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ENTRETIENS 26 avril 2024

Marc Monnet, la musique sous toutes ses formes
© Albertine Monnet

Depuis cinq ans à la tête du Printemps des arts de Monaco, le compositeur Marc Monnet a donné à ce festival ensoleillé un dynamisme peu ordinaire. Il mêle oeuvres du répertoire et pièces modernes dans un melting pot où chacun peut picorer. Un moment terrifié, le public conformiste de la Principauté s'est laissé convaincre jusqu'à s'enthousiasmer.
 

Le 28/03/2008
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Vous vous étiez donné cinq ans pour convaincre.

    Je m'étais donné cinq ans pour créer une image nouvelle du festival et le redynamiser. Les institutions ont besoin de temps en temps d'être fouettées. J'ai essayé de fouetter gentiment mais efficacement le Printemps des Arts. Le résultat est riche d'enseignements : cent pour cent de places vendues en plus en quatre ans, soit dix mille spectateurs supplémentaires. On est parti de très bas, on a atteiont notre vitesse de croisière.

    J'essaie de donner une image artistique sans concession sauf que je prête une énorme attention à la présentation des oeuvres au public. Le programme de cette année en est une explication. Nous donnons Jenůfa, opéra de Janáček peu connu à Monaco. Il fallait compléter cet ouvrage avec de la musique de chambre, des choeurs a cappella. Je propose des portraits de compositeurs, j'attire le regard et les oreilles des spectateurs sur un compositeur.

     

    Votre Printemps des Arts n'a pas de ligne directrice.

    Je me refuse à une ligne directrice contraignante et arbitraire. Je ne veux pas m'enfermer. Je préfère une ouverture sur des époques différentes comme cette année un concert appelé Ars nova, ars antiqua, avec des musiques des XIIIe et XIVe siècles que les gens connaissent peu, ou un autre sur le premier XVIIIe siècle avec Forqueray, Rameau, Marin Marais.

    J'attire encore le spectateur sur le cinéma et la musique. On présente la Nouvelle Babylone, grand classique du cinéma russe avec la musique de Chostakovitch qui sera jouée en direct par l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. Nous donnons une création sur un autre classique du cinéma russe, la Terre, d'Alexandre Dovjenko, avec l'Ensemble Sphota. Il s'agit d'une commande en coproduction avec l'Auditorium du Louvre.

    Cinéma encore avec des courts métrages mettant en relation un plasticien et un musicien : la Procession de Vergès de Joan Miro et Edgar Varèse ou encore Symphonie mécanique de Jean Mitry et Pierre Boulez. J'attire sans cesse le regard du spectateur sur toutes les formes de la musique. Ce qui m'intéresse, c'est qu'il soit curieux. Malgré une programmation un peu difficile, le public est là. Il a compris qu'on le porte vers la découverte.

     

    La découverte avec Chopin ?

    Un compositeur que l'on croît connaître ! Je propose cinq concerts Chopin, trois récitals de piano dans la même soirée, un panorama. J'ai demandé au compositeur Hugues Dufourt d'écrire un hommage à Chopin. Cette création jouée par un jeune pianiste de 22 ans, Nima Sarkechik, a été préalablement enregistrée en studio, et nous sortons le disque en même temps que le concert. Nous avons également un concert de musique symphonique avec l'Orchestre Philharmonique de Nice sous la direction de Rozhdestvenski, avec la pianiste Viktoria Postnikova. Puis nous enchaînons avec un concert de musique de chambre moins connue de Chopin ainsi que des mélodies.

     

    Pourquoi donner une intégrale des sonates de Beethoven ?

    D'habitude, je suis assez hostile aux intégrales. Je programme les 32 sonates de Beethoven parce qu'on peut y lire toute sa vie et qu'à travers elles, on perçoit tout ce qu'il a inventé jusque dans les quatuors et l'orchestrations. Dix minutes avant chaque concert, elles sont présentées au public. C'est un défi pour le pianiste François-Frédéric Guy, beethovénien né, qui donne pour la première fois l'intégrale en dix concerts : il est dans l'intelligence et pas dans la fioriture, dans la compréhension de l'oeuvre et pas dans l'excès. Il est dans la tradition des pianistes français, des Cortot, des Nat. On n'est pas avec lui dans l'extravagance technique, même si la sienne est prodigieuse.

     

    Dans votre programmation, il y a finalement assez peu de musique contemporaine.

    En quatre ans, nous avons passé vingt-quatre commandes. Je ne souhaite pas faire des concerts uniquement de musique contemporaine, car cette forme ne lui est pas favorable. Dans les années 1950-1960, il y avait un tel blocage qu'il était nécessaire d'imposer la musique de notre temps. On n'est plus dans cette situation. Je cherche à ce que les créations soient intégrées dans les programmes, c'est le cas de Dufourt avec Chopin, du film avec Sphota. Ce sera encore le cas de Gilbert Amy dans le concert Schoenberg, pièce que j'ai commandée pour l'Orchestre de Monte-Carlo. Enfin, dans le programme Ars Nova, j'ai demandé au compositeur Jérôme Combier d'écrire une pièce pour instruments anciens.

    Je préfère avoir quatre créations bien intégrées plutôt que vingt créations que personne n'écoute. Il y aura d'autres pièces contemporaines lors du « voyage surprise Â» et également un concert dédié à Messiaen dont on célèbre le centenaire de la naissance. Certes, ce n'est plus un compositeur contemporain mais il représente pour le public non pas un danger mais une éternelle surprise. La musique contemporaine a sa place et j'y attache la plus grande importance.

     

    Vous êtes compositeur et dans la programmation 2008, pas la moindre pièce de Marc Monnet !

    C'est trop facile. J'appuie sur le bouton et je m'autoprogramme ! Je n'exclus pas de le faire. J'ai un projet pour le Ballet de Monte-Carlo de Jean-Christophe Maillot. Mais je n'ai pas besoin du Printemps des arts pour exister en tant que compositeur. J'aime bien séparer les choses. Il n'y a pas d'urgence.

     

    Vos fonctions d'administrateur-directeur et de compositeur ne se télescopent-elles pas ?

    Haydn dirigeait un orchestre, Mozart s'autoprogrammait, Mahler était directeur d'opéra. C'est le XXIe siècle qui a interdit aux compositeurs d'être responsables artistiques. À part Pierre Boulez qui est le dernier directeur d'une institution, dans toutes les autres, on a exclu les compositeurs. C'est regrettable. Le compositeur a une connaissance de la musique, c'est évident. Il a des partis pris. Pourquoi pas ? Les directeurs de salles aussi.

    Ce qui est intéressant, c'est la pluralité. On se trouve maintenant avec des institutions musicales dont les dirigeants ne savent même pas lire une partition. On ne donne pas à un compositeur la responsabilité d'une centrale atomique, c'est normal. Mais on accepte de donner à quelqu'un qui vient de l'administration un poste de responsable musical. C'est incompréhensible. Je suis pour qu'il y ait des artistes à la tête des institutions.

     

    Vous avez fait entrer le théâtre dans le Printemps des Arts.

    J'ai invité deux figures montantes du théâtre français, les metteurs en scène Pascal Rambert et Stanislas Nordey. Le premier dirige le Théâtre de Gennevilliers après Bernard Sobel, et le second a mis en scène des opéras, comme Saint François d'Assise de Messiaen à la Bastille et Pelléas et Mélisande à Londres, ce qui lui a valu un prix. Nous faisons avec Nordey une coproduction avec le Théâtre du Rond-Point pour deux pièces de Falk Richter, dramaturge allemand dur et politique, qui seront reprises cet été en Avignon. Tout cela est un théâtre d'aventure et de texte.

     

    Votre programmation se termine aussi par une fête marocaine.

    Je voulais une forme conviviale avec de la musique marocaine des hauts plateaux. J'aimerais faire encore plus de musique extra-européenne. Cela est formateur pour l'oreille et permet au public d'avoir plus de tolérance sur ce qu'il entend. La notion de timbre est très importante pour faire évoluer l'écoute et les musiques extra-européennes nous aident.

     

    Que voulez-vous que le spectateur du Printemps des Arts retienne de la manifestation ?

    Le plaisir de voyager dans la musique et dans le temps !




    Le Printemps des Arts, du 28 mars au 13 avril.
    Site Internet: www.monaco-spectacle.com.

     

    Le 28/03/2008
    Nicole DUAULT


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