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ENTRETIENS 20 avril 2024

Hanna Schaer, l'excellence dans la durée
© D.R.

L'événement lyrique de cette fin d'automne est à Bordeaux. La création mondiale de Genitrix, d'après Mauriac, est due au compositeur hongrois László Tihanyi, compagnon de route de Peter Eötvös. Il a choisi comme interprète principale la mezzo française d'origine suisse Hanna Schaer. Elle revient sur sa carrière et décrit cette oeuvre magistrale de deux heures et demie.
 

Le 23/11/2007
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Qu'est-ce qui vous a attirĂ© dans Genitrix ?

    Félicité est une femme redoutable que mettent en scène le roman de Mauriac et cet opéra. À 63 ans passés, il est normal que je chante des rôles de femme mûre et de caractère. J'ai d'abord rencontré la metteur en scène Christine Dormoy. Puis je me suis mise au piano et ai déchiffré la partition que je ne connaissais évidemment pas. Et j'ai été engagée.

     

    Qui est à l'origine de cet opéra ?

    Le compositeur hongrois László Tihanyi a eu un coup de foudre pour le roman triste et plein de frustrations de François Mauriac. J'y suis une veuve très possessive. Ma bru Mathilde meurt en couches. Mon fils Fernand, après la mort de sa femme, prétend qu'il l'aimait vraiment. Mais en fait, il aime sa mère. Après son mariage, il s'était installé dans une alcôve, près de la chambre de sa mère. Il est toujours en communion avec elle, il lui raconte tout. Le rôle principal du roman et de l'opéra n'est pas Félicité, mais bien sûr Fernand, le fils qui endure un calvaire, souffre et n'arrive pas à vivre dans ce climat obsessionnel, délétère et sans espoir.

     

    Comment qualifieriez-vous la musique pour un chanteur ?

    Elle est redoutable ! Mon personnage est important mais celui de Duluc par exemple, le médecin qui vient constater le décès, doit faire face à une écriture très tendue et aiguë. La musique et l'orchestration sont toutefois très belles. Dans la musique contemporaine, les chanteurs ont peu de repères. La mémorisation est très difficile. Si l'on veut se lâcher dans le jeu, on doit d'abord chercher la bonne note.

    J'ai chanté très peu d'opéras contemporains : à Bruxelles Œdipe sur la route de Pierre Bartholomé avec José Van Dam dans le rôle-titre, et à Genève Galilée de Michael Jarrell sur le texte de Brecht. Le problème des opéras contemporains, ce n'est pas qu'ils sont plus difficiles que ceux de Strauss, Wagner ou Mozart, c'est de démarrer au bon moment ! Des changements de mesure interviennent constamment dans les phrases.

     

    À quel moment cette oeuvre intervient-elle dans votre carrière ?

    À la fin. Je commence à transmettre. Je me rends compte de tout ce que j'ai à communiquer à mes étudiants. Voilà trente-sept ans que je suis sur les planches. J'ai eu la chance de ne jamais faire d'audition contrairement à ce qui se passe aujourd'hui. Les jeunes ont beaucoup à investir, y compris beaucoup d'argent. Le métier est devenu plus difficile. Chaque année sortent des conservatoires de jeunes talents qui éclatent comme des feux d'artifice Mais il leur faudra durer.

     

    Pouvez-vous transmettre votre art de la diction ?

    J'essaie de faire comprendre le texte Ă  tout moment. Quelqu'un a Ă©crit Ă  mon propos que j'Ă©tais une « diseuse de texte Â». J'en ai Ă©tĂ© très contente. Par rapport Ă  un hautbois ou un violon, un chanteur a un texte Ă  faire vivre avec ses couleurs. Une voix n'exprime pas grand chose si elle n'a pas un texte Ă  chanter. J'ai commencĂ© ma carrière avec le chef Armin Jordan qui y attachait beaucoup d'importance. Cela m'a fait grand bien. J'aime le beau son, mais Ă  l'intĂ©rieur d'un monde qui vit. Je dis toujours aux jeunes : « si on ne comprend pas le texte que vous chantez, vous ne pouvez pas faire vivre un personnage Â». Dans Genitrix, nous avons beaucoup de texte parlĂ©.

     

    Quels rôles vous ont le plus marqué ?

    Tous ceux que je suis en train de vivre, bien sĂ»r, mais surtout la Kostelnicka de Jenůfa que j'ai chantĂ©e Ă  Nantes, la mère d'Arabella et Ă©galement la gouvernante du Tour d'Ă©crou de Britten. Des rĂ´les que je vais refaire d'ailleurs, car je participe Ă  trois productions par an.

     

    Comment, à 63 ans, avez-vous réussi à conserver votre voix ?

    Elle est restée intacte parce que j'ai toujours essayé de garder la souplesse physique de ma voix, de travailler et de chanter sans forcer même quand la musique est tendue. J'ai commencé à 28 ans. J'étais deuxième dame dans la Flûte enchantée, une fille-fleur dans Parsifal ou une elfe dans Rusalka, et je chantais aussi des premiers rôles en concert comme ceux des oratorios de Bach, de Vivaldi. Je me suis attelé très progressivement aux grands rôles comme Orlofsky dans la Chauve-Souris.

    La condition physique, on ne peut y atteindre qu'après des années de travail. Quand j'ai chanté ma première Dorabella en 1986 aux côtés de Karita Mattila, j'avais déjà 42 ans ! Parce que je suis grande et mince, j'apparais toujours juvénile et le public y a cru. Maintenant, à la fin de mon parcours professionnel, j'aime les rôles de caractère pleins de violence. Je ne cours plus aucun risque vocalement.

     

    Quels sont vos projets immédiats après Genitrix ?

    Je chante l'Opinion publique dans Orphée aux enfers à Montpellier pour les fêtes de fin d'année. En mars, je fais les scènes de chasse de Penthésilée d'après Von Kleist dans l'opéra de René Koering. Ensuite, je participerai à une nouvelle production du Tour d'écrou à Bordeaux.




    À voir :
    Genitrix, opéra de László Tihanyi sur un texte de François Mauriac. Grand Théâtre de Bordeaux, du 25 novembre au 1er décembre.

     

    Le 23/11/2007
    Nicole DUAULT


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