altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 26 avril 2024

Le passé retrouvé (23) :
Wolfgang Wagner

Tout avait commencé cinq étés plus tôt, sous les huées et les quolibets d'un public dérouté par les audaces scéniques et musicales des deux mousquetaires Pierre Boulez et Patrice Chéreau, chargés du Ring du centenaire à Bayreuth. Wolfgang Wagner, petit-fils du compositeur et grand maître du Festival, avait assumé la responsabilité de cette innovation.
(Entretien réalisé en août 1980 pour le Quotidien de Paris).

 

Le 16/08/2006
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • JĂ©rĂ´me Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumĂ©

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Quel est votre bilan personnel de ces cinq annĂ©es pendant lesquelles s'est implantĂ©e la vision du Ring voulue par l'Ă©quipe Boulez-ChĂ©reau-Peduzzi ?

    Je peux dire avec émotion que c'est un bilan réjouissant, car nous avons réussi à persuader le public et la critique que ce Ring est (et était déjà au départ) un travail sérieux, profondément motivé, qui a montré pour le moins – et c'était notre principale intention – des aspects nouveaux de cette oeuvre sous une forme qui a utilisé le médium théâtral de façon particulièrement efficace.

     

    Quel a été votre propre rapport avec cette esthétique ? A-t-elle changé quelque chose dans votre vision de l'oeuvre ?

    Les points de vue esthétiques de Chéreau ont été pour moi au commencement, bien sûr, si nouveaux que j'ai dû m'y faire lentement au cours de notre travail en commun et de notre collaboration. Mais l'extraordinaire sérieux avec lequel il a entrepris ce travail m'a persuadé que c'était aussi un chemin qui menait à un mode d'expression très vaste, authentique et finalement réussi.

     

    Avez-vous l'impression que Bayreuth est aujourd'hui habité par une nouvelle génération de chanteurs qui s'implanteront ici comme leurs aînés ?

    Cette nouvelle génération de chanteurs est née d'une manière tout à fait organique et du fait qu'un chanteur est quelqu'un qui doit pouvoir céder la place à un autre. C'est un processus habituel ; nous-mêmes, quand nous avons relancé le festival après la guerre, en 1951, nous ne pouvions plus puiser dans la génération d'avant-guerre. La génération actuelle est bonne et nous n'avons rien à lui reprocher. Aussi longtemps qu'elle sera bonne et qu'elle sera à la hauteur de la tâche, elle demeurera. En ce qui concerne le prochain Ring, prévu pour 1983, il est trop tôt pour savoir qui risque de figurer dans la distribution. Nous prenons toujours ceux qui, au moment même, nous paraissent les plus appropriés aux rôles.

     

    Le festival s'est ouvert à des metteurs en scène d'avant-garde assez hardis. Est-ce une politique que vous allez poursuivre ?

    On ne peut engager des metteurs en scènes hardis que lorsqu'il y en existe. Cela a toujours été une tradition d'être hardi à Bayreuth, ne serait-ce qu'en raison des conditions exceptionnelles réunies ici et qu'il faut maîtriser. On n'a jamais choisi un metteur en scène seulement pour sa longue expérience et on ne lui demandera jamais ici de travailler selon une routine quelconque. Quand on appelle quelqu'un, il ne tire jamais du fond de son tiroir quelque chose qu'il a déjà travaillé, on exige qu'il fasse une création spéciale pour Bayreuth. C'est la condition de son engagement.

     

    Vous allez monter vous-mêmes les Maîtres Chanteurs en 1981. Que pouvez-vous déjà nous dire de cette production ?

    J'ai déjà monté les Maîtres chanteurs une première fois en 1968 et mon travail a été très mal compris. Mon père Siegfried avait conçu ce spectacle de façon très arbitraire et très stylisée, mais moi j'étais d'avis que sans devenir tout à fait concret, on devait de nouveau adopter un style plus figuratif, plus près de l'oeuvre. Mon intention n'a pas été comprise. J'ai été traité de réactionnaire. Dans mes nouveaux Maîtres chanteurs pour l'été prochain, j'ai l'intention d'être assez réaliste en ce qui concerne l'écriture scénique.

    Je réalise ma mise en scène à partir de la distribution qui sera très jeune. Je pars du pont de vue que Hans Sachs ne doit pas avoir plus de 38 ans. Sa résignation envers Eva, je lui vois d'autres motifs qu'un noble renoncement. Le renoncement en soi est noble, mais la motivation, c'est quelque chose de différent. Walter, je le vois comme un jeune homme de 22 ans. Eva doit en avoir 17, elle qui se conduit envers la société de manière un peu insouciante, un peu révolutionnaire. Son attitude n'est pas spécialement raffinée, c'est une jeune fille impulsive. Il faut que les jeunes restent avec les jeunes. Beckmesser doit être jeune, lui aussi. Ce n'est pas un homme qui croasse comme un corbeau, il n'est pas grotesque. Je le vois comme une figure de tradi-comédie qui se sent à l'étroit dans sa mince envergure artistique. Il a quand même l'ambition d'être le meilleur des trois et de parvenir à avoir le main de la jolie jeune fille. David, en le battant, fait de lui une figure comique. Un homme qui a été battu n'est plus lui-même ; il perd toute espèce d'assurance.

    Vous voyez que j'ai donc introduit dans les Maîtres Chanteurs des changements importants en ce qui concerne les structures intérieures. Aujourd'hui, on a tendance à croire qu'il suffit pour faire une nouvelle mise en scène d'utiliser des modifications visuelles. Une femme peut avoir chaque jour une robe du soir différente. Elle est plus ou moins admirée selon la beauté de la robe. Mais son coeur reste le même. Exagéré ou négligé, l'habit définit une image qui n'est pas celle de l'être intérieur. Le côté visuel peut-être un soutien, une aide, mais pas une expression définitive à l'intérieur du devenir humain.

     

    Signerez-vous encore une nouvelle mise en scène en 1982 ?

    Il y aura un nouveau Parsifal, fait par quelqu'un d'autre (ndlr : Götz Friedrich) et une reprise de mes Maîtres chanteurs.

     

    Le 16/08/2006
    GĂ©rard MANNONI


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com