altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 27 avril 2024

L'invincible santé vocale de Marcelo Alvarez

La nouvelle génération des ténors gagne avec Marcelo Alvarez son nouveau triumvirat. En effet, aux côtés de Roberto Alagna et José Cura, Alvarez est le troisième larron réclamé par toutes les scènes lyriques internationales et loué sans mélanges par la critique. Une voix à suivre.
 

Le 04/06/2000
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • JĂ©rĂ´me Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumĂ©

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Vous triomphez dans Rigoletto l'OpĂ©ra national de Paris Bastille oĂą vous avez dĂ©jĂ  chantĂ© La Traviata en 1998 et l'on vous dĂ©signe comme le nouveau grand tĂ©nor du circuit international. OĂą et comment avez-vous appris le chant ?

    J'ai commencé à chanter à Cordoba, ma ville natale, en Argentine, presque par hasard. Je faisais tout autre chose que de la musique puisque je travaillais pour une fabrique de meubles et je chantais un peu en amateur pour mon plaisir. Par l'intermédiaire de ma femme, j'ai rencontré un professeur de chant qui m'a vivement conseillé de travailler sérieusement ma voix, pensant que j'avais ce qu'il fallait pour être chanteur d'opéra. Tout s'est alors passé très vite. J'ai commencé à travailler à Cordoba, puis à Buenos Aires. J'ai alors débuté dans Le Barbier de Séville à Cordoba, en 1994, puis à Buenos Aires, puis en Espagne. De là je suis allé en Italie où je me suis installé pour commencer à travailler immédiatement avec de grands chefs comme Gavazzeni et Siciliani qui m'ont emmené à la Fenice de Venise et à Gènes, et je me suis retrouvé en pleine carrière sans m'en rendre compte !

     
    Vous n'avez jamais connu de " petits débuts " dans des théâtres modestes avec des rôles secondaires ?

    Je n'ai jamais fait de petits rôles dans de petits théâtres. J'ai tout de suite chanté les premiers rôles dans de grands théâtres face à un public important et avec des chefs célèbres. Au début, c'était une pression terrible, mais, grâce à Dieu, je n'ai pas fait d'erreurs et suis parvenu en très peu de temps là où je suis ! J'avais étudié la musique quand j'étais enfant, dans une école spéciale où l'on faisait des études générales le matin et de la musique l'après-midi. À dix-sept ans, j'avais mes diplômes de professeur de musique et de chef de choeur. Je n'ai pas alors voulu en vivre et j'ai fait des études de commerce à l'université pour commencer une vie professionnelle dans l'affaire familiale, avant de revenir à la musique.

     
    Quand vous vous êtes décidé pour cette carrière, étiez-vous attiré parce qu'implique la vie d'un musicien international ?

    Je n'en avais pas la moindre idée, mais j'étais heureux de me trouver enfin une vocation, et de sentir une vraie joie en moi. J'en oubliais tous les obstacles qui se dressaient devant moi. Les études, les voyages, la vie à l'étranger, tout cela m'importait peu car j'avais trouvé ma passion dans ce monde de l'opéra que j'adore.

     
    Parmi ces obstacles, quels ont été les plus difficiles et les plus faciles à surmonter ?

    Je n'ai jamais tellement songé à la difficulté car j'ai toujours recherché le naturel. Je veux que les gens qui me voient sur scène soient confrontés à un personnage crédible et vrai. J'étudie la musique, le rôle, le personnage, la mise en scène, mais quand j'ai tout appris, je cherche à réaliser ce qui est bien pour moi. Je ne veux pas composer. Tous mes mouvements, tous mes jeux de scène sont sincères, spontanés pour que le public voit une incarnation naturelle du rôle. En fait, tout est difficile, mais l'amour que j'y porte rend tout facile.

     
    Avez-vous le même comportement dans l'élaboration de votre répertoire ?

    Je n'ai pas changé de ligne de conduite depuis mes débuts et je suis toujours les indications de mes premiers professeurs. Ma voix est naturellement faite pour le bel canto, et cela me convient parfaitement. Peut-être une évolution se dessinera-t-elle en 2003 quand je chanterai la Bohème et Luisa Miller, mais je ne suis pas comme ces ténors qui ont la folie de vouloir tout de suite faire du vérisme et se coupent ainsi du bel canto. J'adore le répertoire que je fais et n'en changerai que si l'évolution naturelle de ma voix l'exige.

     
    Le répertoire français vous convient-il ?

    Je suis fou de musique française. J'ai déjà chanté Werther, Faust, Manon et je reviens à l'Opéra de Paris l'année prochaine pour Manon. Je dois aussi chanter Les contes d'Hoffmann à Covent Garden à la rentrée et Romeo et Juliette en 2004. Le romantisme et l'écriture vocale de cette musique me vont particulièrement bien. Les Contes d'Hoffmann sont un rôle un peu plus lourd mais je l'ai accepté parce que Alfredo Kraus l'a chanté. C'est pour moi l'un des plus grands ténors qui soient, mon modèle, et il pratiquait le même répertoire que moi au même stade de sa carrière. Le rôle d'Hoffmann peut très bien se chanter sans forcer, comme il le faisait lui-même. On dit souvent que mon style rappelle celui de Kraus et je sais qu'il avait comme moi le souci du détail, qu'il portait la même attention, le même soin, aux petites phrases souvent jugées insignifiantes qu'aux grandes auxquelles tout le monde s'attache.

     
    Vous semblez ne pas hésiter à prendre des risques pour interpréter et ne pas vous contenter de donner de la voix.

    Le premier risque est de chanter un opéra ! Il faut avant tout que le public ne s'en rende pas compte. Il est là pour se divertir et il ne doit pas souffrir avec le ténor ou le soprano. Je crois y parvenir car ma technique me permet de ne penser qu'au personnage, au rôle, à la meilleure manière de le rendre vrai aux yeux du public. Le risque existe toujours, mais comme je travaille énormément la technique avant d'aller en scène, je ne suis pas anxieux. De toutes manières, pour moi, c'est un tout : je ne peux chanter que si je suis en accord avec moi-même, si j'ai compris ce qu'on me demande. Je suis prêt à accepter les exigences d'un metteur en scène ou d'un chef, s'il peut me les expliquer et me convaincre de leur intérêt, de leur sens. Je n'ai jamais connu de conflit en ce domaine, surtout avec les chefs d'orchestres qui comprennent que j'ai une musicalité naturelle et qui m'aident toujours à l'exploiter dans ce sens.

     
    Aimeriez-vous plus tard faire comme Placido Domingo et changer complètement de répertoire en passant par exemple à certains rôles wagnériens ?

    Tout dépend de l'évolution de ma voix. C'est totalement imprévisible. Quand j'ai commencé, elle était très petite et elle a grandi extrêmement vite. Difficile de prévoir ce qu'elle deviendra dans dix ou vingt ans. Pour le moment, tout ce que je peux dire, c'est je ferai sans doute Le Bal masqué en 2006, car c'est dans ma voix. Peut-être aussi des Verdi du tout début. Pour le reste, je ne sais pas. Il faut rester à sa mesure. C'est essentiel. Pas question de dépasser mes moyens du moment. Alors, l'avenir sera ce qu'il sera, mais toujours dans ma voix naturelle.

     
    Jouer un personnage vous amuse-t-il autant que le chanter ?

    J'adore le théâtre, incarner tous ces personnages. Malheureusement, je dois reconnaître que j'ai des goûts très traditionnels. Sans doute suis-je arrivé trop tard dans le monde de l'opéra pour profiter des spectacles figuratifs où l'on se contente de raconter l'histoire. Aujourd'hui, pratiquement tous les metteurs en scène font de la psychanalyse, de la philosophie, de la métaphysique. Je suis très malléable, je m'amuse beaucoup, mais j'espère qu'un jour cette mode passera et qu'on en reviendra à des conceptions plus simples.

     
    Vous venez d'enregistrer un disque consacré aux tangos de Carlos Gardel. Est-ce vraiment par goût pour cette musique ?

    Je suis d'abord un chanteur d'opéra. Au départ, je n'étais pas très enthousiasmé par ce projet car je ne suis pas d'une génération qui connaît bien cette musique et qui la pratique beaucoup. Mais je me suis trouvé confronté à des partenaires formidables, tellement musiciens et passionnants que j'ai fini par accepter. J'en suis maintenant très heureux, je ne regrette rien, mais ce n'est pas une musique que j'écouterais à longueur de journée, contrairement à l'opéra dont je ne me lasse jamais.

     


    REPERES DISCOGRAPHIQUES

    - Bel Canto avec le Welsh National Opera sous la direction de Carlo Rizzi, extraits de Traviata, Rigoletto, L'Ă©lixir d'amour, Lucia di Lamermoor Sony SK 60721

    - Marcelo Alvarez sings Gardel Sony SK 61840

     

    Le 04/06/2000
    GĂ©rard MANNONI


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com