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ENTRETIENS 26 avril 2024

Lionel Bringuier, l'adolescence d'un chef

À 14 ans, il avait fait sensation lors des Victoires de la musique. À 19 ans, il était nommé assistant de John Nelson à l'Ensemble Orchestral de Paris. Vainqueur en 2005, le jour de son anniversaire, du 49e Concours de Besançon, il devient aujourd'hui même l'assistant d'Esa-Pekka Salonen à Los Angeles. Couronné en juin par le Syndicat de la critique, Lionel Bringuier raconte ses premiers pas de maestro.
 

Le 24/09/2007
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • La médiatisation dont vous êtes l'objet est-elle une gêne ou un encouragement ?

    Après les Victoires de la musique, très médiatisées en 2001, je me suis mis à travailler le plus sérieusement possible la direction d'orchestre, sans donner d'interviews. À 14 ans, j'avais tellement peur de passer pour un singe savant ! Chef, c'est un métier sérieux qui demande des études approfondies. Le Concours de Jeunes Chefs d'Orchestre de Besançon en 2005 a remis la pression médiatique.

    En juin 2006, j'ai obtenu mon diplôme de direction d'orchestre au CNSM. Il venait après mon diplôme de violoncelle en juin 2004. J'ai eu aussi mon prix d'analyse et je crois avoir eu une formation complète que j'ai enrichie depuis janvier 2005 en étant assistant à l'Ensemble Orchestral de Paris. J'ai pu acquérir le métier de l'intérieur. Cela a été totalement bénéfique.

    Devenir assistant n'est pas si simple. Pour l'Ensemble Orchestral comme pour tout orchestre, j'ai dû passer un concours. Nous étions cent vingt candidats venus du monde entier. Il restait vingt finalistes. Dès le premier contact, j'ai senti un vraie relation avec les musiciens. Elle s'est poursuivie pendant les deux années qui ont suivi. J'ai été ensuite assistant à l'Orchestre de Bretagne : une formation jeune et dynamique dont je demeure chef invité. Cela colle très bien au point de vue des dates avec mon contrat à Los Angeles.

     

    Vous arrivez à la Philharmonie de Los Angeles ce mois de septembre. Comment votre nomination est-elle intervenue ?

    Cent quatre-vingts candidats au poste d'assistant d'Esa-Pekka Salonen avaient envoyé des vidéos, une formalité très habituelle. Une audition a été proposée à sept d'entre eux, les 5 et 6 octobre 2006. J'en étais. La première journée était consacrée à des entretiens. Aux États-Unis, un chef assistant fait totalement partie de la vie de l'orchestre. Il dirige les concerts pour les jeunes, pour les familles, ceux destinés aux étudiants ainsi que ceux du Hollywood Ball avec très peu de répétitions. Il dirige également des concerts de musique contemporaine. La deuxième année de son assistanat, il dirige un concert d'abonnement. L'assistant est de tout les concerts y compris ceux des chefs invités.

    Lors des entretiens préalables est jugée la psychologie du candidat. On lui pose des questions générales autant sur l'administration que sur la musique. Ensuite une journée est consacrée à diriger l'orchestre. Il s'agissait notamment d'extraits de la Symphonie fantastique de Berlioz et de la 8e symphonie de Beethoven. C'était comme un concours. Il fallait donner le meilleur. J'ai senti que c'était une chance d'être là.

    Pourquoi m'a-t-on choisi ? Je crois que c'est la communication que j'avais avec les musiciens sans avoir besoin d'arrêter l'orchestre qui l'a emporté. J'avais beaucoup travaillé les oeuvres. Ce qui est formidable, c'est qu'un geste suffit et tout l'orchestre répond immédiatement. La Philharmonie compte cent dix musiciens. J'ai fait mes débuts officiels beaucoup plus tôt que prévu.

    À la fin octobre 2006, un chef est tombé malade. J'ai dirigé l'orchestre en concert, un samedi matin au Walt Disney Concert Hall, sans répétition préalable. La salle de 2500 places était pleine. C'était quitte ou double, et mon grand début aux États-Unis. Cela s'est bien passé. Au programme, il y avait l'ouverture des Noces de Figaro de Mozart que j'avais déjà dirigée, mais aussi Till l'Espiègle de Richard Strauss que j'avais seulement étudié.

    Un petit « frenchie Â» à la Philharmonie, vous pensez comme on a pu en parler ! Curieusement, quand on est français aux États-Unis, on est très écouté. Les gens sont très curieux même dans la rue. Ils ne sont pas du tout bornés. Les orchestres français et les chefs comme Pierre Boulez ou encore Georges Prêtre sont très appréciés. Beaucoup plus qu'on ne l'imagine en France.

     

    Quand on vous voit au pupitre, on sent que vous avez une autorité naturelle.

    Il n'y a pas de recette miracle pour l'acquérir, sans quoi tout le monde l'appliquerait. Quand j'arrive, j'essaie de lire l'oeuvre avec les musiciens. Je ne dirige pas à la première lecture comme au concert. Je donne quelques indications mais surtout j'écoute les musiciens. La première chose dans le métier de chef, c'est l'écoute. Parfois, on est trop préoccupé par la direction elle-même, on n'écoute pas suffisamment et on ne perçoit pas les erreurs.

    Il faut garder du recul dès le début. J'ai appris cela de Pierre Boulez en suivant ses répétitions avec l'Orchestre de Paris. Il a une oreille infaillible, un grand respect des musiciens. Il dit les choses naturellement sans que personne se sente visé personnellement. Il n'est jamais cassant. Il ne fait pas un show, il est au service de la musique. Il sait très bien que les musiciens ne sont pas là pour mettre en valeur le chef mais l'oeuvre qu'ils jouent. Quand les musiciens ont compris cela, ils sont en confiance. Ce n'est pas toujours aussi clair.

     

    Avez-vous des modèles ?

    J'ai beaucoup de chance, car Esa-Pekka Salonen est de ceux-là. Que rêver de mieux que devenir son assistant ? Je vais pouvoir le découvrir de près. Je n'ai jamais travaillé avec Pierre Boulez, que j'espère rencontrer. J'aime aussi le naturel de Claudio Abbado qui galvanise les musiciens. Quant à Simon Rattle, j'ai été impressionné par son travail sur les pièces de Mozart et Haydn. Ils ont tous en commun une chose que j'apprécie : ils abordent tous les répertoires.

    Je travaille beaucoup en les regardant, en visionnant des films mais sans les copier. Avant d'imiter qui que ce soit, il faut d'abord se trouver soi-même. Un autre chef que j'admire, c'est Carlos Kleiber. Mais imiter sa gestique, c'est inimaginable ! Il faut, je crois, trouver sa propre gestique, les gestes les plus clairs, les plus basiques.

    Dans la musique contemporaine, la gestique est plus difficile, avec baguette, sans baguette, plus ou moins nerveuse. Je dirige avec baguette, mais les oeuvres à petits effectifs ou la musique contemporaine sans baguette. La baguette, c'est une question d'habitude. Je viens du violoncelle où j'avais toujours un archet dans les mains. Cela m'est venu naturellement de diriger avec une baguette.

    Le bras droit, c'est la mesure et le gauche le phrasé, voilà la base. Mais on peut mélanger. Et puis la direction d'orchestre, ce peut-être aussi un coup d'œil. En revanche, certains, Karajan bien sûr, Chung parfois, ont dirigé ou dirigent les yeux fermés. Parfois, ça aide, ça rapproche les musiciens. C'est comme diriger par coeur. J'ai une mémoire photographique, je mémorise les pages et j'essaie tout en gardant la partition sur le pupitre de diriger par coeur.

     

    Quel est votre répertoire ?

    On me demande beaucoup de musique française. J'ai des objectifs plutôt que des rêves. Je rêve certes de diriger à nouveau à Paris, ce que j'ai déjà fait au printemps et ce que je referai à l'automne avec l'Ensemble Orchestral. Ce sera également plus tard en 2008, Petrouchka avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France. L'un de mes objectifs est la musique française et de donner des raretés. Michel Plasson l'a fait mais je crois qu'il y a encore de nombreuses pièces à redécouvrir. J'ai aussi pour objectif l'opéra, et là encore remettre au goût du jour des oeuvres lyriques françaises trop peu jouées.

     

    Le 24/09/2007
    Nicole DUAULT


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