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ENTRETIENS 25 avril 2024

William Christie ressuscite Zampa
© Ana Bloom / Virgin Classics

Imprévu, inattendu, tel est William Christie. L'un des papes du baroque aborde aujourd'hui un répertoire qui ne lui était guère familier. Il s'entiche de Zampa, le pirate séducteur et maléfique de Ferdinand Hérold, qui fit frissonner le public de l'Opéra-Comique et fut représenté en France 694 fois entre 1831 et 1913.
 

Le 10/03/2008
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Comment un baroqueux comme vous s'est-il passionnĂ© pour cette partition ?

    Il est grand temps d'enterrer ce qualificatif de « baroqueux Â». Quand j'entends ce mot, je me crois victime d'une maladie ! Les Arts Florissants travaillent un rĂ©pertoire qui va de Monteverdi Ă  la mort de Haydn. C'est avec la mĂŞme mĂ©thode, la mĂŞme curiositĂ© intellectuelle que nous abordons la partition de Zampa.

     

    Mais l'orchestre ne saurait ĂŞtre le mĂŞme que pour le baroque ?

    Une question brûlante. Si l'on écoute cette musique romantique sur des instruments modernes, des trombones, des trompettes, des cors à piston, des hautbois, des clarinettes qui ont vécu une évolution afin de pouvoir jouer Saint-Saëns, Debussy, Chostakovitch, Boulez, on s'aperçoit que ce ne sont pas les mêmes sonorités.

    On gagne en brillant et en facilité. Faire travailler quatre cors naturels avec des trombones début XIXe siècle, c'est beaucoup plus difficile sur le plan technique. Mais tout se fond d'une manière extraordinaire dans une espèce de moelleux. C'est comme un grand orgue Cavaillé-Coll. On soigne les instruments pour avoir une merveilleuse homogénéité dans les ensembles.

     

    Comment avez-vous découvert Zampa ?

    Voilà une quinzaine d'années, j'étais à Montpellier. L'Opéra était dirigé par Henri Maier. Sa femme Dany était fascinée par l'histoire de l'opéra, de la Vieille Comédie et, lisant de vieux comptes rendus fort élogieux sur Zampa, elle me demanda si je connaissais cette oeuvre. Je répondis par la négative. Elle me dit que ce fut la pièce la plus appréciée à Montpellier pendant des décennies. Apparemment, Zampa triompha un peu partout et fut l'opéra-comique préféré des Français. Il fut joué aussi triomphalement en Europe et en Amérique du Sud. Il fut seulement détrôné par Carmen et par Manon.

     

    Avez-vous trouvé facilement la partition ?

    L'ouverture se joue partout et assez souvent. La partition de l'opéra lui-même est bourrée de fautes d'édition qui se sont accumulées. Les générations anciennes n'étaient pas très soucieuses des détails. Les musiciens et moi nous avons passé des semaines à établir une nouvelle partition.

     

    La partition est pleine de clins d'Âśil Ă  Don Juan, Ă  Hernani, comment voyez-vous HĂ©rold ?

    C'est un littéraire cosmopolite. Il connaissait l'Allemagne, son Mozart par coeur et aussi Rossini. Zampa est un libertin qui transgresse. Cela fait partie de la grande littérature issue du XVIe siècle.

     

    Voilà pas si longtemps que Rossini a été réhabilité. Allez-vous aujourd'hui remettre Hérold au goût du jour ?

    Il y a aussi Boieldieu, Adam. La résurrection d'oeuvres comme Zampa dépend d'un ingrédient essentiel, l'orchestre sur instruments d'époque que nous avons ici. Moins tonitruant qu'une formation moderne, il a des couleurs compatibles avec les chanteurs. Je suis allé voir la Juive à la Bastille et j'ai regretté que l'orchestre ne soit pas celui des Arts Florissants. Rossini connaît un regain de popularité. Il reste cependant beaucoup à faire, beaucoup de mauvaises éditions et beaucoup de mauvaises habitudes.

    On ne peut faire chanter Rossini, Halévy ou d'autres musiques françaises avec les techniques vocales pratiquées le plus souvent. Le ténor stentor à l'américaine d'aujourd'hui, ces voix forcées pour dominer le grand orchestre moderne dans des salles démesurées ne se prêtent pas à cette musique.

    Les notes parfois confidentielles des ténors de Zampa montrent un art lié à la musicalité, à la langue. Dans tout opéra-comique, il y a le parler et le chanter. Le parler doit avoir une valeur musicale, théâtrale et dramatique aussi forte que le chanter. On revient ainsi comme les instruments dans la fosse à des technique anciennes du chant.

     

    Comment avez-vous commencé à travailler Zampa ?

    En lisant les innombrables commentaires écrits au XIXe siècle, y compris les attaques du grincheux Berlioz, qui était pathologiquement jaloux. Cela situe les valeurs, les ingrédients de base du style léger qu'il détestait. Ce qui est fascinant, ce sont les traités de l'époque, de vraies mines d'or qui ont permis d'expliquer aux jeunes chanteurs et aux instrumentistes comment se comporter avec cette écriture, ce style. Cela nous a permis de définir une esthétique vocale.

    En priorité, il fallait essayer d'être plus près des intentions et du goût d'alors. On n'aimait pas les voix tonitruantes. Au préalable, nous avons écouté des enregistrements historiques de voix des Années folles, une école qui n'existe plus. Les aigus sont murmurés et pas hurlés comme si souvent aujourd'hui.

     

    Avez-vous eu du mal Ă  trouver les chanteurs ?

    On a eu beaucoup de problèmes. Il a fallu trouver des chanteurs qui acceptent de remettre les priorités en question et trouver cette douceur, cette musicalité, cet art de la communication qui existait alors.

     

    À 50 ans, vous abordiez votre premier Mozart, à 63, vous découvrez Hérold le romantique. Et pour le futur ?

    Je suis prudent. Un grand metteur en scène allemand vient de me proposer Tristan. Je lui ai donné rendez-vous dans quinze ans, même si je pense que je ne serai pas plus prêt qu'aujourd'hui à aborder Tristan. Il reste tellement de choses dans le XVIIIe français que j'adore ! Je n'ai pas épuisé le stock des tragédies lyriques de Rameau. Nous n'avons pas mis en scène par exemple Zoroastre ou Dardanus. Restent aussi les ballets en un acte qui sont des bijoux.

    D'autres compositeurs me tiennent à coeur comme Montéclair et la génération d'avant, Campra, Marin Marais et puis il y a toujours Lully. Je fais ce que j'aime. Mozart va me rester très proche. Je ne peux imaginer une vie sans lui pas plus que sans Haydn. C'est une continuation.

     

    Zampa, c'est pour vous un retour à l'Opéra-Comique ?

    Cette maison a été le témoin des plus beaux moments de ma vie parisienne avec Atys, avec Médée. Et Zampa me semblait un clin d'œil, un hommage à l'Opéra-Comique et une manière de remercier Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps qui redonnent une vraie noblesse à une maison si souvent blessée.

     

    Une autre production la saison prochaine ?

    Si on me demande d'en faire trois par an, j'accepterai !

     

    Le 10/03/2008
    Nicole DUAULT


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