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ENTRETIENS 16 avril 2024

Vladimir Ashkenazy ou la baguette de Protée
© Sasha Gusov / Decca

Solide pianiste, c'est désormais à la tête des plus prestigieux orchestres du monde que l'on croise Vladimir Ashkenazy, le Philharmonique de Berlin, le Concertgebouw d'Amsterdam et toutes les prestigieuses phalanges américaines : Boston, Los Angeles, San Francisco et Philadelphia. De passage à Paris, il a rencontré l'Orchestre éponyme. Impressions.
 

Le 14/05/2000
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Vous êtes l'un des très rares instrumentistes qui arrivent à mener à ce niveau une carrière de soliste et une carrière de chef. Comment y parvenez-vous ?

    Je ne sais pas trop, mais çà fonctionne. Toute la vie est une question de choix, d'équilibre. En fait, c'est plutôt un état d'esprit. Quand vous voulez faire ce que vous aimez, vous le faîtes, tout naturellement. Il suffit de décider de diriger tel concert ou d'assurer tel récital. Après, c'est seulement une question d'organisation matérielle. Mais le plus difficile est de s'occuper de l'état psychologique des musiciens, de leurs problèmes. C'est au chef qu'il revient de maintenir l'enthousiasme, le dynamisme de tous.

     
    Avec cette double fonction et les responsabilités que cela implique, les multiples déplacements que vous êtes obligé d'effectuer, pouvez-vous établir un contact en profondeur avec les musiciens ?

    Je suis actuellement chef principal de l'Orchestre de la Philharmonie tchèque, fonction que j'ai assurée avant pendant dix ans au Deutsches Symphonie-Orchester Berlin et encore avant au Royal Philharmonic Orchestra et je dirige peu comme chef invité, pas assez même, selon certains. Je crois que ce sont des choix à faire et que si l'on veut effectuer sur la distance un vrai travail avec une formation orchestrale il faut y consacrer du temps et beaucoup d'attention. Les tournées -et j'en fais beaucoup avec les orchestres dont j'ai la responsabilité- sont aussi une excellente occasion de contacts, de rencontres, de discussions, car on est libéré des contraintes de la vie quotidienne ordinaire.

     
    On dit souvent qu'avec l'internationalisation de la musique et de sa diffusion, les orchestres n'ont plus une personnalité aussi distincte qu'autrefois. Pourriez-vous caractériser les différents grands orchestres que vous avez dirigés ?

    Ce n'est pas si facile ! Je ne suis pas très bon à cet exercice. Et puis, c'est dangereux, car on peut mal interpréter une opinion même si elle ne veut pas être restrictive. Mais c'est vrai qu'avec tous les moyens de communication dont on dispose aujourd'hui, on constate une tendance à l'uniformisation du son, sans qu'il faille exagérer ce danger. Et puis, la personnalité d'un orchestre est-elle si importante ? Ce qui compte avant tout, c'est la musique que l'on joue. Il faut travailler pour obtenir chaque fois exactement le type de son qui convient, à Mozart, à Beethoven ou à Rachmaninov. Si vous avez un orchestre au son très noir et que vous travaillez Debussy, c'est à vous d'obtenir la clarté nécessaire et vous y arrivez si vous le voulez vraiment, quitte à ce que l'orchestre perde sa personnalité. C'est une question complexe, car dès qu'il va se retrouver avec un autre chef et un autre répertoire, il va retrouver sa sonorité habituelle. Mais s'il existe une tendance à l'uniformité, certaines formations gardent quand même leur spécificité. Je ne pense pas que le Philharmonique de Berlin perde facilement sa sonorité. Il a un son bien à lui et je ne crois pas qu'il soit prêt à le perdre.

     
    Cela tient aussi à la nature des instruments employés et à la technique pratiquée dans certains pays, n'est-ce pas ?

    C'est vrai. J'aime beaucoup la tenue d'archet des contrebasses en Allemagne. Elle permet de merveilleux pizzicati. Mais c'est un détail, car vous pouvez de toute façon obtenir de beaux pizzicati ailleurs si vous le demandez. Leurs trompettes sont différentes, un peu en retrait, mais là aussi, vous pouvez les faire revenir au premier plan si vous le souhaitez. On peut tout obtenir d'un orchestre si on ne se contente pas de l'accepter a priori tel qu'il est et si on est conscient de ce que la musique exige.

     
    Vous pratiquez un très large répertoire. Votre programme des concerts avec l'Orchestre de Paris est pourtant assez particulier, avec Sibelius, Grieg et Fauré, des esthétiques assez semblables ?

    Je n'ai pas choisi ce programme mais je ne l'aurai pas accepté s'il ne me convenait pas. En fait, mon seul choix est le Pelléas et Mélisande de Fauré, car je trouvais que cette oeuvre allait bien avec le reste et que l'aime particulièrement pour son caractère introverti. La semaine dernière, en tournée, j'ai dirigé, Elgar, Mahler, Stravinski, Janacek, Tchaïkovski, Beethoven, Takemitsu. Mes centres d'intérêt sont multiples et variés. J'aime bien par exemple donner une brève pièce de Takemitsu en première partie avant la neuvième symphonie de Beethoven. Si vous me demandez quelle est la musique qui me convient le mieux, je vous répondrai aucune, car elles sont toutes difficiles, mais je les aime toutes !

     
    C'est la première fois que vous dirigez l'Orchestre de Paris. Quel est votre impression ?

    Nous avons eu un très bon contact. Ils sont très professionnels, très amicaux et ils apprennent très vite. Ils n'avaient jamais joué ces partitions et beaucoup ne les avaient même pas entendues très souvent. J'ai été très impressionné par la rapidité avec laquelle ils ont compris comment il fallait approcher cette musique. J'ai même été surpris par la qualité des cordes. Contrairement à ce que l'on dit souvent, elles ont un son très plein et très riche.

     
    Quels sont vos principaux projets d'enregistrement ?

    Les disques classiques se vendent moins bien et la plupart des projets ont été revus à la baisse. Je viens de commencer avec la septième symphonie de Mahler une intégrale de ses symphonies avec l'Orchestre de la Philharmonie tchèque, mais je ne suis pas certain que nous réalisions la totalité du projet. On devait aussi faire toutes les symphonies de Beethoven. Mais là encore, point d'interrogation ! Au piano, c'est plus facile, car les enregistrements reviennent moins cher ! Je prépare par exemple les transcriptions de Rachmaninov. Elles sont très intéressantes mais rarement jouées et peu connues du public. J'aime bien enregistrer et je suis même un collectionneur de CD. J'en ai plus de cinq mille, mais je suis battu par un japonais qui doit en avoir aujourd'hui plus de quarante mille !

     

    Le 14/05/2000
    Gérard MANNONI


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