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ENTRETIENS 25 avril 2024

Barbara Frittoli, une voix toute tracée entre Mozart et Verdi
© © Eric Mahoudeau

Elle chante avec le même bonheur Desdemona d'Otello ou Liu de Turandot, elle est aussi l'une des mozartiennes (Fiordiligi sur notre photo) les plus captivantes de sa génération. Barbara Frittoli, qui vient d'incarner Sifare dans Mitridate au Châtelet, sait faire les bons choix.
 

Le 08/05/2000
Propos recueillis par Michel PAROUTY
 



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  • Quelle est la place de Mozart dans votre répertoire ?

    Jusqu'à présent, c'est le compositeur qui a eu le plus d'importance dans ma carrière. Mon premier rôle mozartien fut la Comtesse des Noces de Figaro. Ensuite sont venues Fiordiligi dans Cosi fan tutte, Donna Elvira dans Don Giovanni, Sifare dans Mitridate, la partie de soprano de Davidde Penitente

     
    Et bientôt trois autres rôles importants


    Oui, Elettra dans Idomeneo, Vitellia dans La Clémence de Titus, et cet été ma première Donna Anna à Glyndebourne- un rôle qu'on me proposait depuis longtemps et que je pourrai travailler, là-bas, dans de bonnes conditions. Mozart, pour moi, c'est le B-A BA du chant, c'est ce qui fait le plus de bien à ma voix comme à toutes les voix. Lorsque je dois chanter autre chose, du Verdi par exemple, je me prépare, avant les représentations, avec du Mozart.

     
    Techniquement, vous l'estimez plus utile que les belcantistes, Rossini ou Bellini ?

    Le bel canto est un répertoire très particulier, que tout le monde ne peut pas aborder ; Mozart, lui, convient à tous. Pour le souffle, la respiration, il est essentiel. Le chant mozartien n'est pas mécanique, mais instrumental, au plus haut niveau, avec des modulations qui sont capables de vous faire atteindre le ciel. Le plus important, c'est que vous investissiez complètement votre personnage. Avec une bonne technique, vous êtes sûr de bien chanter ; mais il est nécessaire que le public sente ce qui se passe en vous. Le metteur en scène peut vous aider, vous donner une idée, vous aider à la développer, son influence peut être déterminante dans la façon de dire les récitatifs, par exemple, surtout s'il est vraiment un homme de théâtre comme Roberto de Simone, Graham Vick ou Jean-Pierre Vincent, mais vous devez quand même puiser au plus intime de vous-même. Certains airs de Mitridate durent de sept à huit minutes mais leur texte tient en trois phrases ; comment ne pas tomber dans la monotonie ?

     
    En fin de compte, quelle héroïne mozartienne préférez-vous ?

    Sans hésitation Fiordiligi. Elle est tour à tour drôle et pathétique, elle n'hésite ni devant le drame ni devant la comédie, cède aux sentiments les plus divers
    Musicalement et vocalement, elle est comme la synthèse de tout ce qu'exige Mozart : le legato, l'agilité, la maîtrise de grands intervalles. Sifare est lui aussi un personnage à facettes. Et puis, j'avoue que j'ai une certaine affection pour lui parce que c'est le seul rôle travesti qui m'est permis. Quand j'étais petite, j'aimais bien me bagarrer avec mon frère ; j'ai l'impression qu'à travers Sifare, je peux prouver que j'ai du caractère. Mozart, pour moi, est toujours synonyme de jeunesse. J'ai toujours envie de montrer que ses personnages peuvent être gais, jeunes. Dans l'attitude de la Comtesse, la part de jeu est indéniable ; elle aime se déguiser, monter une mystification. Je n'ai pas envie de la jouer comme une aristocrate froide et distante, elle n'est d'ailleurs pas d'origine noble, elle est devenue noble en épousant le Comte.

     
    En somme, vous trouvez qu'il reste toujours en elle quelque chose de la Rosina du Barbier de Séville ?

    Exactement. Je crois qu'il ne faut jamais oublier les textes dont sont tirés les opéras ; si l'on a en mémoire la trilogie de Beaumarchais, on s'aperçoit qu'avec Chérubin le jeu de la Comtesse est des plus ambigus. Cela dit, Mozart est une exception, car sa musique dit tout.

     
    Passons à un autre pan de votre répertoire avec Verdi.

    C'est un musicien qui va prendre une place de plus en plus importante dans ma carrière. J'ai souvent chanté Desdemona d'Otello. Pour moi, c'est une femme décidée, active, et surtout pas une oie blanche comme on le dit trop souvent. Sa décision d'épouser le Maure fait scandale, et confirme qu'elle n'a rien de quelqu'un d'insignifiant et de bêtement angélique. J'ai aussi interprété Medora dans Le Corsaire, Amelia de Simon Boccanegra, Alice Ford dans Falstaff pour la réouverture de Covent Garden, avec le Falstaff de Bryn Terfel, et la partie de soprano du Requiem. Parmi mes prochaines prises de rôle, j'attends avec impatience Luisa Miller et surtout Leonora du Touvère. Il est certain que je ne pense pas à Lady Macbeth, du moins pas encore ; j'aimerais le faire au moins une fois mais dans très longtemps. Quant à Violetta de Traviata, vous vous doutez bien que c'est un personnage qui tente toutes les cantatrices, mais j'attends les conditions idéales pour l'aborder.

     
    Le fait de chanter Leonora veut-il dire que votre voix évolue d'une manière plus dramatique ?

    Elle évolue mais reste essentiellement lyrique. Je me prépare à ce rôle depuis trois ans et il ne me pose pas de problème, car l'orchestre à surmonter n'est pas gigantesque, il n'a rien à voir avec ceux d'Ernani ou de Don Carlos. Le seul passage délicat, pour moi, c'est le Miserere. Mon but, c'est de faire ce qui me paraît le meilleur pour ma voix.

     
    Puccini semble moins vous intéresser.

    J'ai chanté et enregistré Mimi de La Bohème mais je dois être l'une des seules chanteuses au monde à ne pas aimer vraiment ce personnage. Je suis davantage touchée par Liu de Turandot, que j'ai chanté, entre autres, dans la Cité impériale de Pékin (nous étions tous sonorisés, et la chaleur et l'humidité étaient accablantes, je ne referai jamais ça !). Pour le reste, comme Butterfly, c'est trop tôt pour moi. Ce qui m'intéresse beaucoup, en revanche, ce sont les répertoires allemands et français ; j'ai déjà chanté Micaela de Carmen, je fais mes premières Marguerite de Faust très bientôt, et si je peux un jour interpréter l'Arabella de Richard Strauss ou Octavian et la Maréchale du Chevalier à la rose, je serai comblée. L'important, c'est d'aller toujours vers des choses différentes ; j'ai accepté avec joie Mors et Vita de Gounod et j'ai découvert une partition magnifique. J'aime le concert avec orchestre, et les oeuvres sacrées, mais on m'en propose peu.

     
    Pourquoi pas faire davantage de baroque ?

    Mon expérience avec Christophe Rousset et les Talens Lyriques, pour Mitridate, a été très positive ; je redoutais pourtant le diapason à 430 alors qu'à La Scala il est à 443 et à Vienne à 445 ! Mais c'est en prenant des risques que j'avancerai, à condition que je respecte toujours ma voix. Je chanterai sans doute de plus en plus Verdi, mais je n'abandonnerai jamais Mozart."

     

    Le 08/05/2000
    Propos recueillis par Michel PAROUTY


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