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ENTRETIENS 25 avril 2024

Gilbert Amy, compositeur de l'apaisement
© Alvaro Yanez

Pour beaucoup, Gilbert Amy reste avant tout le fondateur du Nouvel Orchestre Philharmonique – actuel Orchestre Philharmonique de Radio France. Mais il est aussi un compositeur estimé : Paris vient de découvrir son Concerto pour violoncelle, une pièce que sa qualité devrait inscrire dans le répertoires des orchestres et qu'il décrit ici en quelques mots.
 

Le 02/10/2006
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • Pourriez-vous nous tracer la genèse de votre Concerto pour violoncelle ?

    Mon Concerto pour violoncelle est l'oeuvre qui suit directement mon opéra le Premier cercle, et date des années 1999-2000. C'était une commande du Suntory Hall de Tokyo. Connaissant assez bien le violoncelle, j'avais beaucoup réfléchi auparavant aux possibilités de l'instrument. J'avais en tête le projet d'une oeuvre concertante avec un orchestre plus modeste que celui de mon opéra. J'ai choisi comme soliste Jean-Guilhen Queyras, qui m'avait étonné dans de nombreuses oeuvres contemporaines. J'avoue que j'ai été surpris par sa rapidité d'assimilation, il en avait pris l'habitude à l'Ensemble Intercontemporain et je crois qu'il aime prendre des risques sur scène.

     

    C'est la deuxième fois que vous dirigez l'oeuvre avec Jean-Guihen Queyras. Avez-vous remanié votre partition ?

    Nous avons effectivement joué cette oeuvre ensemble fin 2001 avec l'Orchestre de Sarrebruck. Le fait d'avoir dirigé moi-même mon oeuvre ne m'a pas fait modifier ma partition en profondeur, j'ai seulement raccourci très légèrement l'introduction et n'ai opéré que des retouches de facture.

     

    Pourquoi avoir choisi le concerto, un genre très discuté ?

    À vrai dire, cette partition est une des rares pièces qui portent le nom de concerto dans ma production, même si j'ai écrit une sorte de concerto pour violon dans les années 1960. Il n'est pas, cependant, un concerto typique – il compte sept mouvements inégalement courts et enchaînés – mais c'est bien un concerto dans la mesure où le soliste est présent d'un bout à l'autre et où il apparaît comme le protagoniste.

     

    Pourriez-vous nous décrire les mouvements de ce concerto ?

    La trajectoire de l'oeuvre se définit en premier lieu par les enchaînements, lesquels se font soit par des passerelles, soit par une césure qui est seulement un silence rythmé, soit encore par un filage, le but étant de donner une unité. La césure est très liée à une rhétorique tonale, il me semble que l'oeuvre moderne doit avoir une continuité avec des facettes différentes, il s'agissait d'éviter la rupture qui me paraît un peu artificielle dans ce genre de musique.

    On a beaucoup reproché à la musique contemporaine son côté haché, interrompu, j'ai donc essayé d'écrire une oeuvre continue. Je me suis inspiré de la poétique japonaise, il n'y a pas de rythmique liée à un tempo mais une sorte de temps arrêté – pulsé par des à-coups de percussions, comme dans la musique traditionnelle japonaise. Mon oeuvre est dédiée à Toru Takemitsu ; il n'y a pas de lien organique entre nos musiques mais Takemitsu m'a introduit au Japon, il m'a invité à y diriger et je voulais lui rendre un hommage public.

     

    Avez-vous l'intention d'explorer plus avant les possibilités du violoncelle ?

    Je ne fais pas de fixation sur un instrument. Je viens d'écrire un concerto pour piano, dont la création est prévue pour fin décembre 2006 à Radio France. Il est très différent de celui pour violoncelle, et sa création sera effectuée au piano par Jean-François Heisser, que je connais depuis une trentaine d'années et qui est un peu un compagnon de route dans ma vie professionnelle. Il sera entouré de l'Orchestre Philharmonique dirigé par François-Xavier Roth.

     

    Pourriez-vous nous dire quelques mots sur György Ligeti, qui vient de nous quitter ?

    Ligeti a été pour moi un compositeur très présent. Je l'ai certes connu relativement tard, mais j'étais familier de sa musique depuis les années 1970, notamment des pièces telles que Lontano ou Atmosphères. J'ai dirigé les oeuvres des années 1970, dont la suite du Grand Macabre, qui avait été présentée avant la production de l'opéra lui-même. De là est née une véritable amitié, liée à une connivence esthétique.

    Ligeti était malade depuis de nombreuses années, on s'attendait à sa disparition, mais c'est une très grande perte. C'était un maître du son, de l'instrumental. Je réécoutais récemment une de ses dernières oeuvres, le Hamburgisches Konzert pour cor, qui était à la fois d'un professionnalisme extraordinaire et d'une grande prospective. Mais je suis persuadé que son oeuvre va lui survivre.

     

    Quel serait le grand legs de Ligeti ?

    C'est un homme qui a refusé les dogmes abstraits, au profit d'un héritage ontologique, celui de ses origines. Dans sa musique, il y a une part de folklore d'Europe centrale qui lui a permis de sentir que les formes musicales devaient être incarnées par un instrument ou par la transmission humaine. Chez lui, tout est toujours lié à la respiration, par exemple pour les instruments à vent, ou un principe physique – le souffle, l'archet.

    Le deuxième élément serait la manière dont il a pulvérisé les notions d'harmonie et de polyphonie, au profit d'une sorte de polyphonie verticale ou d'harmonie horizontale, qui crée une sorte d'unité nouvelle. Dans la nouvelle École de Vienne, l'harmonie était le résultat de principes horizontaux, il a montré le contraire. C'était aussi un très grand « instrumentateur Â» qui a fait de l'orchestre un matériau fluide, à la manière de l'électro-acoustique, où il n'y a plus d'attaques, d'arrêts ; il a été un très grand visionnaire dans ce domaine.

     

    Comment jugez-vous la situation de la musique contemporaine dans notre pays ?

    La musique contemporaine a des conditions relativement favorables en France, si l'on compare par exemple à ce qui se passe en Italie. Il y a également beaucoup plus de compositeurs qu'avant et il y a parfois même un excès de commandes pour un compositeur, lequel est alors sous pression et n'a pas le temps de réfléchir pour des oeuvres plus essentielles. Selon moi, la politique de reprise des oeuvres revêt une importance plus grande que celle de la création.

    Par ailleurs, je trouve sain qu'il y ait des controverses dans le milieu musical français. Il est sain que les compositeurs prennent des positions esthétiques fortes. Ce qui est dommage, c'est que les controverses prennent souvent un tour exclusif, même s'il me semble qu'il y ait une tendance à l'apaisement. Les controverses sont positives mais elles doivent rester dans un climat qui favorisent l'échange des idées et pas seulement les invectives. J'essaie pour ma part d'entretenir de bons rapports avec ceux qui composent dans un style différent du mien. Je crains seulement les phénomènes de mode et je souhaite vivement que l'on maintienne une certaine cohésion dans le monde musical, que chacun garde des rapports corrects.

     

    Le 02/10/2006
    Yutha TEP


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