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ENTRETIENS 29 mars 2024

La flexibilité latine de Rafael Frühbeck de Burgos

Ancien directeur musical de l'Orchestre national d'Espagne, Rafael Frühbeck de Burgos est un chef d'expérience qui se fait de plus en plus rare en France. L'Orchestre de Paris a eu néanmoins la bonne idée de l'inviter les 7 et 8 juin à la Salle Pleyel. Une occasion de redécouvrir ce grand chef discret.
 

Le 29/05/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • Vous ĂŞtes directeur du Rundfunk-Sinfonie-Orchester Berlin. Christian Thielemann a rĂ©cemment donnĂ© sa dĂ©mission du Deutsche Oper. Kent Nagano qui devait lui succĂ©der a finalement renoncĂ©. Les institutions musicales berlinoises semblent traverser une crise grave. Qu'en est-il prĂ©cisĂ©ment ?

    Toujours le même problème, le gouvernement se désengage des arts et de la musique en particulier. Conséquence : les sommes allouées fondent comme neige au soleil, et toutes les formations symphoniques de la capitale allemande ne peuvent tirer leur épingle du jeu. Certaines d'entre elles, comme la Philharmonie de Berlin, réussissent encore à maintenir plus ou moins la tête hors de l'eau ; d'autres " plongent " littéralement.

     
    Votre orchestre fait-il partie des heureux Ă©lus ?

    Hélas, non. Le manque à gagner s'est creusé, et il n'est désormais plus possible de constituer une saison normale, c'est-à-dire équilibrée et riche dans la diversité des répertoires abordés.
    Le projet des " politiques " pour le Rundfunk-Sinfonie-Orchester-Berlin vise à réduire les effectifs : de 112 musiciens, l'orchestre passe à 85 exécutants. Impossible de travailler dans ces conditions. J'ai donc décidé de quitter l'orchestre à la fin de la saison.

     
    Mais même réduit à 85 musiciens, l'orchestre n'aurait-il pas pu néanmoins continuer à fonctionner ?

    C'est vrai. Mais c'est tout de même une question de principe, sur laquelle il m'est impossible de transiger. Et puis, soyons francs : les musiciens qui resteront ne seront pas les meilleurs. Les autres ont déjà négocié des contrats plus juteux ailleurs, plus en rapport avec leurs attentes financières. La concurrence est une règle qui s'applique partout, y compris dans l'univers de la musique. Un vrai gâchis, que la situation de cet orchestre : durant les cinq années où j'ai exercé les fonctions de directeur musical, cette formation a fait d'importants progrès, et j'ai réussi à ouvrir le répertoire vers la musique contemporaine espagnole, avec une série de créations et de premières auditions. C'est vraiment dommage.

     
    Avant d'être patron du Rundfunk-Sinfonie-Orchester Berlin, vous avez présidé aux destinées de l'Orchestre symphonique de Vienne. Quelles sont les grandes caractéristiques de l'orchestre viennois ?

    On parle souvent des sonorités viennoises, du parfum inimitable qu'elles dégagent. C'est parfaitement exact. Ce qui frappe avec les orchestres autrichiens, c'est la qualité des cordes et des hautbois, faite à la fois d'une douceur accentuée et d'un caractère morbide prononcé.

     
    Votre parcours peut étonner. Vous avez commencé votre carrière en dirigeant des ¦uvres légères, après la guerre, en Espagne. Quels enseignements tirez-vous de cette période ?

    La Zarzuela, cette forme particulière à l'Espagne de théâtre populaire accompagné de musique et de chant, représente l'une des meilleures formations qu'un chef espagnol de tradition classique puisse recevoir. La Zarzuela, c'est un des genres musicaux les plus difficiles à diriger correctement : une instrumentation souvent problématique, car à l'origine prévue pour des petites formations. Malgré ces carences notoires, il convient de rester le plus " flexible " possible.

     
    Peut-on parler d'un style de direction hispanique ?

    Non. Je dirais qu'il y a surtout un style commun aux chefs latins, sans spécificité nationale proprement dite. Un style que l'on pourrait caractériser par la fameuse " flexibilité " du geste alliée à la clarté de la pensée.

     
    Votre direction d'inspiration latine n'a, en tout cas, pas choqué Otto Klemperer, qui vous a invité à diriger le New Philharmonia.

    Voilà un chef étonnant, bien loin de l'esprit latin que je représente. Ce qui étant fascinant chez lui, c'était l'extrême modernité de son regard sur les ¦uvres. Au-delà de l'image de chef glacial qu'il dégageait vers la fin de sa vie, jamais il ne s'installait dans un confort de l'écoute. Par exemple, avant presque tout le monde, il a joué la 6e symphonie de Beethoven avec une petite formation. C'était un musicien authentique.

     
    Mais comme tous les chefs de sa génération, Klemperer n'aimait pas enregistrer. Ce qui est loin d'être votre cas. Votre discographie est pléthorique. On y trouve, entre autres, une Carmen, pour laquelle vous avez une certaine affection.

    Un grand souvenir. Cette intégrale - avec Grace Bumbry, Mirella Freni et José van Dam - réintègre les dialogues parlés et fait doubler les chanteurs par des acteurs.

     
    Avez-vous de nouveaux projets discographiques ?

    Au moins un qui devrait bientôt se réaliser : l'enregistrement de l'intégrale des poèmes symphoniques de Liszt pour le label Bis.

     
    Il y a quelques mois, vous avez dirigé Cléopâtre de Berlioz à la tête de l'Orchestre de Paris. Cette partition est-elle vraiment du meilleur " cru " ?

    De toute évidence, cette cantate, écrite par Berlioz pour le Prix de Rome, est davantage qu'une simple curiosité : elle est traversée par un souffle dramatique exceptionnel, et la voix de la mezzo-soprano s'intègre au tissu orchestral avec une grande subtilité.

     
    Défendez-vous l'idée selon laquelle toute exhumation se justifie ?

    Je crois que l'exhumation systématique permet de garder l'esprit en éveil. Tout ne relève bien sûr pas d'une inspiration géniale, mais donnez une chance à chaque partition, c'est aussi la vocation des interprètes que nous sommes.

     


    Trois références discographiques

    - La Vie Brève de Manuel de Falla (intégrale) - Avec Victoria de Los Angeles et l'Orchestre national d'Espagne - EMI

    - Trois Graphiques pour guitare et orchestre de Maurice Ohana - Avec Narciso Yepes et l'Orchestre symphonique de Londres - DG
     Rapsodia Sinfonica de Joaquin Turina - Avec Alicia de Larrocha et l'Orchestre philharmonique de Londres - DG

     

    Le 29/05/2000
    Stéphane HAIK


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