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ENTRETIENS 29 mars 2024

Paul Agnew, ténor XVIIIe

Découvert par William Christie, le ténor Paul Agnew s'est rapidement imposé comme le plus incontournable titulaire des rôles de haute-contre à la française. Entre deux croassements de l'hilarante Platée, enfin de retour au Palais Garnier, le Britannique n'en prêtera pas moins sa voix aux amours mozartiennes à la Cité de la musique.
 

Le 14/04/2006
Propos recueillis par Mehdi MAHDAVI
 



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  • Depuis la dernière reprise de PlatĂ©e, vous avez chantĂ© le rĂ´le d'Abaris dans trois productions des BorĂ©ades. Ces expĂ©riences ont-elle modifiĂ© votre approche du rĂ´le de la nymphe, et plus gĂ©nĂ©ralement de Rameau ?

    Le chef a une énorme influence sur ce que nous faisons. On ne peut trouver personnalités plus différentes que William Christie, Marc Minkowski et Emmanuelle Haïm, qui ont chacune leur propre vision du rôle d'Abaris. J'ai pu dire ce que j'en pensais jusqu'à un certain point, mais il s'agissait de leur spectacle, et de leur responsabilité musicale. Nous reprenons Platée avec une équipe sensiblement identique, et je n'ai chanté le rôle que sous la direction de Marc Minkowski, mais nous avons tous évolué ces trois dernières années, et le travail n'en sera que plus fascinant. L'un des plus grands plaisirs de ce métier est en effet de nous permettre de nous renouveler. Même lorsqu'elle est gravée sur CD ou DVD, une interprétation n'est jamais fixée – il s'agit d'ailleurs la plupart du temps d'une sélection de plusieurs soirées, donc d'interprétations légèrement différentes. Nous allons donc certainement faire des choses différentes, parce que nous sommes des artistes différents, enrichis par de nouvelles expériences.

     

    L'écriture de Platée est-elle comparable à celle des Boréades ou d'Hippolyte et Aricie ?

    Fondamentalement oui, mais il n'y pas de lignes à soutenir dans le rôle de Platée, car tout y est extrêmement haché. La vocalité d'Abaris est beaucoup plus pure. On joue davantage Platée qu'on ne la chante : le rôle est extrêmement exigeant sur le plan vocal, mais privilégie l'expression et la couleur.

     

    Vous allez participer à un concert Mozart entre deux représentations de Platée. Ce sont des styles et des vocalités extrêmement éloignées.

    Il m'est très difficile d'imaginer que je vais chanter Platée la veille de ce programme Mozart. Il faut que je retravaille ma voix, que je la remette dans un moule différent, mais nous faisons cela en permanence, avec tous les répertoires. Il faut repenser le style, et par-là même l'intensité du vibrato, la densité du son, l'approche des aigus. Rameau est aussi différent de Mozart que Schubert de Fauré. Et même si Mozart était né quand Rameau a composé les Boréades, celui-ci continuait à écrire dans un style déjà ancien.

     

    Comment évolue la vocalité mozartienne, du Roi pasteur, que vous venez d'interpréter avec les Folies Françoises, à la Flûte enchantée, dont vous allez chanter un air lors de ce concert ?

    Mozart avait dix-neuf ans lorsqu'il a écrit le Roi pasteur, et l'on sent une grande influence de l'esthétique baroque. Il y a énormément de vocalises, même sur des mots comme le calme ou la paix. Il va dans le sens de la tradition, et des goûts du public. Le Roi pasteur est une série d'airs, et chaque personnage en chante deux, à l'exception d'Alessandro qui en a trois, très bien écrits, mais assez peu contrastés. Dans les oeuvres plus tardives, on sent une grande compréhension du moment dramatique, et des émotions beaucoup plus profondes. Ce n'est plus un ténor qui chante un air de ténor, mais bel et bien Tamino. On ne peut évidemment rendre compte du contexte dans un récital, mais l'écriture est beaucoup plus soignée, et pas seulement attrayante ou spectaculaire.

     

    Mozart écrit-il différemment suivant les langues ?

    Il m'est difficile de le dire, car je ne parle couramment ni l'italien ni l'allemand. À mon sens, son écriture varie plutôt en fonction du contexte. Les airs de Ferrando dans Così fan tutte s'apparentent à l'opera seria, tandis que la Flûte enchantée appartient au genre beaucoup plus populaire du Singspiel. Néanmoins, la langue allemande s'appuie davantage sur les consonnes, ce qui donne cette impression de vigueur et d'héroïsme absente dans les airs italiens, dont les lignes sont beaucoup plus fluides.

     

    Vous allez prochainement aborder le rôle particulièrement périlleux d'Idoménée.

    C'est un rĂ´le très exigeant, et singulier, car Mozart compose son premier grand opĂ©ra, avec des personnages très complexes. Anton Raaf, le crĂ©ateur du rĂ´le, Ă©tait en fin de carrière, mais il y a des airs d'une difficultĂ© extraordinaire, comme Fuor del mar. IdomĂ©nĂ©e est Ă©crit dans une tessiture plus grave que les parties que je chante habituellement, mais j'ai toujours pensĂ© que ma couleur naturelle Ă©tait proche du « barytĂ©nor Â». Je pense que ce rĂ´le m'ira bien. Je ne l'aurais de toute manière pas acceptĂ© si je ne m'Ă©tais pas senti capable de le chanter.

     

    Auriez-vous accepté de le chanter sous la direction d'un autre chef que William Christie ?

    Je me sentirai certainement plus à l'aise avec lui, même si on ne peut jamais l'être tout à fait face à une montagne comme Idoménée. J'insiste pour chanter Mozart avec des instruments d'époque, d'autant qu'il est trop souvent déformé par la conscience de compositeurs plus tardifs, et non interprété à la lumière de Haendel et Rameau, qui sont à l'origine du développement de ce style de bel canto. Il reste encore du travail à faire sur la restitution d'un style conforme à ce que Mozart pouvait entendre. J'aurais sans doute pu aborder Idoménée avec un autre ensemble baroque, mais je suis ravi de le faire avec les Arts Florissants.

     

    Ensemble que vous allez d'ailleurs retrouver la saison prochaine non plus comme chanteur, mais comme chef. Comment est né ce projet ?

    C'est une idée de William Christie, qui éprouve de plus en plus le besoin de diriger d'autres orchestres, comme il lui arrive de le faire à Glyndebourne ou à Zurich. En tant que chanteurs, nous avons la chance de travailler avec différents orchestres, alors que les chefs, dès qu'ils ont leur propre ensemble, sont souvent plus limités dans leurs collaborations. Mon rôle est donc d'aider les Arts Florissants, et je le fais avec d'autant plus de plaisir que je connais les musiciens depuis de nombreuses années. Même s'il adore chercher de jeunes chanteurs, leur confier des responsabilités, William Christie est très fidèle, et installe une vraie relation de confiance. Je connais très bien son style, ce qui simplifie les choses. Nous pouvons en effet travailler la musique en profondeur dès la première répétition.

     

    Pourquoi avoir choisi Vivaldi pour ce premier programme ?

    J'ai voulu commencer par un répertoire dans lequel ni Christie ni les Arts Florissants ne se sont illustrés. J'ai privilégié des oeuvres chorales, car j'ai dirigé pas mal de choeurs durant mes études à Oxford. L'expérience n'en est pas moins nouvelle pour moi, mais les musiciens me respectent comme chanteur et comme musicien, et ils sont prêts à entendre mes idées sur cette musique. Nous réfléchissons d'ailleurs à d'autres projets.

     

    Avez-vous l'intention de développer cette activité en dirigeant d'autres ensembles, ou en créant le vôtre ?

    Je ressens d'autant moins le besoin de créer mon propre ensemble qu'après une quinzaine d'années de collaboration avec les Arts Florissants, je m'en sens particulièrement proche. C'est un véritable cadeau que de les diriger. J'espère que cette expérience sera un succès. Quant à diriger d'autres ensembles, cela voudrait dire devenir chef. Pour le moment, la direction est une activité qui m'intéresse et me permet de varier un peu ma saison, mais je suis chanteur avant tout.

     

    Pensez-vous étendre votre répertoire au-delà de Mozart ?

    Je suis très heureux de chanter le répertoire baroque. J'ai beaucoup de respect pour cette musique et ceux qui s'intéressent au style, aux instruments d'époque. Il reste énormément de travail à faire, je n'ai donc pas besoin de chercher d'autres répertoires pour me satisfaire. De plus, il est très important pour un chanteur de connaître ses limites. J'ai une quarantaine d'années, je comprends bien ma voix, et je sais très bien que je chanterai peu de répertoire postérieur à Mozart ; un peu de Berlioz, si ce n'est pas trop extrême, Elgar, qui est en quelque sorte un baroqueux du début du XXe siècle, et bien évidemment Britten. J'aimerais également faire des récitals de mélodies de Poulenc, Hahn, et Fauré, car plus je chante en français, plus j'aime cette langue.




    À voir :

    Platée de Rameau, Palais Garnier, Paris, les 14, 17, 21, 26 et 30 avril, 4 et 6 mai (en alternance avec Jean-Paul Fouchécourt les 19, 24 et 28 avril, 2 et 5 mai).

    Concert Mozart avec les Folies Françoises, Cité de la musique, Paris, le 18 avril.

     

    Le 14/04/2006
    Mehdi MAHDAVI


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