altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 25 avril 2024

Sandrine Piau et les fées.
© Marie NoĂ«lle Robert

On la croit spécialiste du seul chant baroque, mais de Monteverdi à Britten, la jeune soprano a tenté toutes sortes d'expériences. Elles lui ont toutes réussies. Itinéraire d'une chanteuse née sous une bonne étoile.
 

Le 08/12/1999
Propos recueillis par Michel PAROUTY
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • JĂ©rĂ´me Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumĂ©

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Comment avez-vous fait vos premiers pas dans le domaine musical ?

    Mes parents étaient mélomanes, ils écoutaient beaucoup de musique, et pas seulement classique, j'ai de grands souvenirs de Barbara. Quand j'étais petite, j'ai commencé par faire de la harpe, tout ça parce que j'avais vu Les Aristochats, et que j'avais été séduite par Duchesse, la chatte blanche qui joue de cet instrument. J'aimais ce côté féerique de la harpe, comme dans les contes. Ce qui ne m'empêchait pas de chanter tout le temps. J'ai fréquenté des chorales, j'ai même fait partie de la maîtrise de Radio-France pendant deux ans.

     
    Donc lorsque vous êtes entrée au Conservatoire de Paris


    c'était vraiment pour continuer à travailler la harpe ; mais un ami flûtiste m'a entendue chanter, m'a dit que j'avais une voix souple et légère, et m'a conseillé d'aller trouver William Christie. Il ne dirigeait pas une classe de chant mais un cours d'interprétation de la musique vocale ancienne.

     
    Vous vous aventuriez en terrain connu ?

    Bien au contraire ! Les termes de "musique ancienne" et "musique baroque" n'avaient pas grand sens pour moi qui m'étais cantonnée jusque-là dans mon répertoire de harpiste. J'ai donc passé un concours pour entrer dans cette classe où l'on étudiait le style, la musicologie, et comme je suis très têtue je l'ai fait avec la même détermination qui m'avait guidée lorsque j'avais entrepris d'apprendre la harpe. Et j'ai découvert le monde fabuleux des XVIIe et XVIIIe siècles français, qui, à l'époque, commençait à peine à renaître.

     
    Comment s'est passé votre travail avec Christie ?

    Extrêmement bien, même si nous n'avons pas manqué de nous accrocher, d'autant que nous avons chacun notre caractère. J'ai travaillé quatre ans avec lui et je n'en ai retiré que du bénéfice. Christie peut être très dur si l'on ne répond pas à son attente, mais il a un très profond respect musical pour ses interprètes ; de toute façon, si un chef n'est pas ému parce que vous faites, il vaut mieux que vous partiez. Avec William, nous n'avons jamais eu le temps de nous lasser musicalement l'un de l'autre. Je ris toujours lorsqu'on me considère comme une spécialiste du baroque, personne ne se doute qu'à mon arrivée chez Christie, je ne savais absolument rien dans ce domaine.
    Ensuite, il y a eu le Centre de Musique Baroque de Versailles.
    J'avais besoin d'approfondir mes connaissances et d'entendre un autre son de cloche. Là, j'ai travaillé avec René Jacobs, mais surtout avec Rachel Yakar, qui est non seulement une chanteuse fabuleuse, mais aussi une pédagogue exceptionnelle, qui sait faire profiter ses élèves de son expérience, même au sein d'une masterclass très courte. On a beau être interventionniste comme je le suis, on ne décide pas vraiment ; le chant, c'est toujours une affaire de rencontres. Il y a eu Christie, qui aimait bien prendre des jeunes de sa classe et les lancer sur scène ; il y a eu Philippe Herreweghe, sous la direction duquel j'ai chanté dans les choeurs de la Chapelle Royale, et qui m'a donné mon premier rôle à la scène.

    Je ris toujours lorsqu'on me considère comme une spécialiste du baroque, personne ne se doute qu'à mon arrivée chez Christie, je ne savais absolument rien dans ce domaine.

     
    Quel rĂ´le ?

    La Ninfa dans l'Orfeo de Monteverdi ; le répertoire italien ancien me paraissait, au départ, beaucoup plus accessible que le français.

     
    Qu'est-ce qui rend difficile le répertoire français ?

    Avant tout, la lecture des manuscrits, avec ces basses décalées, qui ne tombent pas toujours en dessous de la voix. À la classe de Christie, nous étions tous terrorisés lorsqu'il fallait déchiffrer des airs de cour de Lambert, par exemple. Finalement, c'est comme la bicylette, une fois que le coup est pris, on ne l'oublie pas. Cet été, j'ai dû en chanter quelques-uns avec Jérôme Corréas et Christophe Rousset, et le travail est revenu très vite. Mais c'est une musique qui ne prend pas immédiatement aux tripes, il faut bien la connaître pour pouvoir l'apprécier.

     
    Comment s'est effectuée la transition vers d'autres rôles ? Par Mozart ?

    Entre autres. J'avais chanté des airs de concert avec Herreweghe, mais j'ai commencé dans Mozart au théâtre grâce à Jean-Pierre Brossmann. Il est venu m'écouter sans a priori, sans désir de me classer définitivement dans un répertoire, et m'a offert la Première Dame dans une reprise de La Flûte enchantée mise en scène par Robert Carsen, et que dirigeait Kent Nagano. Il y a eu ensuite Mitridate à Genève dans une production de Francisco Negrin, puis à Lyon avec Rousset, au concert et au disque, et bientôt au Châtelet dans une mise en scène de Jean-Pierre Vincent. Et enfin Pamina, avec la formidable équipe Jean-Claude Malgoire/Pierre Constant. Ils voulaient une Pamina d'un type bien précis, jeune, moderne. Dans deux ans, je pense aborder Konstanze dans L'Enlèvement au sérail, alors qu'on aurait davantage tendance à me proposer Blondchen.

     
    Vous attachez de l'importance au choix des metteurs en scène ?

    Oui, c'est vraiment capital. Negrin, que je viens de retrouver pour Le Freischütz aux Champs-Élysées, est aussi gentil que talentueux, Carsen également. Quant à Pierre Constant, c'est un modèle de loyauté.

     
    On a l'impression qu'une évolution parfaitement logique vous a menée vers Mozart, puis de Mozart à Weber.

    C'est vrai que je me sens parfaitement à l'aise dans le répertoire allemand, même plus tardif, alors que je connais mal les ouvrages italiens du XIXe et qu'ils ne m'attirent pas. J'ai déjà chanté Zerbinetta dans Ariane à Naxos de Richard Strauss, c'est une direction dans laquelle j'aimerais persister. Je ne voudrais surtout pas devenir une soprano "à cocottes" à la française, la pyrotechnie vocale, ça n'est pas pour moi, sauf dans Haendel, où la virtuosité ne nuit pas à l'émotion.

    je ne voudrais surtout pas devenir une soprano "à cocottes" à la française, la pyrotechnie vocale, ça n'est pas pour moi

     
    Un autre compositeur qui semble vous tenir particulièrement à coeur c'est Benjamin Britten.

    Lorsque j'étais à la maîtrise, j'avais chanté Flora dans Le Tour d'écrou, et j'avais été fascinée par cette atmosphère fantastique. Plus tard, j'ai fait Lucia dans Le Viol de Lucrèce, et surtout Titania dans Le Songe d'une nuit d'été. Un vrai rêve !

     
    En récital, vous privilégiez les mêmes compositeurs, Mozart, Strauss ?

    Oui, mais il me paraît également très important de défendre les musiciens français, Debussy, Fauré, Chausson. C'est un répertoire difficile, exigeant, qui n'est pas très grand public, mais passionnant.

     
    Vous avez Ă©galement un projet discographique insolite.

    Je viens de signer un contrat avec la firme anglaise Opera Rara pour enregistrer le rôle-titre de la Cendrillon composée par Pauline Viardot. Même aujourd'hui je ne résiste pas aux contes de fées.

     

    Le 08/12/1999
    Propos recueillis par Michel PAROUTY


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com