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ENTRETIENS 25 avril 2024

Le passé retrouvé (18) : Montserrat Caballé

En 1977, Montserrat Caballé est au sommet d'une des plus grandes carrières vocales du XXe siècle. Elle commence à aborder des rôles plus lourds comme cette Turandot qu'elle enregistre à Strasbourg sous la baguette d'Alain Lombard, avec José Carreras comme partenaire. Rencontre avec une très grande dame qui sait toujours donner l'exemple.
(Entretien réalisé le 30/08/1977 pour le Quotidien de Paris).

 

Le 12/07/2006
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Votre carrière Ă©volue vers des rĂ´les plus dramatiques. Est-ce ce que vous avez toujours souhaitĂ© ?

    Évoluer ne veut pas dire changer. À l'avenir, je chanterai Turandot, Isolde ou la Gioconda parce que je pense que le moment est venu d'affronter ces rôles qui semblent un peu hors de portée. Il en existe d'autres que je ne pourrai jamais aborder, même si j'aimerais beaucoup y parvenir, comme Elektra. Si j'aborde aussi Macbeth, par exemple, je continuerai quand même à chanter les rôles qui sont actuellement dans mon répertoire, y compris le bel canto.

    La saison prochaine, par exemple, je chanterai pour la première fois l'Africaine de Meyerbeer, Virginia de Mercadante, et je reprendrai la Parisina d'Este de Donizetti. Cette évolution de la voix me semble normale et je crois qu'elle arrive à tous les chanteurs, sauf à ceux qui ont d'emblée des moyens très dramatiques. Moi, je n'avais pas ces moyens, et j'ai préféré laisser ma voix se développer toute seule pendant les dix premières années de ma carrière. Ensuite je me suis tournée vers le bel canto.

    Je chante depuis vingt ans, et à quarante 40 ans, je trouve que le moment est venu d'affronter ces emplois plus lourds. Pour cela, il faut être sûr au moins à 80% que ça sera réussi. La pré-générale de Turandot à la Scala a été très convaincante à cet égard. J'ai été très encouragée par Paolo Grassi, Francesco Siciliani, de la Scala et aussi par Zubin Mehta avec qui j'ai travaillé. Il était très satisfait.

     

    Le Liceo de Barcelone ne tient-il pas une place particulière dans votre coeur ?

    C'est vrai que j'y aborde souvent mes nouveaux rôles. J'y chante depuis 1962, Mozart et Strauss à l'époque, puis le vérisme et le bel canto. Cette saison, j'y ai fait ma première Médée de Cherubini, Salomé et Sieglinde en version de concert, avec une distribution superbe, au Palais de la Musique. J'ai bénéficié des bons conseils de Birgit Nilsson, que j'admire énormément. Quand quelqu'un comme elle vous soutient et vous aide, c'est très important, lourd de signification.

     

    Est-ce parce que vous vous sentez plus en confiance lĂ -bas que vous y faites ces prises de rĂ´les ?

    Non, mais j'ai déjà chanté quarante-deux rôles à Barcelone, et je ne voudrais pas me répéter. Je ne l'ai fait que pour Norma et Tosca . À part cela, ce sont toujours des rôles nouveaux. Mais je fais pareil à New York et dans les théâtres où je chante chaque saison. Je n'aime pas répéter les rôles. Avec des ouvrages nouveaux, on donne une autre dimension, un autre intérêt, soit pour le public, soit pour le théâtre. Je crois que le public attend cela de moi et serait très déçu si je revenais toujours chanter les mêmes opéras. Cette année, à Nice, on répète l'Adrienne Lecouvreur de l'année dernière, mais parce que le public le demande.

     

    Sur scène, vous paraissez de plus en plus investie dans le jeu dramatique. À l'enregistrement, comme je viens de le constater, vous avec une concentration différente. Jouer et enregistrer, est-ce si différent ?

    Pas vraiment. Dans un théâtre, vous voyez une oeuvre dans sa continuité, avec ce qui vous entoure : maquillage costumes, éclairages. Tout cela constitue une sorte de tableau. Dans l'enregistrement, c'est tout froid, mais la seule chose qui n'est pas froide, c'est d'entrer dans le rôle, dans la musique. C'est pareil sur scène et à l'enregistrement. Cela ne vient pas spontanément, mais on s'y prépare. Au moment de chanter une phrase, on sait, ou on croit savoir, comment la faire. Cela donne au spectateur une émotion, qui ne peut pas être la même que celle qu'il ressent au théâtre.

    Quand j'enregistre, je suis détendue, car on me voit comme je suis, sans maquillage, sans costume, mais il y a une nervosité intérieure peut-être beaucoup plus grande qu'au théâtre. Ici, la responsabilité n'est pas directement tournée vers le public, mais vers le chef, l'orchestre, les ingénieurs. C'est différent, difficile à comparer avec les risques de la scène. Mais dans les deux cas, le risque existe, et nous ressentons les choses différemment.

     

    Quels sont vos projets dans le domaine du disque ?

    Je vais finir un disque Strauss, un disque Wagner, des airs de Mozart, dont je rêvais depuis des années. Je le ferai ici à Strasbourg avec maître Lombard et son orchestre. J'enregistrerai aussi la Missa Solemnis de Beethoven avec le maestro Bernstein, un Bal masqué avec Colin Davis, I Puritani et Attila avec le maestro Muti.

     

    Et au théâtre ?

    Je chanterai Tosca à Londres en septembre. Puis viendront des concerts à Paris, Marseille et Strasbourg, avant de chanter Turandot à San Francisco. Ensuite, ce sera l'Africaine à Barcelone, Parisina d'Este à Nice ou à Barcelone. Après Noël, je serai à Hambourg pour Roberto Devereux et pour fêter le centenaire du théâtre. Je partirai après pour New York pour la nouvelle production d'Adrienne Lecouvreur au Met.

    J'avais envie de chanter Adrienne depuis longtemps, mais c'était l'apanage de Madame Tebaldi depuis des années. Je l'avais vue plusieurs fois. Nous sommes très amies, et elle m'avait dit que le jour où elle ne le chanterait plus, elle viendrait m'entendre à son tour. Cela m'avait beaucoup touchée. Le moment est venu, et je me félicite que ce soit dans une nouvelle production, car je me sentirais très petite dans la production qu'elle a chantée. Après New York, je serai à Tokyo et aux Philippines, et en avril je reviendrai à la Scala pour une nouvelle production de la Force du destin, puis ce sera Londres et Norma à Covent Garden.

     

    Vous avez la réputation, dans le monde musical, d'être d'une grande gentillesse, de dégager beaucoup de chaleur humaine. Cela compte-t-il pour vous autant que la réussite de votre carrière ?

    Ce sont des choses que l'on dit ? Oh, c'est très gentil ! Moi, je me trouve normale. Je suis comme je suis. Si c'est ainsi que l'on me perçoit, c'est bien. J'essaie seulement d'être normale avec tout le monde. Sans vouloir faire de la philosophie, il faut se rappeler que nous vivons dans un monde difficile, que la vie quotidienne est souvent dure pour ceux qui nous entourent.

    Vous savez, j'ai la grande chance, sans doute la plus grande qu'on peut avoir dans la vie, d'avoir eu des parents merveilleux qui m'ont beaucoup aidée, d'avoir un frère qui ne m'a jamais quittée, et m'a aussi beaucoup soutenue. Ensuite, j'ai trouvé un mari exceptionnel aussi. J'ai eu la chance d'avoir deux enfants. C'est aussi merveilleux.

    Je suis chrétienne. Je crois qu'il y a un être supérieur qui veille sur nous et je le remercie chaque matin car j'ai reçu des belles choses dans tous les domaines de la vie. Je me trouve privilégiée, car je reçois constamment des choses qui me rendent heureuse. Quand on voit les difficultés connues par certains, on doit se réjouir de ce qu'on a, pouvoir manger chaque jour, voyager, chanter, avoir une famille, un travail qu'on aime. Et en plus, ce travail, pour le faire, on te paie ! C'est miraculeux !




    À suivre...

    La semaine prochaine : Jorge Lavelli

     

    Le 12/07/2006
    GĂ©rard MANNONI


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