ?

    Dès ma quatrième année au conservatoire, j'ai été engagée comme soliste au Théâtre Stanislavski, où j'ai débuté en Tatiana. Puis j'ai abordé la Bohème, Ernani, Otello, beaucoup de répertoire italien, et même français : Marguerite de Faust, et Thaïs – mais en russe, dans une production de Pokrovsky, un vieux maître. En même temps, je poursuivais mon cycle de perfectionnement. En 1997, le Festival du Ludwigsburg m'a invitée pour chanter le premier soprano de la Messe en ut mineur de Mozart, qui n'est normalement pas pour ma voix, et Medora dans Il Corsaro de Verdi. J'y suis retournée chaque année pour un rôle verdien : Trovatore, Ernani, Stiffelio, mais toujours en concert. Puis j'ai chanté Nedda et Mimi au théâtre de Graz, avant de débuter à la Staatsoper de Vienne.

     

    Paradoxalement, le répertoire italien domine votre carrière, alors que le public parisien vous a identifiée à Tatiana, et plus encore Natacha.

    Il est vrai qu'à l'Opéra Bastille, je n'ai chanté que le répertoire russe. J'adore ces rôles, mais je trouve ennuyeux de ne chanter qu'un répertoire. Je crois qu'il faut être plus universel, pour une meilleure santé vocale.

     

    Quels rôles rêvez-vous d'aborder ?

    Je rêve de chanter Tosca, mais je ne sais pas encore quand. Je vais bientôt faire mes débuts dans une production scénique du Trovatore à Houston, et dans Simon Boccanegra. J'aimerais aussi chanter Manon, mais on me propose plutôt Manon Lescaut.

     

    Ne vous arrive-il pas d'éprouver une certaine lassitude à l'égard de ces histoires d'amour qui finissent toujours mal ?

    C'est la vie ! A chaque fois que ma grand-mère vient m'écouter, elle me demande pourquoi je dois toujours mourir à la fin. Mais pour les artistes comme pour le public, ces dénouements tragiques ont un effet cathartique, comme si l'on recevait l'absolution, on se sent plus léger, plein d'une énergie nouvelle !

     

    Le 16/09/2005
    Mehdi MAHDAVI


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