altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 25 avril 2024

Laurent Korcia, la quête de la liberté
© Lisa Roze

Il passe allégrement du jazz au classique ou encore au contemporain et sait toujours s'associer dans des programmes très personnels aux meilleurs musiciens de tous bords. Le violoniste français Laurent Korcia s'affirme non seulement comme un grand interprète, mais comme un musicien complet, en perpétuelle quête de liberté.
 

Le 06/12/2006
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • Jérôme Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumé

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Votre actualité est très diversifiée, avec la sortie d'un CD Naïve au programme peu traditionnel reproduit pour un concert salle Pleyel le 9 décembre et suivi le 13 janvier par un autre concert, cette fois classique, avec l'Orchestre du Capitole de Toulouse et Tugan Sokhiev. Est-ce une volonté de sortir définitivement des sentiers battus ?

    J'ai toujours été attiré par un répertoire où le violon avait une place un peu singulière. Je me sens par exemple plus à l'aise dans la période qui relie le romantisme au XXe siècle que dans l'intégrale des concertos de Mozart. Mais le répertoire du violon est tellement vaste qu'il faut rester éclectique sans pour autant se figurer qu'on peut tout jouer. Certaines musiques me vont mieux que d'autres.

     

    Vos derniers disques semblent quand même affirmer une volonté de ne pas vous en tenir au répertoire standard d'un grand violoniste. On y trouve Danses avec aussi bien Brahms et Ravel que Portal et Albeniz, Piazzolla et Francescatti, un Bartokmania au programme plus classique suivi du Stabat Mater de Bruno Coulais et maintenant de ce Doubles jeux où voisinent notamment Django Reinhardt, Stéphane Grapelli, Maurice Ravel, Michel Portal, Claude Debussy, Henryk Wieniawski et vous-même.

    Tout dépend de ce que l'on entend par « standard Â». Si vous regardez les programmes des grands violonistes du début du XXe siècle, Fritz Kreisler, Jacques Thibaud, Jascha Heifetz, ils jouaient un concerto avec piano, du Sarasate suivi d'arrangements d'airs d'opéras, des programmes complètement variés. S'en tenir à des thèmes bien précis ou à un ou deux compositeurs par concert ou par disque est une coutume récente. Même à la Société Nationale de Musique, on donnait des airs d'opérette entre des mouvements de symphonie, un flûtiste venait jouer un solo, des danseurs danser un pas de deux. Les concerts étaient très longs.

    C'était beaucoup plus diversifié que les structures pratiquées aujourd'hui avec une ouverture, un concerto, une symphonie, avec même cette tendance de plus en plus marquée des chefs à ne diriger qu'une grande symphonie pour être seuls en vedette. Il y avait beaucoup plus de fantaisie avant. Dans le cas du CD Doubles jeux, c'est vrai que le programme n'est pas conventionnel, mais j'avais envie de faire un disque de duos avec des gens avec qui j'ai l'habitude de jouer. Enregistrer par exemple de la sonate de Debussy, que je pratique depuis que j'ai 15 ans, dont je me lasse pas et qui reste pour moi un miracle permanent. En partant de là, j'ai pensé à d'autres duos. Si j'ai demandé à Florin Niculescu de se joindre à moi, c'était forcément pour jouer son répertoire. Même chose pour Michel Portal. Cette diversité d'oeuvres et de musiques est donc liée au choix des partenaires avec lesquels je voulais jouer. Je vois en outre des connivences, des relations entre Ravel, Django Reinhardt, Bartók, Michel Legrand.

     

    Avez-vous l'intention de renouveler ce type d'expérience ou est-ce seulement une envie ponctuelle ?

    Je ne fais jamais de plans très longtemps à l'avance. J'ai imaginé ce programme par ce que j'en avais envie. D'ailleurs, je ne sais pas si dans quelques années on continuera encore à faire des disques. Alors je suis content d'avoir réalisé quelque chose d'un peu différent. Nous n'en sommes plus à l'époque où l'on avait des contrats de dix ans. Je fais ce que je ressens le besoin de faire à un moment donné, le disque Bartók l'an dernier, Doubles jeux cette année, sans logique particulière, sans volonté d'être différent des autres.

    Je trouve très enrichissant de jouer avec des artistes d'horizons aussi différents parce qu'on se met un peu en danger. Jouer avec Florin Niculescu, c'est me mettre en danger. Le jazz à ce niveau n'est pas dans ma pratique habituelle. Je dois donc adapter mon jeu, le hausser en ce domaine. C'est un peu comme un échange de balles avec McEnroe ! Tous ces gens sont très forts.

     

    Le concert avec le Capitole de Toulouse rentre dans une logique plus sage, avec le Poème de Chausson puis Tzigane de Ravel.

    J'ai rencontré Tugan Sokhiev il y a six ans. Il devait avoir 22 ans à l'époque. Nous avons joué à Saint-Pétersbourg ensemble, et dès la première répétition, la manière dont ce jeune homme parlait à cet orchestre, en russe, et bien que je n'y aie rien compris, révélait une autorité naturelle, un charisme qui m'ont fasciné. Il ne m'a jamais déçu depuis. Nous avons encore joué l'an dernier à Paris ensemble le concerto de Khatchaturian. C'est quelqu'un que j'aime beaucoup.

     

    Vous dites que l'on n'est pas fait pour tout jouer. Quelle musique n'avez-vous pas envie d'aborder, pour l'instant du moins ?

    Toute réponse ne peut être que très subjective et même erronée. Je peux me croire fait pour certaines musiques sans que ce soit le cas et inversement ne pas me croire apte à un certain répertoire qui m'irait fort bien ! Néanmoins, je sais que je ne peux plus jouer certaines oeuvres parce qu'elle sont trop liées à une époque où je les ai trop jouées ou trop entendues dans certaines circonstances. Je me choque moi-même en disant par exemple que les sonates et partitas de Bach, les fugues en particulier, sont pour moi trop liées aux examens de conservatoire et aux concours internationaux.

    Dans tous les concours, on trouve un Bach, un premier mouvement de concerto de Mozart, que j'ai massacrés, que j'ai entendu tant de collègues massacrer implacablement tous les ans. Je n'ai plus aucune fraîcheur dans ces pièces, liées à l'attente du passage difficile où le jury vous guette, au son de la clochette qui va vous arrêter après la cadence. J'aimerais retrouver une virginité dans l'approche de ces musiques, mais elles ont été trop rabâchées au cours de mes études. En revanche, j'ai une fascination pour le monde de l'improvisation. La liberté avec un instrument est ce qu'il y a de plus enivrant. Avoir le plus de liberté possible avec mon violon, voilà le seul but que je pourrais avoir, en gardant un désir instrumental et musical.

     

    Le 06/12/2006
    Gérard MANNONI


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com