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ENTRETIENS 25 avril 2024

Valery Sokolov, amoureux de la beauté

Précédé par un excellent DVD où Bruno Monsaingeon évoque son apprentissage, le violoniste ukrainien Valery Sokolov, qui termine ses études à Londres, a donné son premier concert parisien au Théâtre du Châtelet. À 20 ans, physique romantique et visage rieur, ce virtuose déjà accompli se veut avant tout au service de tous les répertoires, et un amoureux de la beauté.
 

Le 10/10/2006
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Comment vous êtes-vous trouvé tout enfant lancé dans l'étude d'un instrument aussi difficile que le violon ?

    Parce que ma mère m'a inscrit à l'école de musique pour que j'apprenne ce qui est beau. Je me suis retrouvé vingt et unième sur la liste des postulants au violon et j'ai été pris. Tout a commencé comme ça.

     

    Dans le film de Bruno Monsaingeon, on vous voit encore enfant jouer déjà des oeuvres très difficiles.

    Je ne jouais alors que des pièces normales pour un garçon de 11 ans qui se destine à l'instrument dans les années suivantes. En fait, on parvient à jouer ces pièces car on est totalement concentré sur le travail, et c'est valable pour toutes les disciplines. Si vous ne faites que cela, si vous travaillez sans penser à quoi que ce soit d'autre, sans rien qui vous distrait, vous arrivez forcément très jeune à un haut degré d'accomplissement. Pas d'école, pas de distractions, juste le violon !

     

    Cela représente quand même l'addition de qualités exceptionnelles chez un enfant : habileté manuelle, oreille musicale parfaite et volonté.

    Derrière chacune de ces qualités, il y avait quelqu'un. La volonté venait de ma mère, l'habileté manuelle venait de mon premier professeur, et l'oreille est un don de la nature. Moi, je n'avais que la responsabilité du travail.

     

    Quel souvenir gardez-vous de ces années d'enfance très particulières ?

    Celui d'une grande concentration sur un travail qui n'avait que lui-même comme but, sans esprit de compétitivité, un travail entièrement personnel, tourné vers moi-même, sans rien pour en mesurer les résultats de manière tangible. Ce n'est pas du tout le souvenir d'une période heureuse, mais je crois que c'est pareil pour toute période d'apprentissage tant qu'on n'a pas la possibilité d'évaluer les résultats de son travail.

     

    Quand avez-vous su que vous vous ne feriez rien d'autre que jouer du violon ?

    Je ne sais toujours pas si je passerai toute ma vie à jouer du violon, car tant de choses peuvent arriver. En fait, quand vous vous voyez jouant du violon aussi loin que remontent vos souvenirs, vous n'envisagez guère d'autre avenir pour vous. Cependant, c'est quand j'étais à l'École Yehudi Menuhin en Angleterre où j'ai commencé à apprendre à vraiment bien jouer que j'ai compris que ce serait très probablement ma destinée.

     

    Comment était l'enseignement à l'École Yehudi Menuhin ?

    Très spectaculaire et génial à bien des égards. Très spécial aussi, avec l'omniprésence de toute la famille Menuhin. On faisait beaucoup de musique de chambre, toutes sortes de musiques. C'était une expérience très enrichissante.

     

    Quand avez-vous eu le sentiment que votre carrière avait démarré ?

    Je ne suis pas du tout sûr qu'elle ait démarré ! Je ne parle pas encore de mon travail en termes de carrière. Une carrière est quelque chose qui évolue très lentement et exige beaucoup de soin et d'attention. Elle commence quand vous êtes connu. Je ne le suis pas encore, juste par quelques initiés. C'est un monde à part, où je ne suis pas encore entré, auquel je ne pense pas beaucoup. Je laisse le soin à d'autres d'y penser pour moi.

     

    Est-ce que tout ce que va comporte désormais votre vie, les voyages, les concerts, les interviews, est pour vous un plaisir, ou juste des obligations inévitables ?

    Donner des interviews comme ici, au Café de la Paix, en sachant que Diaghilev a fréquenté cet endroit, s'est peut-être assis sur le siège juste derrière nous, cela me donne l'impression de prendre ma propre place, même modeste, dans toute une histoire musicale, surtout à Paris où tous les grands musiciens sont passés ou ont vécu. J'aimerais bien y avoir un jour un petit endroit à moi, à mon tour.

    Pour moi, les concerts, c'est une accumulation de choses : du travail, de l'inspiration et éventuellement un résultat, encore qu'il ne me satisfasse pas toujours. C'est chaque fois différent. Je suis plus inspiré si c'est un lieu exceptionnel, une circonstance particulière. Je suis heureux d'aller en scène, c'est une sorte de fête aux aspects multiples, mais quant à savoir ce que suis capable de donner, c'est aux autres, à vous, d'en juger, pas à moi.

     

    Au stade de la carrière où vous vous trouvez, comment bâtissez vous votre répertoire ? Avez-vous des passions pour certains compositeurs, des domaines que vous n'osez encore aborder ?

    Le XXe siècle est primordial pour moi. J'entends par là ses classiques. Pour un violoniste de 20 ans, son langage musical est immédiatement perceptible. C'est celui de notre époque, et c'est à nous de le défendre. Cependant, j'aime la musique de toutes les époques et aucun compositeur de me fait peur. De même, je ne peux pas dire que je préfère les oeuvres techniquement difficiles aux autres. C'est chaque fois un défi différent, une rencontre particulière.

     

    Y a-t-il des violonistes auxquels vous aimeriez vous identifier ?

    Plusieurs. Le premier est certainement Yehudi Menuhin, pour l'ensemble de sa personnalité, la manière dont il a mené sa vie. J'aime aussi beaucoup Isaac Stern, pour sa capacité à jouer et à penser si bien.

     

    Pensez-vous qu'il existe toujours une école de violon spécifiquement russe ?

    Je ne le crois pas. La plupart des gens de ma génération ont travaillé et travaillent encore à l'étranger. Il y a toujours de très grands musiciens russes, mais ils ont très rarement une formation exclusivement nationale. Avant, il était impossible de sortir du pays et d'aller travailler hors des frontières. Aujourd'hui, plus personne ne souhaite vraiment rester apprendre ni même vivre en Russie. C'est une réaction normale après tant d'années d'enfermement.

     

    Au stade où vous en êtes, qu'y a-t-il de plus facile et de plus difficile ?

    Quand on commence à voyager, à donner des concerts, le plus difficile est de trouver son chemin et de continuer à beaucoup travailler sereinement. En contrepartie, c'est formidable de découvrir tant de pays, de villes, de salles de concerts. Je tiens absolument à visiter les villes où je me trouve. Je ne veux pas n'en connaître que le trajet entre l'hôtel et le théâtre. Découvrir de nouveaux lieux me procure des sensations très enrichissantes. D'ailleurs, j'aime tout ce qui est beau.

     

    Le 10/10/2006
    Gérard MANNONI


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