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ENTRETIENS 19 avril 2024

Lorin Maazel à New York ?
© BMG classics

On n'aura jamais autant parlé de Lorin Maazel qu'en ce début d'année. Succèdera-t-il à Kurt Masur à la direction musicale de l'Orchestre philharmonique de New York ? Le suspense restait entier, vendredi 19 janvier au soir. Au printemps dernier, dans un entretien à Altamusica, le chef américain revenait sur sa carrière.
 

Le 02/06/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • Le plus ancien souvenir que l'on a de vous est celui d'un jeune garçon invité par Toscanini à diriger son Orchestre symphonique de la NBC. Dans quel état d'esprit avez-vous affronté un tel monstre sacré?

    Au-delà d'une crainte bien légitime que je n'ai pas oubliée, cette rencontre avec ce géant de la direction d'orchestre compte sans nul doute au nombre de mes meilleurs souvenirs. Bien sûr, avec le temps, on a toujours tendance à embellir la réalité. Non, n'en déplaise aux " conteurs ", je ne l'ai vu qu'une seule fois dans ma vie : j'avais 11 ans, et déjà deux années d'expérience dans la direction d'orchestre, quand Toscanini me confia son orchestre. Lors de la répétition générale, à laquelle il avait tenu à assister, il est venu sur scène, a posé sa main sur ma tête, chaleureusement, me prodiguant quelques rapides conseils. Un moment magique, d'autant que je mesurais sans difficulté la place de l'Italien dans la vie musicale américaine de cette époque. Je me revois encore avec mon père écouter, dans un silence quasiment religieux, les concerts de Toscanini que la NBC diffusait sur ses ondes le week-end : des instants privilégiés, que des millions d'Américains suivaient avec la plus grande fidélité.

     
    C'est Toscanini qui a lancé votre carrière, mais vos monstres sacrés étaient plutôt Fritz Reiner et Victor de Sabata


    Absolument. Reiner, c'était la rigueur rythmique absolue ; de Sabata, c'était le prince de la couleur. Ces deux chefs m'ont durablement influencé lorsque j'étais à Pittsburgh, entre 10 et 20 ans, à l'époque où le Hongrois dirigeait l'Orchestre symphonique de Pittsburgh et où l'Italien était invité par l'orchestre. Mes souvenirs de Reiner sont ceux d'un jeune mélomane avide d'émotions musicales qui ne manquait pas une occasion de l'écouter en concert. Je ne l'ai donc pas côtoyé, mais sa technique hors pair, implacable, conserve aujourd'hui encore toute sa place dans ma mémoire. Avec de Sabata, c'était différent, car je l'ai connu un peu plus tard, à un moment où j'étais déjà adulte : parallèlement à mes études à l'université de Pittsburgh, où je fréquentais les classes de philosophie et de langues étrangères, je rejoignais fréquemment le rang des violons de l'Orchestre de Pittsburgh. Victor de Sabata n'a dirigé l'orchestre qu'une dizaine de fois. Suffisamment pour que le musicien de rang que j'étais comprenne que la musique participait aussi d'un acte théâtral avéré. Sa totale maîtrise de l'orchestre m'a beaucoup impressionné.

     
    Dans l'effervescence qui a accompagné vos débuts de chef, l'abandon du violon a-t-il constitué une décision douloureuse ?

    Ce n'est jamais agréable d'abandonner l'instrument qui vous a accompagné pendant de longues années, mais il fallait faire un choix, et j'ai préféré la direction d'orchestre. J'aurais sans doute pu concilier les deux activités, mais ce qui m'a dérangé en ces temps-là, c'était l'étroitesse du répertoire du violon. " Jouer en boucle " les Concertos de Beethoven, Brahms, Tchaïkovsky, Sibelius, cela aurait fini par me lasser, tôt ou tard. Je ne souhaitais justement pas tomber dans la routine. La situation, aujourd'hui, est bien sûr fort différente, et les violonistes disposent d'un répertoire aussi vaste que diversifié. Cela dit, depuis quelques années, je reprends de plus en plus fréquemment mon violon. Car un vrai musicien ne peut jamais renier l'instrument qui lui a procuré ses premières émotions musicales.

     
    Avez-vous le sentiment d'avoir toujours été apprécié par vos compatriotes? Il faut tout de même attendre le début des années soixante-dix pour que l'on vous confie la direction musicale d'un orchestre outre-Atlantique, à Cleveland, puis à Pittsburgh...

    Les Américains ne m'ont à aucun moment rejeté. J'ai simplement été, à un moment donné, très sollicité par les Européens, qui m'ont offert les conditions idéales à l'épanouissement de ma carrière. J'ai, en quelque sorte, défendu les couleurs américaines à l'étranger. Une sorte d'ambassadeur, lorsque, en 1960, je suis " monté " sur la colline sacrée à Bayreuth. J'étais alors le premier Américain à être invité par la famille Wagner. En m'installant, par la suite, pour de très longues périodes, aux Etats-Unis, j'ai aussi le sentiment d'avoir accompli ma mission de citoyen américain.

     
    Votre carrière a commencé au moment où naissait le microsillon. Pensez-vous que le disque ait largement contribué à asseoir votre carrière ?

    Il serait difficile de le contester. En quarante-cinq ans, j'ai dû graver près de 300 disques. Je crois que le disque est une chose importante pour un musicien. On a tort d'en minimiser la portée, car seul le disque offre, avec plus ou moins d'acuité, l'instantané d'un moment musical précis. Ce sont aussi et surtout des témoignages pour l'avenir, qui serviront, je l'espère, aux nouvelles générations.

     
    Un autre aspect de votre carrière est la composition. Vous travaillez actuellement à l'écriture d'un opéra basé sur le roman " 1984 " de George Orwell.

    L'opéra devrait être créé en 2004. Le livre d'Orwell était, au moment de sa publication (fin des années quarante), un " roman d'anticipation ", qui montrait comment, paradoxalement, une société moderne se donnait insidieusement les moyens de se détruire ! Hélas, aujourd'hui, ce n'est plus de la science-fiction, mais une triste réalité : l'homme moderne a perdu une bonne part de sa liberté, cette liberté qui s'est " construite " patiemment au fil des siècles.

     


    REPERES DISCOGRAPHIQUES

    Ravel : L'enfant et les sortilèges + L'heure espagnole, Orchestre national de l'ORTF - DG

    Sibelius : Symphonies (intégrale) - Orchestre philharmonique de Vienne - Decca
    Concert du Nouvel An 1996 - BMG

     

    Le 02/06/2000
    Stéphane HAIK


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