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ENTRETIENS 28 mars 2024

Le passé retrouvé (22) :
Michel Sénéchal

Directeur de l'École de chant de l'Opéra national de Paris, le ténor Michel Sénéchal, dont la carrière personnelle devait encore se prolonger jusqu'au début du XXIe siècle, s'insurge contre le manque d'intérêt des directeurs d'opéras français vis à vis de nos jeunes chanteurs. Il prône la réouverture de l'Opéra-Comique comme scène de lancement des nouvelles générations issues de l'École.
(Entretien réalisé en 1984 pour le Quotidien de Paris).

 

Le 09/08/2006
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • OĂą en est aujourd'hui l'École d'art lyrique ?

    Cette école existe depuis huit ans et pour la première fois, à la fin du mois de juin, je vais dresser le bilan des jeunes chanteurs qui en sont sortis et qui sont aptes à exercer leur métier et leur art. Il doit y en avoir entre seize et dix-huit. Je m'en porte absolument garant. Ils sont malheureusement disséminés dans la nature, et je le regrette. Nous avons formé des chanteurs. Ils sont prêts à affronter la carrière, avec leur jeunesse, avec certainement des défauts car ils ne sont pas parfaits, ce qui est complètement normal. On ne peut devenir un très bon chanteur, et à plus forte raison une vedette ou une star, qu'après dix ou quinze ans, voire vingt ans de métier. Madame Caballé est devenue ce qu'elle est après avoir fait dix ans de petits théâtres en Suisse et en Allemagne. La situation doit donc être très claire en ce domaine.

    Je m'entends en effet souvent dire que « l'École de chant ne sort rien Â». C'est monstrueux de dire ça. Comme nous ne sortons pas des gens qui cassent les vitres, alors, on ne sortirait rien. Ce n'est pas vrai. Nous sortons des graines qui ont commencĂ© Ă  lever et c'est maintenant qu'elles vont s'Ă©panouir et devenir pour certains et pour certaines, j'en suis sĂ»r, de très grands chanteurs, avec le temps, quand ils seront totalement investis dans le mĂ©tier. Pour l'École, voilĂ  le souhait que j'exprime.

    Je suis attristé de former des chanteurs qui s'en vont partout, dans le monde entier. Par exemple, prenez le cas d'Armand Arapian, superbe baryton-basse, sorti il y a trois ans. Je ne sais pas pourquoi les directeurs français n'en n'ont pas voulu. C'est un garçon qui a un physique, qui est musicien, dont la voix est superbe et qui chante admirablement bien. Mystère. Il a passé des auditions à l'étranger, il a été pris en main par un imprésario suisse qui l'a présenté à Karajan qui a été emballé et l'a engagé immédiatement au prochain festival de Salzbourg. A la suite de cela, il vient de signer vingt-six Escamillo dans les plus grands théâtres d'Allemagne et nous ne le reverrons plus en France avant qu'il soit consacré et coûte beaucoup plus cher. Cela se produit aussi pour d'autres.

    Je souhaiterais donc que tous les chanteurs que nous formons restent groupés dans le métier. Pour cela, il n'y a pas trente-six solutions. Il faut qu'ils appartiennent à une troupe seule et unique, que la salle Favart rouvre une fois pour toute avec tous ces jeunes et devienne le tremplin pour l'Opéra Garnier ou l'Opéra Bastille quand il sera construit. Nous n'aurons pas de chanteurs prêts pour l'Opéra Bastille autrement. Le chant français ne pourra renaître qu'en passant par l'Opéra-Comique et pas ailleurs. Quand ces jeunes sont obligés d'accepter des engagements dans n'importe quel théâtre, ils travaillent souvent dans des conditions catastrophiques, notamment dans le domaine des répétitions qui démolissent tout le travail que l'on a accompli.

     

    Combien d'élèves avez-vous actuellement ?

    Nous en avons vingt, chiffre que nous ne dépasserons jamais. C'est un maximum. Ils restent trois ou quatre ans, généralement quatre, car il faut bien cela pour assimiler toutes les disciplines que l'on enseigne, aussi bien dans le domaine du chant à proprement parler que dans celui des différents arts de la scène, sans oublier les langues étrangères, car aujourd'hui, on ne peut concevoir que des carrières internationales dans un répertoire très varié.

     

    Pourquoi avoir choisi ce Stradella de César Franck comme spectacle de fin d'année de l'École d'art lyrique ?

    Depuis le début de l'École, on a l'habitude de donner un spectacle, excepté l'an dernier parce que nous n'avons pas eu l'Orchestre de l'Opéra ni la salle à notre disposition. Pour moi, c'est un gros point noir de ne pas avoir d'orchestre à disposition, une véritable lacune, car si nous voulons vraiment aller au bout de notre travail, nos chanteurs doivent maintenant se produire autant que possible avec orchestre. Cette année, Monsieur Bogiankino a été d'accord pour que nous montions un spectacle comme j'en avais exprimé le désir.

    Mais pourquoi cette oeuvre de César Frank que personne ne connaît ? Il y a deux ans et demi, j'ai reçu la visite de Monsieur Gomez, directeur de l'Opéra de Venise. Il m'a dit avoir découvert à la Bibliothèque nationale un opéra de César Franck, inédit, qui me semble très intéressant, d'autant que l'action se passe à Venise. À ce titre, il est venu me demander la participation des meilleurs chanteurs de l'École de l'Opéra, pour pouvoir monter cette oeuvre à Venise. L'idée était séduisante puisqu'il s'agissait d'un opéra français retraçant la vie de Stradella, qui fut pour le moins agitée. J'ai été séduit par cette idée et lui ai demandé de lire la partition pour voir si elle était chantable. Je lui ai ensuite donné mon accord, très heureux que l'École de l'Opéra passe les frontières. Il me paraissait très flatteur que des pays étrangers fassent appel à nous.

    Plusieurs mois se sont écoulés, et je n'ai plus eu de nouvelles de Venise. Monsieur Gomez, pour des raisons qui lui appartiennent, a dû renoncer à le faire. Là-dessus, Monsieur Bogiankino a été nommé à Paris. Quand je lui ai raconté cela, il s'est enthousiasmé pour l'entreprise et a décidé que nous reprendrions seuls le projet. Malheureusement, cette partition n'a pas d'orchestration. Il n'est pas possible de la réaliser aujourd'hui et nous avons estimé plus vrai et plus sincère de donner l'oeuvre telle que nous l'avons trouvée. C'est donc ce que nous allons faire, donner Stradella avec accompagnement de piano.

     

    Quel genre d'ouvrage est-ce ?

    C'est un grand opéra que César Franck a composé à 17 ans, mais qui ne ressemble pas à un devoir d'élève. On y perçoit l'enthousiasme de la jeunesse, dans un style très proche de Meyerbeer, très chantant, très chantable et donc très intéressant pour nos chanteurs, car cela leur met la voix en valeur, tout ce qu'il faut pour travailler dans des conditions positives et épanouissantes. Monsieur Bogiankino a choisi un très jeune metteur en scène de théâtre qui sort nettement des sentiers battus, ce qui entre aussi dans la formation de nos chanteurs.




    À suivre...

    La semaine prochaine : Wolfgang Wagner

     

    Le 09/08/2006
    GĂ©rard MANNONI


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