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ENTRETIENS 20 avril 2024

Vincent Chaillet, jeune coryphée d'un mètre quatre-vingt-cinq
© SĂ©bastien MathĂ©

Coryphée au Ballet de l'Opéra national de Paris, Vincent Chaillet vient de danser le pas de deux du Cygne noir dans la version Noureev au Spectacles Jeunes danseurs de l'Opéra. De l'assurance, du panache, une technique brillante : un coup d'éclat pour cet artiste de vingt et un ans seulement. Rencontre.
 

Le 07/06/2006
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Votre vocation de danseur est-elle spontanĂ©e ou rĂ©alisez-vous le rĂŞve de vos parents ?

    Mes parents n'avaient aucun contact particulier avec le monde de la danse, donc aucun projet en ce domaine en ce qui me concerne. J'ai néanmoins commencé très tôt, à six ans. Ma mère chantait dans une chorale. Je la voyais de temps à autre sur scène et cela m'a donné le goût du théâtre et par extension j'ai demandé à faire de la danse. On m'a emmené voir un cours de jazz, que je n'ai pas aimé. Je voulais faire du classique. On m'a inscrit dans un cours privé et j'ai adoré tout de suite. Je n'y allais qu'une fois par semaine, mais on a pensé que je pourrais en faire un métier et à onze ans, j'entrais à l'École de danse de l'Opéra, car mon professeur a vu qu'elle ne pouvait m'accompagner plus loin si je décidais de continuer vers un apprentissage de haut niveau.

     

    Pour que l'on vous oriente ainsi, vous deviez montrer des capacités particulières.

    Peut-être que dans le contexte de mon école je me détachais un peu, mais dès que je suis arrivé à l'École de l'Opéra, j'ai vite déchanté ! C'était un type de travail très différent, mais personne ne m'a jamais obligé à faire ce choix, ni à y continuer. Je suis toujours resté libre de faire ce que je voulais, mais j'aimais ça. À l'École de danse, j'ai découvert que cela allait être beaucoup plus de travail que ce à quoi je m'attendais. J'ai découvert la discipline, la rigueur. J‘ai dû aussi gérer ma vie sans mes parents, puisque je suis originaire de Metz. La séparation n'était pas évidente, mais comme j'avais toujours joui d'une certaine indépendance, ce n'était pas non plus une totale nouveauté pour moi, même à onze ans. On a tous des moments de découragement, mais dans l'ensemble, l'intérêt du travail l'emportait et je n'ai pas connu de problèmes particuliers pour passer chaque année dans la classe supérieure. De plus, je faisais des rôles intéressants dans le spectacle de l'École, le pas de deux des Danses Grecques de Béjart, avec Dorothée Gilbert, Yondering de John Neumeier, Western Symphony, la Fille mal gardée notamment. Une bonne expérience qui me préparait aussi au concours d'entrée dans le ballet.

     

    Vous êtes très grand. Est-ce un avantage ?

    Je mesure un mètre quatre-vingt-cinq et j'ai toujours été le plus grand de ma division. Cela a certainement aidé à certains choix à l'École, notamment pour danser avec des élèves de divisions plus élevées que la mienne. J'ai ainsi participé à des expériences auxquelles je n'aurais pas normalement eu accès. Les danseurs grands sont en outre à la mode, ce qui reste un avantage. Mais nous avons aussi des problèmes spécifiques, de coordination notamment, pour que les bras ne donnent pas l'impression de partir dans tous les sens. Les petits sont plus rapides, plus ramassés et sautent mieux.

     

    Une fois dans le corps de ballet, votre route est-elle restée aussi tranquillement évolutive ?

    J'ai pris mes marques et commencé à connaître un peu les autres danseurs. À mon deuxième concours, en 2004, je suis monté coryphée et il s'en est suivi deux saisons assez enrichissantes. J'avais dansé juste avant avec dans Paspart de Forsythe. J'ai été passionné tout de suite. Je n'étais d'abord que remplaçant, mais on m'a finalement donné deux spectacles. Ensuite il y a eu la rencontre avec Pina Bausch, dans Orphée, où j'ai été choisi pour le Cerbère à trois têtes. Un grand moment. Cette saison, j'ai fait le Maître de ballet dans la Petite danseuse de Degas de Patrice Bart, rôle que dansait aussi Mathieu Ganio, le spectacle Forsythe où j'étais dans Approximate sonata, et puis ce pas de deux du Cygne noir pour le spectacle jeunes danseurs.

     

    C'est une liste impressionnante pour un danseur de 21 ans, d'autant qu'y alternent classique et contemporain.

    En ces quatre premières années d'opéra, j'ai en effet eu beaucoup de chance en ce domaine. Si ma première année fut essentiellement classique, les autres ont connu une intéressante alternance de styles, car j'ai aussi participé comme corps de ballet aux créations d'Abou Lagraa, de Davide Bombana, dansé Carolyn Carlson, tout en faisant Giselle, la Belle au bois dormant ou la Bayadère. Je me sens peut-être un peu plus libre dans le contemporain, mais je pense que cela viendra aussi dans le classique. J'y serai plus serein en scène quand j'y aurai pris davantage d'assurance dans la rigueur. Je crois que je comprends aussi plus rapidement ce qu'on me demande dans le contemporain que dans le classique. Il me faut moins de temps pour assimiler les corrections.

     

    Travaillez-vous beaucoup ?

    Je ne suis pas un travailleur acharné. Je pense qu'il est encore temps de me construire aussi en dehors de l'Opéra. Je sais néanmoins que les étoiles des dernières générations ont énormément donné à la danse, sans compter leur temps pour chercher à toujours s'améliorer. Je ne suis pas vraiment comme ça, mais je suis sérieux et je fais mon travail consciencieusement, en en rajoutant quand nécessaire. De toute façon, ma génération ne travaille pas autant avec des maîtres extérieurs que ne le faisaient nos aînés.

     

    Que pensez-vous avoir encore à acquérir pour continuer à monter dans la hiérarchie ?

    J'ai une technique de base correcte qui me permet de faire ce qu'on me demande, mais je sais que j'ai encore beaucoup de travail dans certains domaines, comme les sauts. Même si je peux assumer une chorégraphie très physique comme celle du pas de deux du Lac ou celle des ballets de Forsythe, je ne peux pas encore faire de grandes prouesses techniques.

     

    Hors opéra, quels sont vos centres d'intérêt ?

    J'aime tout ce qui est spectacle vivant et surtout le théâtre. J'aimerais pouvoir un jour monter des spectacles mélangeant les genres : chant, danse, musique, parole. La musique est importante pour moi. C'est un appui. Si je n'aime pas la musique que je danse, c'est dur de sortir quelque chose d'artistique. Chez moi, je n'écoute pas beaucoup de classique, mais plutôt de la chanson française. Et puis, j'aime bien écrire, pour mon plaisir, des petits textes, des nouvelles. Je m'y suis mis quand je me suis blessé au dos l'année dernière. Je me suis demandé ce que je ferais si je devais m'arrêter et j'ai commencé à raconter ça. Depuis, je continue, aussi bien de la fiction que sur mon expérience à l'Opéra.

     

    Comment voyez-vous votre carrière à l'Opéra ?

    Si je gagne une certaine liberté de choix en montant dans la hiérarchie, je pense que je serais d'abord attiré par Kylian et Forsythe. Ce dernier me correspond bien, car il faut y aller franchement, s'y donner sans réticences. Mais pourquoi pas aussi le Prince du Lac des cygnes, ou même Don Quichotte. Mais ce sont des rôles que je n'oserais pas demander ! De toute façon, notre chance à l'Opéra est d'avoir un choix unique de styles différents et la possibilité de travailler avec de multiples créateurs. Notre force vient de ce que nous pouvons passer en un mois de Petipa à Pina Bausch ou à Abou Lagraa, de Balanchine à Forsythe ou à Gallotta. C'est irremplaçable et nous sommes les seuls à assumer cela à pareil niveau.

     

    Le 07/06/2006
    GĂ©rard MANNONI


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