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ENTRETIENS 20 avril 2024

André Engel, l'inverse de la langue de bois
© Alvaro Yanez

Il est l'un des plus inventifs metteurs en scène de théâtre et d'opéra. Sa Lady Macbeth de Chostakovitch à la Bastille est entrée dans la légende. André Engel reprend au TCE une autre de ses productions fétiches, le Rake's Progress de Stravinski. A l'opposé de ceux qui usent de la langue de bois avec véhémence, il s'explique sans fard.
 

Le 06/11/2007
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Un autre Rake's Progress que le vĂ´tre sera prĂ©sentĂ© en mars Ă  l'OpĂ©ra de Paris. Cette partition est dĂ©cidĂ©ment dans l'air du temps.

    Cette oeuvre est exceptionnelle, rare, et d'actualité. C'est un opéra néoclassique, malicieux. Dès 1999, quand je l'ai monté à Lausanne avant Chambéry, Bordeaux et le Théâtre des Champs-Élysées où elle est reprise aujourd'hui, j'y ai senti la modernité du jazz, ainsi qu'une autre forme de représentation lyrique.

    Une fois que l'on a fait abstraction des huit gravures d'Hogarth et qu'on se concentre sur la musique, on entend quelque chose de très moderne. Stravinski a composé son opéra à Hollywood, on y trouve donc bien Stravinski, mais aussi la musique de film, Gershwin, Bernstein ainsi que des formes qui émergent sur la scène américaine. L'oreille naïve qui est la mienne fait cette relation. Je propose une version qui est un clin d'œil à la comédie musicale américaine autant qu'à l'opéra du XVIIIe siècle.

     

    Tom est-il vraiment un débauché, un libertin ?

    Non, c'est un jeune homme naïf. Pour lui, la vie vaut beaucoup mieux que de passer son temps à des travaux d'écriture chez un notaire. Il est ouvert à toutes les propositions, y compris les plus malicieuses. Il ne se rend pas compte que la personne qui vient solliciter son penchant pour la vie facile est un être maléfique et méphistophélique. Il entreprend un voyage dans l'espace et dans le temps qui va le conduire à la folie et à la mort. Au départ, je porte un jugement positif sur quelqu'un qui, à 20 ans, attend tout de la vie.

     

    Les gravures d'Hogarth vous ont-elles inspiré ?

    Elles ont guidé mon travail. Il y a chez Hogarth, avec l'acuité de son trait, une extraordinaire méchanceté vis à vis de la société de l'époque, une aigreur dans la dénonciation du monde social et moral que l'on ne retrouve pas chez Stravinski. Ce fut l'un de mes premiers étonnements. Ce qui a intéressé Stravinski, c'est autre chose : une fable désinvolte, ludique et pleine d'autodérision. Dans sa partition, Il n'épouse jamais le regard satirique, voire méchant, de Hogarth.

     

    Avez-vous privilégié le côté satirique ou la légèreté de la fable ?

    J'ai privilégié l'humour, la légèreté, le brio, l'amusement, l'intelligence avec lesquels les librettistes Wystan Hugh Auden et Chester Kallman, ainsi que Stravinski, ont écrit leur opéra : leur complicité est pleine de fraîcheur, de jeunesse et de fantaisie. Lors de la création de l'oeuvre en 1961, on a fait des reproches incroyables à Stravinski, on l'a même accusé d'avoir plagié des oeuvres du passé.

     

    A-t-il donc fait oeuvre de plagiat ou de génie ?

    Stravinski n'a rien plagié du tout. Un plagiaire, c'est un artiste qui n'a pas d'idées et qui en vole aux autres. Dans l'opéra de Stravinski, ce ne sont que des pastiches, des traits d'humour, des références et des citations. J'aime beaucoup cette façon de faire que je pratique au théâtre. Dans mon métier de metteur en scène, j'emprunte, avec des décalages. Tout est affaire d'esprit et d'élégance. On retrouve tout cela dans le Rake's Progress.

     

    Avez vous modifié certaines choses pour cette reprise ?

    Non, mais quand un metteur en scène reprend une production, s'il ne dispose pas des mêmes interprètes, il doit tenir compte des particularités des nouveaux. Il ne s'agit pas de demander à un chanteur d'en copier un autre, car cela n'aurait aucun sens, mais de tenir compte de ses spécificités. Mais en dehors de ces minimes aménagements, le spectacle que vous allez voir n'est pas différent de celui de 2001.

     

    Vous partagez votre temps entre le théâtre pur et le lyrique. Que vous apportent l'un et l'autre ?

    L'opéra est tantôt plus facile tantôt plus difficile. En tant que metteur en scène de théâtre, le plus délicat est de trouver le rythme juste. Ce problème, en lyrique, n'existe pas, il est réglé par la musique, qui apporte une émotion immédiate, un affect plus puissant que le théâtre et la poésie. Quand on arrive à créer une osmose entre l'art scénique et la musique, alors la satisfaction est plus grande. J'ai réussi quelques opéras et la satisfaction que j'en ai éprouvée est plus forte que pour les pièces de théâtre que j'estime avoir réussies.

     

    Quels sont les opéras que vous estimez avoir réussis ?

    Avant tout Lady Macbeth de Chostakovitch à la Bastille. Ma production a été détruite sur la volonté d'un monstre d'égoïsme qui a pour nom Hugues Gall et qui est aujourd'hui conseiller du Président de la république.

    J'aime aussi beaucoup le Rake's Progress du Théâtre des Champs et j'ai une grande tendresse pour des pièces qui ont été peu jouées comme K
    de Philippe Manoury. C'était une expérience extraordinaire. Pour la première fois, j'ai été à l'origine de la création d'un opéra. J'ai participé à l'élaboration du livret, et aimerais beaucoup renouveler ce type d'expérience.

    J'ai également beacoup aimé la Petite renarde rusée, qui sera reprise la saison prochaine. Cardillac, toujours à l'Opéra de Paris, a été également une grande aventure.

     

    Quels sont vos projets ?

    J'ai très envie de monter Wozzeck de Berg. Depuis le temps que je le dis, je ne comprends pas qu'aucun directeur d'opéra ne me le confie. A l'Opéra, Gerard Mortier l'avait d'abord proposé à Marthaler. C'est pourtant un de mes rêves. Sinon, Nicolas Joel, le successeur de Mortier, n'a pas fait appel à moi. Je regrette de ne pas continuer à travailler à la Bastille, car je suis l'un des premiers à avoir donné à cette institution son éclat.

    Au Théâtre, je prépare La Petite Catherine de Heilbronn de Von Kleist, que j'ai commencé à répéter à l'Odéon-Berthier. Il était question que je sois associé à l'Odéon. Je l'ai été un temps et croyais que cela devait continuer. Mais rien. Il n'y a aucun suivi dans la politique de l'État de ce pays !

     

    Quand vous mettez en scène, quel est votre principe premier ?

    Je me dis toujours avant tout : aurais-je envie de payer pour voir ça ? Je mets en scène les spectacles comme j'aimerais les voir en tant que spectateur.

     

    Le 06/11/2007
    Nicole DUAULT


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