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ENTRETIENS 26 avril 2024

Mark Padmore, orfèvre haendélien
© Johann Grimm

Si les récitals haendéliens de sopranos, et surtout de contraltos, masculins ou féminins, sont légion, peu de ténors s'y sont essayés. Timbre suave, musicalité délicate, diction ciselée, Mark Padmore signe en digne héritier de la grande tradition anglaise un parcours sans faute, mêlant en un subtil dosage airs d'opéras et d'oratorios.
 

Le 11/06/2007
Propos recueillis par Mehdi MAHDAVI
 



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  • Après Monteverdi, Haendel est parmi les premiers à redonner un rôle dramatique à la voix de ténor.

    Haendel écrivait en fonction des chanteurs dont il disposait. Dans la plupart de ses opéras, les rôles principaux sont tenus par des sopranos et des castrats. Mais la voix et le tempérament de Francesco Borosini l'ont intéressé, et il lui a confié le rôle de Bajazet dans Tamerlano. En ce qui concerne les oratorios anglais, c'est John Beard qui lui a inspiré les rôles-titres de Samson et Jephtha. À la fin de sa vie, il était parvenu à une grande simplicité d'écriture. À cet égard, le manuscrit de Waft her, angels, extrait de Jephtha, évoque une sculpture aux contours parfaitement nets.

     

    Est-ce pour cette raison que vous vous en tenez à des variations dynamiques, plutôt que mélodiques et rythmiques, dans le da capo de cet air ?

    La question de l'ornementation est très délicate. Dans un air comme Enjoy the sweet Elysian grove, extrait d'Alceste, on peut ajouter des petites choses facilement, mais dans Waft her, angels, j'ai eu très peur de perturber la ligne. Je m'en suis donc tenu à ce qui était écrit, en y apportant des intentions différentes, pour ne pas tomber dans la simple répétition.

     

    Malgré la présence d'airs virtuoses, la tonalité de votre récital est plutôt élégiaque. Est-ce délibéré ?

    J'ai fait un choix parmi les airs que j'ai déjà chantés sur scène. J'ai essayé d'obtenir un équilibre, mais les airs qui me touchent le plus sont ceux qui vont droit au coeur. Je ne suis pas un chanteur extraverti, je ne cherche pas à faire étalage de ma virtuosité, même si un air comme His mighty arm, extrait de Jephtha, fait appel à ce type de vocalité.

     

    Comment parvenez-vous à passer de la tessiture aiguë des hautes-contre à la française et la tessiture grave du ténor haendélien ?

    Il est vrai que les tessitures haendéliennes sont assez graves, particulièrement au diapason baroque, non seulement pour les ténors, mais aussi pour les sopranos. Je chante de moins en moins de musique baroque française, mais je continue à faire du Bach, et notamment les évangélistes des Passions, dont les tessitures sont hautes. J'espère garder cette extension, tout en développant mes graves, qui sont souvent sollicités dans le répertoire du Lied.

     

    Le ténor mozartien s'inscrit-il dans la continuité du ténor haendélien ?

    J'ai beaucoup aimé le travail que nous avons effectué avec René Jacobs pour donner vie aux récitatifs de la Clémence de Titus, d'autant qu'ils ne sont pas, pour la plupart, de la main de Mozart. Les récitatifs accompagnés sont très proches de ceux de Haendel. Ainsi, la scène de Grimoaldo dans Rodelinda s'apparente, aussi bien par l'esprit que par le texte, à celle de Titus au deuxième acte de la Clemenza. Le parti pris des deux compositeurs est authentiquement théâtral. La conception de Bach est très profonde, dramatique, mais totalement différente. Dans ses récitatifs, chaque note a sa valeur, tandis que Haendel et Mozart permettent une grande souplesse, notamment mélodique.

     

    L'influence de Haendel n'a-t-elle finalement pas été plus directe que celle de Bach sur les grands oratorios romantiques ?

    En Angleterre, les oratorios de Haendel n'ont jamais cessé d'être joués, et c'est après avoir entendu Israël en Égypte que Haydn a décidé d'écrire la Création. Lorsque Mendelssohn a fait jouer la Passion selon saint Matthieu, il a réécrit beaucoup de récitatifs, sans doute parce que les auditeurs n'étaient pas en mesure de comprendre ce que Bach avait réalisé dans ses oeuvres. Nous avons la chance de jouer cette musique à une époque où des chefs tels que Nikolaus Harnoncourt, Gustav Leonhardt, puis John Eliot Gardiner, Ton Koopman et Philippe Herreweghe nous ont ouverts à une nouvelle compréhension du monde de Bach, notamment grâce à la redécouverte des cantates. Bach était estimé des compositeurs romantiques, mais peut-être d'une façon limitée.

     

    Vous considérez-vous comme l'héritier de cette tradition des ténors anglais polyvalents incarnée par Philip Langridge et Anthony Rolfe Johnson ?

    Je n'ai clairement pas une voix de ténor italien, mais rien n'était vraiment déterminé. J'ai donc essayé ce que l'on me proposait. C'est ainsi que j'ai beaucoup travaillé avec William Christie. J'ai une grande admiration pour Philip Langridge et Anthony Rolfe Johnson. Si la qualité du timbre de ce dernier m'a toujours séduit, l'intelligence et la musicalité de Langridge, avec le professeur duquel j'ai étudié à une époque, sont en effet un modèle.

    La diversité des styles que nous abordons vient sans doute du fait que nous avons assez peu de répertoire dans notre propre langue, ce qui nous oblige à chanter en allemand, en français, en italien. Nous travaillons donc beaucoup avec des répétiteurs pour chanter avec intelligence, et une bonne prononciation. Par ailleurs, l'anglais est une langue très difficile à chanter, et très peu d'étrangers y parviennent.

     

    Vous chantez beaucoup le Lied.

    L'année prochaine, je vais donner les trois cycles de Schubert au Wigmore Hall à Londres. J'aime travailler avec des pianistes différents. J'ai par exemple fait la Belle meunière avec dix pianistes différents, et chacun d'eux m'a appris quelque chose. J'essaie d'être assez simple sur scène pour laisser la musique et le texte parvenir au public, afin qu'il puisse l'interpréter à sa façon. Comme lorsque je chante l'évangéliste, je ne cherche pas à trouver une seule et unique solution, car cela serait aussi ennuyeux pour moi que pour les auditeurs.

     

    Les récitalistes s'interrogent de plus en plus sur le problème de la traduction des mélodies. Certains préconisent les surtitres, d'autres résument les poèmes, ou en récitent la traduction.

    C'est une vraie difficulté. Pour le Voyage d'hiver, j'ai proposé une introduction d'une vingtaine de minutes avant le concert, ce que les auditeurs m'ont dit avoir apprécié. J'ai assisté à un récital de Bernarda Fink au Wigmore Hall, et bien que je ne connaisse pas bien les Lieder de Grieg et Brahms, j'ai eu le sentiment de tout comprendre. Tout dépend finalement de l'implication et de la concentration de l'artiste ; le reste est superflu.

     

    Êtes-vous plus à l'aise à l'opéra, en concert, ou en récital ?

    J'essaie de trouver un certain équilibre entre ces trois disciplines, bien que cela n'aille pas de soi. En ce qui concerne la scène, je préfère les nouvelles productions, avec de longues périodes de répétitions. Arriver deux jours avant la première pour chanter mon Ottavio ou mon Tamino ne m'intéresse pas du tout. On ne peut malheureusement pas savoir à l'avance si la mise en scène nous plaira, ce qui n'est pas sans poser des difficultés.

    Un spectacle où l'on peut jouer en toute confiance est une expérience très spéciale, mais assez rare. Néanmoins, avec des metteurs en scène comme Peter Brook, Deborah Warner, ou Mark Morris, j'ai eu de la chance. Quant au récital, le fait de n'être que deux permet d'être vraiment à l'aise, particulièrement si j'ai face à moi une pianiste avec qui j'ai pu vraiment travailler et répéter. Alors, la musique devient vivante.




    À écouter :




    As steals the morn
    Handel arias and scenes for tenor, avec The English Concert, dir. Andrew Manze
    1 CD Harmonia Mundi HMU907422

     

    Le 11/06/2007
    Mehdi MAHDAVI


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