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ENTRETIENS 25 avril 2024

L'âme romantique de Patricia Ciofi

La Nannetta de Falstaff à Bastille, l'Aspasia de Mitridate au Châtelet poursuit un parcours sage et captivant, placé sous le signe de l'exigence vocale et de l'éclectisme.
 

Le 05/04/2000
Propos recueillis par Michel PAROUTY
 



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  • On vous sent très attirĂ©e par le rĂ©pertoire belcantiste ; pouvez-vous expliquer ce choix ?

    C'est vrai que ma voix et ma vision de l'opéra s'accordent bien aux rôles très romantiques, à des personnages qui sont ceux des ouvrages italiens de la première moitié du XIXè siècle, ceux de Bellini ou de Donizetti, ou même du Rossini serio. C'est l'univers dans lequel je suis le plus moi-même. L'agilité et la virtuosité qu'ils exigent ne sont jamais gratuites mais toujours liées à des émotions. C'est un répertoire dans lequel l'expression et l'interprétation sont essentielles, et dont les personnages sont animés par des sentiments très riches.

     
    Mais lorsque vous avez commencé à chanter, pensiez-vous déjà à ces ouvrages ?

    Pas du tout. Très jeune, j'ai fait partie d'une chorale, joué de la guitare, fait de la musique pop, je ne connaissais absolument rien à l'opéra. Tout est venu par des rencontres, entre autres avec ma " maestra " Anastasia Tomaszewska, une Polonaise qui vivait à Sienne. C'est à elle que je dois ma technique, et mon amour de la musique et de l'opéra. Elle m'a donné le goût du beau son, des couleurs vocales ; chanter, ce n'est pas seulement faire sortir sa voix, c'est aussi trouver les nuances qui feront naître l'émotion chez celui qui vous écoute. A l'Accademia Chigiana de Sienne, j'ai suivi des masterclasses avec Shirley Verrett et Carlo Bergonzi. Et à l'école de Fiesole, j'ai fait une autre rencontre déterminante, celle de Claudio Desderi. Il est aujourd'hui directeur du Teatro Regio de Turin, mais c'était une basse très connue, et aussi un professeur très avisé. A Fiesole, il donnait une série de cours sur les opéras de Mozart/da Ponte ; j'ai participé à celui sur Don Giovanni, et nous avons monté le spectacle, avec Desderi comme chef d'orchestre. J'ai fait mes débuts dans Donna Anna. Et puis Desderi, qui était directeur artistique du théâtre de Pise, a engagé quelques-uns d'entre nous pour former une troupe. Nous avons assuré plusieurs saisons, et j'ai abordé de nombreux rôles, Norina dans Don Pasquale, Gilda dans Rigoletto, Nannetta dans Falstaff, et même Violetta de Traviata.

     
    Vous étiez très jeune pour ce rôle que toutes les cantatrices envient et redoutent !

    J'avais vingt-six ans, mais je l'ai fait dans des conditions de sécurité absolue. C'est un rôle très fatigant vocalement, physiquement, nerveusement, il embrasse la totalité d'une vie, l'amour, la mort, la société ; pour avoir une vision totale du personnage, il faut l'essayer sur sa propre peau. Je ne l'ai pas chanté souvent, je le fais à peu près tous les deux ans, toujours dans un contexte très sécurisant. Il m'a énormément aidé à évoluer à la fois comme artiste et comme être humain.

     
    Vous l'avez même chanté à La Scala, sous la direction de Riccardo Muti !

    Oui, mais je n'aurais jamais accepté cette proposition si je n'avais pas été familière du rôle. En fait, je doublais Andrea Rost, qui est tombée malade, et je suis entrée en scène pratiquement sans répétition ; j'avais la chance de bien connaître la partition, de savoir où je devais m'économiser, où je devais, au contraire, m'extérioriser davantage. J'avais un peu peur, malgré tout, car Violetta fait partie des rôles dont le public attend beaucoup, et les gens ne peuvent s'empêcher de faire des comparaisons avec Callas, avec Scotto. C'est une grande responsabilité que de vouloir interpréter des ouvrages très connus ! En ce qui me concerne, j'écoute beaucoup celles qui m'ont précédée, j'essaie d'avoir une vision globale, dont je retiendrai quelques détails pour composer mon personnage, avec toujours le souci de donner une image moderne, car l'opéra doit évoluer.

     
    Les metteurs en scène vous aident-ils à affiner cette vision ?

    Bien sûr. Je suis toujours très disponible avec eux, car je suis très amoureuse du théâtre. J'aime qu'ils m'apportent des idées nouvelles, créées pour moi, qui tiennent compte de leur vision et de ma personnalité. Ils occupent une place importante dans le monde lyrique d'aujourd'hui ; mais si on les laisse aller trop loin, ils risquent de déséquilibrer un spectacle.

     
    Comment se répartit aujourd'hui votre répertoire ?

    Il comprend Mozart, Pamina de La Flûte enchantée, Susanna des Noces de Figaro, Aspasia dans Mitridate, que j'ai chanté pour la première fois au Châtelet avec un diapason à 430, Rossini, dont j'ai interprété La Gazza ladra, La Cambiale di matrimonio, Il Signor Bruschino, Verdi, avec Gilda, bien sûr, Violetta, que je donnerai la saison prochaine à Avignon et sans doute en 2003 à Paris, Donizetti, avec Don Pasquale, L'Elixir d'amour, Lucia di Lammermoo, une héroïne fétiche pour moi, et une prise de rôle, l'an prochain, à Trieste, Ginevra di Scozia, ainsi que Bellini, avec Amina de La Sonnambula.

     
    Avec Amina et Lucia, vous vous heurtez encore au problème de comparaison que vous venez d'évoquer.

    Effectivement, puisque aussi bien Callas que Scotto ont marqué ces rôles.

     
    On s'y retrouve d'autant moins que Amina a été créée par Giuditta Pasta, qui, la même année, créa aussi Norma, et que la première Lucia, Fanny Persiani, était bel et bien un soprano léger !

    C'est vrai que lorsqu'on aborde ces rôles, aujourd'hui, on ne sait plus à quel saint se vouer. Amina, comme tout Bellini, c'est l'expression de la mélodie à l'état pur ; mais je crois que le personnage gagne à être chanté par une voix corsée et charnue. Lucia, c'est autre chose. Il y faut une vision théâtrale qui donne une justification à chaque note ; on doit allier la perfection du chant à la crédibilité dramatique.

     
    Que pensez-vous de la version française de Lucia, que vous avez interprétée ?

    Elle baigne dans une toute autre atmosphère que la version italienne. Prenez l'air d'entrée, par exemple. Le "Regnava nel silenzio" est un moment très dramatique, une vision de mort. Dans la version parisienne de 1839, "Que n'avons-nous des ailes" est un chant d'amour, d'attente, plus évanescent. Quant à la scène de la folie, elle est chantée un ton au-dessus, dans des couleurs plus claires.

     
    Ce qu'on sait moins, c'est que vous aimez, en plus du grand répertoire, les ouvrage rares.

    J'ai pris énormément de plaisir avec la Cendrillon de Massenet, ou Dircé dans la version française de la Médée de Cherubini, ou avec Il Re et Mese Mariano de Giordano. J'ai chanté ces trois derniers opéras au Festival de Martina Franca, où, cet été, je serai Desdemona dans l'Otello de Rossini, et Isabelle dans Robert le Diable de Meyerbeer. L'an prochain, à Montpellier, ce sera l'Ippolitto e Aricia de Traetta sous la direction de Christophe Rousset, une superbe musique ; mais aussi, dans quelques temps, Blondchen de L'Enlèvement au sérail, et en 2002, Sophie du Chevalier à la rose. J'aime alterner des rôles connus et d'autres plus rares, à l'écart des modèles et des comparaisons. J'aime me sentir libre."

     


    DISCOGRAPHIE :

    Bellini : La Somnambule, direction. Carella (Nuova Era)
    Donizetti : Lucie de Lammermoor (version française), direction. Benini (Dynamic)
    Giordano : Il Re/Mese Mariano, direction. Palumbo (Dynamic)

     

    Le 05/04/2000
    Propos recueillis par Michel PAROUTY


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