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ENTRETIENS 19 avril 2024

Nemanja Radulovic, le funambule du violon
© Eric Manas

La hardiesse de ses interprétations emportées, presque funambulesques, fait du violoniste serbe Nemanja Radulovic l'une des révélations de l'été. De Colmar à Reims et à travers de nombreux festivals, à 21 ans, sa virtuosité a corroboré l'image flatteuse qu'il avait dessinée en décembre 2006 à Pleyel en remplaçant au pied levé Maxim Vengerov.
 

Le 07/08/2007
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Depuis Pleyel et plus récemment un récital à Carnegie Hall, votre carrière s'est envolée.

    Pleyel, c'était inattendu. On m'a téléphoné deux jours avant le concert pour me demander si j'étais prêt à remplacer Vengerov. Le concerto de Beethoven que je devais jouer, je venais de le donner avec l'Orchestre des Pays de Savoie et je l'avais dans les doigts. Je n'ai pas hésité. J'ai dit oui tout de suite pour ce concert avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France et Myung-Whun Chung. J'étais un peu inquiet de la réaction du public. Une star du violon, Maxim Vengerov, était annoncée et à la place survenait un inconnu. Mais l'auditoire a été formidable.

    Le récital à Carnegie Hall avec la pianiste new-yorkaise de Paris Susan Manoff faisait partie de la tournée des Rising star qui nous avait déjà amenés au Musikverein à Vienne et au Concertgebouw à Amsterdam. C'est d'ailleurs ce dernier concert qui m'a le plus marqué, en raison de la salle, extraordinaire, où l'on se sent si bien et du public, particulièrement chaleureux.

     

    Comment jeune Serbe êtes vous arrivé au CNSM à Paris ?

    Très simplement. Mes parents ne sont pas musiciens. Mon père est informaticien et ma mère radiologue. Je suis allé un jour avec ma mère à l'école de musique de Nis, ma ville natale de Serbie. Je voulais faire de la musique. J'ai été auditionné. Les professeurs m'ont proposé le violon quand ils ont vu que j'avais l'oreille absolue. Après, tout est allé très vite. On a déménagé à Belgrade et six mois plus tard, les concerts ont commencé. J'avais 7 ans et demi. Pour ma première apparition en public, j'ai joué un concerto de Vivaldi avec l'orchestre du conservatoire. J'ai commencé une petite carrière en Serbie et j'ai donné six cents concerts avant d'arriver en France.

    J'avais 14 ans quand toute ma famille a débarqué à Paris. C'était en 1999, la guerre avait éclaté dans mon pays. J'avais une bourse pour une école de musique à New York et une autre en Allemagne. Nous sommes d'abord partis pour l'Allemagne parce que c'était plus facile de sortir de notre pays vers un état de l'Union européenne. Au bout de quelques mois, j'ai participé à Paris au concours Long-Thibaud. Je suis arrivé en demi-finale. Mes parents, mes deux soeurs, qui sont musiciennes, et moi, nous nous sommes rendus compte que la vie de tous les jours à Paris correspondait à ce que nous souhaitions. Nous sommes donc restés. Nous avons l'esprit très famille.

    Ce même esprit de famille, je l'ai retrouvé au CNSM pendant deux ans auprès de mon professeur, Patrice Fontanarosa, mais aussi de sa femme, la harpiste Marielle Nordman avec laquelle je donne des concerts. Leur fils Guillaume Fontanarosa et moi avons formé un groupe, un quintette à cordes à partir du Quatuor Illico plus un violoncelle. On l'a appelé « les Trilles du diable Â», titre de la sonate de Giuseppe Tartini qu'on joue mais aussi parce que cela correspond à notre énergie. Et puis le mot diable peut séduire un public plus jeune qui ne va pas forcément au concert classique. Nous voulons également mettre en scène et en lumière la musique. On ne peut jouer Mozart et Prokofiev dans la même atmosphère. Et cela fonctionne.

     

    Maintenant, à 21 ans, que représente pour vous le mot « carrière Â» ?

    Donner des concerts dans les plus grandes salles du monde entier, c'est génial, mais ce que j'aime, c'est faire de la musique avec les gens qui partagent les mêmes idées que moi, comme le violoniste Laurent Korcia par exemple, de vingt ans mon aîné. Un jour il m'a demandé de jouer avec lui, pour un disque, les duos de Bartók. Laurent est un des rares violonistes à avoir une personnalité forte sur scène. Il a une vision de la musique. Nous sommes très différents mais nous prenons plaisir à faire de la musique ensemble. Ce fut le cas à la Folle Journée de Tokyo. J'ai envie de continuer à jouer avec lui.

    Moi, je suis très romantique et mon répertoire s'en ressent. J'adore aussi les Russes et le début du XXe siècle. Je fais également beaucoup de concerts pour les jeunes avec de la musique de film. Je suis de plus en plus ouvert à la musique contemporaine. Avec les Trilles du diable, dans chaque programme, nous intégrons un compositeur d'aujourd'hui. L'Italien Alessandro Annunziata qui, avec lyrisme, fait des mélanges comportant de la musique orientale et aussi du rock, vient d'écrire une pièce pour nous. Nous la donnerons en septembre. En fait, j'écoute toutes les musiques.

    Dans le rock, je trouve qu'on tourne un peu en rond. J'aime beaucoup le groupe Muse et j'adore la voix de Céline Dion. Quand on est un musicien, on peut être autant séduit par Beethoven que par une chanson. Quant à la musique binaire, au rap, je ne suis pas d'accord avec la manière dont on les présente. Je ne suis pas d'accord avec beaucoup de textes que je trouve assez vulgaires et pas assez approfondis. Cette musique-là pourrait être aussi bien faite sans la part de haine qu'elle véhicule. Le négatif est important, certes, mais il faut souhaiter le positif. J'aime quelques rappeurs. J'aime aussi la musique de Goran Bregovic, c'est une part de ma culture. Mais il y a tout le reste.

    Et puis, je suis à Paris, je souhaite y rester car ce que j'aime par dessus tout, c'est flâner dans les rues.

     

    Le 07/08/2007
    Nicole DUAULT


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